Essai. Tesla prend de nouveau la concurrence de vitesse en lançant le premier gros 4x4 électrique. Doté de surcroît d’élégantes portes papillons. Mais facturé au prix fort.
Enfin! Présenté en mars 2012 au Salon de l’auto de Genève, le premier SUV électrique de Tesla aura pris son temps pour lancer sa commercialisation. Confirmant au passage la réputation de la jeune marque californienne de ne pas tenir ses délais. Après un lancement au compte-goutte dès l’automne dernier aux Etats-Unis, le Model X peut être commandé en Europe, Suisse comprise, moyennant un délai d’attente de 4 à 5 mois. Et le versement d’environ 100 000 francs, la machine faisant payer cher son pas-de-porte technologique.
Ce sont d’ailleurs les portes papillons (ou faucons, selon la terminologie Tesla) du Model X qui ont été l’une des causes du retard de commercialisation. Leur mise au point a été plus ardue qu’escompté. Leur mouvement complexe et surtout la sensibilité des capteurs qui détectent des obstacles lors de l’ouverture ont donné du fil à retordre aux techniciens américains.
Mais ces portes qui s’élèvent à la verticale, facilitant l’accès aux places arrière, sont la signature visuelle du Model X. Elon Musk, le patron quasi messianique de Tesla, y tenait. Il a cinq enfants et c’est aux plus jeunes qu’il pensait lorsqu’il a exigé des «ailes de faucon» sur son SUV. Ces ouvrants symbolisent aussi l’esprit d’une marque qui ne fait rien comme les autres.
Le voici, ce 4x4 silencieux, bien campé sur ses grosses roues dans la campagne munichoise, où nous avons pu l’essayer début juin, par un miraculeux jour de beau temps. Il s’inscrit dans le créneau très convoité des SUV de luxe, dont la croissance en Europe est deux fois et demie plus importante que celle des berlines.
Un genre imposant, souvent agressif, auquel le Model X échappe par son style fluide. Comme ses moteurs électriques, l’un à l’avant, l’autre à l’arrière, n’ont pas besoin d’être refroidis, le SUV se passe de grosse calandre grillagée. La ligne du capot glisse vers un immense pare-brise panoramique, le plus grand de la catégorie. Autre record: un coefficient de traînée de 0,24, environ 20% de moins que la concurrence des Audi Q7, BMW X5, Porsche Cayenne ou Volvo XC90.
Le Model X est disponible en 5, 6 ou 7 places. Dans cette dernière configuration familiale, obtenue grâce à trois rangées de sièges, le volume du coffre arrière est réduit. Mais l’absence de gros moteur à hydrocarbure permet d’offrir un coffre complémentaire de 190 litres à l’avant. Des accessoires maison permettent de trimbaler à la poupe des skis, des vélos ou de tracter une remorque d’un poids maximum de 2268 kg.
2,4 tonnes en balade
Une charge un rien en dessous du SUV lui-même, qui affiche 2,4 tonnes sur la balance. Soit presque 300 kg de plus que le Model S, la berline Tesla dont il est dérivé. Ce surpoids se remarque lors des premiers kilomètres dans la campagne bavaroise: par rapport à la berline, le 4x4 a un peu plus d’inertie dans les courbes et les accélérations sont légèrement en retrait. Elles restent toutefois faramineuses, le sport utility vehicle étant capable dans sa version la plus puissante de passer de 0 à 100 km/h en 3,4 secondes.
L’autonomie est aussi en baisse modérée, affichant entre 417 et 487 km selon les modèles. Ce sont les données de Tesla: dans le monde réel, expérience faite avec le Model S, il convient de soustraire une cinquantaine de kilomètres à ce rayon d’action.
Grâce à ses packs de batteries lithium-ion logées sous le plancher, le Model X a un centre de gravité placé très bas. Il est ainsi plus agile et précis dans les virages que la norme des gros SUV, comme il aura moins tendance à partir en tonneaux.
Sécurité avant tout
La sécurité était la première valeur mise en avant par les responsables de Tesla lors des essais de Munich. Pour eux, mais la modestie n’est pas leur première vertu, le Model X est le sport utility vehicle le plus sûr jamais conçu. Un exemple: son architecture en sandwich, avec le caisson renforcé des batteries, permet une résistance hors normes aux intrusions latérales dans l’habitacle en cas d’accident.
En option, le Model X propose une fonction «guerre bactériologique». Il faut voir là une marque de l’humour particulier d’Elon Musk, qui a également baptisé ludicrous («ridicule») le mode d’accélération maximale. Il s’agit d’un filtrage de qualité médicale de l’air, permettant notamment de surpressuriser l’habitacle, comme dans un avion de ligne. Avec pour effet d’isoler totalement la voiture de l’air ambiant, surtout si celui-ci est pékinois, parisien ou londonien. Les polluants, allergènes et bactéries sont éliminés à 99,97%.
Conduire dans une bulle
C’est ainsi que l’on file dans la campagne de Bavière, isolé dans une bulle, profitant du caisson de basses et des 16 haut-parleurs, voire de l’autopilote qui transforme le Model X en véhicule semi-autonome. Ou en discutant avec Ian Kenny, responsable de la communication à l’usine Tesla, à Fremont, près de San Francisco, qui est sur le siège passager. Tapotant sur le grand écran tactile à bord, le même que sur le Model S, Ian Kenny configure les suspensions pneumatiques et la direction sur le mode «sport». Avant de vite repasser sur «confort» au vu de l’allure déraisonnable vite atteinte par le conducteur inconscient à ses côtés. Disponible sur les versions 90D ou P90D, l’amortissement pneumatique permet de surélever le SUV pour franchir un relief, rouler dans la neige ou faciliter l’accès à bord.
Du propre aveu de Tesla, le système d’ouverture des portes arrière Falcon n’est pas encore entièrement au point. Mais son logiciel s’améliore sans cesse grâce aux mises à jour régulières lancées depuis la Calfornie, comme si le Model X était un smartphone de 2,4 tonnes. Les portes n’ont besoin que d’une trentaine de centimètres d’espace disponible pour s’ouvrir, remontant d’abord vers le haut, comme si elles haussaient des épaules, avant de se déployer comme des ailes de papillon, pardon, de faucon.
Cette chorégraphie mécanico-électronique est bluffante, compliquée, mais elle donne un tour aimable à la machine électrique. L’une des cibles principales du Model X est la mère de famille (aisée), sachant que la clientèle de la berline S est à 80% masculine. Une manière comme une autre de conquérir de nouveaux territoires, y compris sur celui du genre.