Exclusif. Complaisant envers la SSR, le rapport du Conseil fédéral? Il contient quelques «orientations» qui résonnent comme un désaveu de la politique de ses dirigeants.
«Le système mixte de financement actuel de la SSR, basé à la fois sur la redevance et des recettes publicitaires, reste la meilleure solution.» Selon plusieurs sources consultées par L’Hebdo, telle est la principale conclusion du rapport du Conseil fédéral, dont la publication est prévue pour la fin de ce mois. Le gouvernement s’inscrit dans la continuité, partageant l’analyse de la Commission fédérale des médias (Cofem) publiée en décembre dernier.
Alors, la SSR va-t-elle pouvoir fonctionner comme avant? Sûrement pas! Car la révolution numérique a bouleversé toutes les habitudes de consommation des médias dans le suivi de l’actualité. Elle marque le triomphe de l’internet, loin devant la radio, la télévision et enfin la presse écrite. Selon une étude de l’Université de Zurich, les jeunes de 15 à 34 ans s’informent d’abord en ligne: ils passent plus de quatre heures par jour à surfer, beaucoup plus qu’ils n’écoutent la radio (cent dix minutes) et ne regardent la télévision (huitante minutes). Pour la SSR, ce constat est inquiétant. Ses vecteurs de diffusion ne touchent plus les jeunes, d’autant plus que ceux-ci ne consultent que très peu les sites de la SSR.
Dans son rapport, le Conseil fédéral formule une douzaine de pistes sur lesquelles il souhaite que la SSR s’engage. Il les appelle des «orientations», dont certaines sont des critiques implicites de la politique actuelle de la direction générale. «L’un des plus grands défis est d’atteindre les jeunes, y compris ceux qui ont un passé migratoire», peut-on y lire. Aux yeux du gouvernement, la SSR a un rôle d’intégration à jouer et elle devra l’assumer davantage à l’avenir. Il attend aussi d’elle qu’elle développe les échanges entre régions linguistiques.
Sur le plan du divertissement, le Conseil fédéral confirme que celui-ci est un «domaine important» des programmes. Mais il demande aussi que la SSR – en tant qu’institution de service public – se distingue davantage des chaînes privées. Il estime qu’il faut «réévaluer de manière critique» l’achat de productions à l’étranger, à commencer par les séries et autres sitcoms. A lire entre les lignes, le gouvernement n’est pas loin d’estimer que des formats comme The Voice n’ont rien à faire sur une chaîne publique. Il se demande même si la nouvelle concession – celle qui doit entrer en vigueur en 2018 – devrait comprendre des directives à ce sujet!
Tout se jouera sur l’internet
Concernant le financement, le Conseil fédéral fait confiance au système mixte actuel, axé sur la redevance et la publicité. Il a vite écarté la proposition du laboratoire d’idées Avenir Suisse, qui voulait réduire la SSR à un fournisseur de contenus, et l’option d’un modèle dual réservant la redevance au secteur public et la publicité aux médias privés. Cela dit, il fait clairement savoir que la SSR n’aura pas davantage de moyens à l’avenir.
Elle devra se contenter d’un socle de «1,2 milliard de francs» – c’est légèrement plus aujourd’hui – au titre de la redevance, à quoi s’ajouteront les recettes publicitaires. Dans l’immédiat, le gouvernement maintient son interdiction de la publicité sur le Net, cela pour une durée de trois à cinq ans, période après laquelle il faudra reconsidérer la situation.
Car, à l’avenir, tout se jouera sur l’internet. Ce qui ne plaira guère aux éditeurs privés, qui s’y opposent farouchement, mais le rapport incite la SSR à investir davantage ce vecteur. Et pour financer cet effort, il pourrait revoir son offre de télévision linéaire. Faut-il y voir le début de la fin pour les deuxièmes chaînes de télévision? Le rapport ne le dit pas ainsi, mais il le laisse penser.
Quoi qu’il en soit, la SSR doit redescendre de son piédestal, quitter l’attitude du faiseur de contenus qui sait mieux que quiconque ce que veut son public. Pour mieux légitimer le service public, la SSR a tout intérêt à dialoguer davantage avec le monde politique tout comme avec la population: surtout les 49,7% de votants qui ont rejeté la nouvelle redevance en juin 2015.