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Le Delaware, nouveau port pas très franc du marché de l’art

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:55

Enquête. Les Ports francs de Genève commencent à perdre des locataires au profit de nouveaux venus dans l’entreposage hors taxes, situés dans un fameux paradis fiscal.

Cerbères de l’évasion fiscale, les Etats-Unis aiment ajouter une touche de morale à leur action régulatrice. Par exemple dans le marché de l’art. Le 28 mai dernier, le New York Times consacrait un long article aux Ports francs de Genève, cette forteresse exemptée de droits de douane et de TVA. C’est mal. Mais ce qui l’est plus encore, regrettait l’article, c’est que tous les chefs-d’œuvre planqués à la Praille sont invisibles, alors que l’art est fait pour être vu. «Considérer que l’art est une marchandise et le cacher dans un entrepôt n’est pas très moral à mes yeux», notait le grand collectionneur américain Eli Broad dans le New York Times.

Les larmes nous viennent aux yeux devant tant d’élévation d’esprit. Pourtant, les Etats-Unis feraient bien de commencer par balayer devant la porte de leurs propres ports francs de l’art ancien, moderne ou contemporain. Entre ici en scène le fameux Etat du Delaware, aux règles fiscales si avantageuses qu’il compte autant de boîtes aux lettres d’entreprises que d’habitants (près d’un million). Le minuscule Etat rural, perdu entre New York et Washington, s’est enrichi ces derniers mois de plusieurs entrepôts sécurisés et climatisés, tous destinés à accueillir des collections d’art.

Le plus ambitieux d’entre eux est le Delaware Freeport, aménagé dans une ancienne usine d’emballage. Ouvert en septembre dernier, pourvu d’une surface de 3400 m2 mais bien décidé à l’agrandir rapidement, ce port franc entend offrir une option made in USA aux grands ports francs de l’art, à Genève, au Luxembourg ou à Singapour. Il est de plus pourvu d’une zone hors douane.

Le fisc, un allié involontaire

Le Delaware Freeport est porté par Fritz Dietl, un Autrichien arrivé à New York en 1988, aujourd’hui à la tête de la plus grande entreprise de transport et d’entreposage d’œuvres d’art des Etats-Unis, Dietl International. L’équivalent transatlantique d’Yves Bouvier, le patron de Natural Le Coultre à Genève, sans milliardaire russe à ses basques.

Fritz Dietl a un allié involontaire: le Département du fisc de l’Etat de New York. Celui-ci a récemment serré la vis aux maisons de ventes, galeries, fonds ou intermédiaires de l’art sur son territoire. Alors, pourquoi payer près de 10% de taxes sur un achat de tableaux à New York alors que vous pouvez déposer ces trésors chez moi sans verser un dollar au fisc? dit en substance Fritz Dietl aux professionnels américains du marché de l’art.

Le logisticien table aussi sur la réputation entamée des Ports francs de Genève, encore récemment à la une avec la séquestration d’un tableau suspect de Modigliani dans le cadre des Panama Papers (la saisie a été levée il y a quelques jours). David Hiler, le président des Ports francs, confirme qu’un client des entrepôts de la Praille a quitté les lieux au profit du Delaware Freeport.

Fritz Dietl ajoute: «Plusieurs de nos clients, ici, aux Etats-Unis, envoyaient par le passé leurs collections à Genève et dans d’autres ports francs; aujourd’hui, ils réalisent que notre lieu offre de nombreux avantages en termes de déplacements et d’économies. Par rapport à Genève, la seule chose que nous n’ayons pas est la vue sur les Alpes!»

Ce port franc n’est plus seul dans son petit paradis fiscal. Atelier, un logisticien de Philadelphie, y a ouvert un grand museum art quality storage en juin 2015. Crozier Fine Arts, de New York, a fait de même l’hiver dernier.

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