Comtesse (vers 1335-1395). Le territoire neuchâtelois assure sa pérennité grâce à l’ultime descendante de sa dynastie fondatrice. Par les armes.
Les frontières de Neuchâtel semblent avoir été fixées de toute éternité. Il est vrai que le périmètre cantonal est établi depuis la fin du Moyen Age, à la (modeste) exception du petit village du Cerneux-Péquignot, près du Locle. Une apparente stabilité qui est le résultat de guerres féroces, de batailles sanglantes et de coups tordus. Une personne s’est illustrée dans ce combat: Isabelle de Neuchâtel, comtesse du XIVe siècle, ultime porteuse du nom, dont le décès en 1395 marque le transfert de la souveraineté à des familles extérieures au canton.
«Elle était une femme à poigne. Cohéritière du comté de Neuchâtel à la mort de son père Louis, elle évincera rapidement sa sœur Varenne (ou Vérène), mariée à Egon de Fürstenberg, comte de Fribourg-en-Brisgau. Elle s’est notamment opposée avec succès à sa marâtre, Marguerite de Vufflens, épouse en troisièmes noces de Louis de Neuchâtel. Elle a également eu à défendre le comté à deux reprises contre les troupes de mercenaires qui ont sévi dans la région, les Gugler», relate l’Office des archives de l’Etat.
Coincé entre le royaume de Bourgogne, le comté de Savoie et les cantons suisses, le comté de Neuchâtel était l’une de ces seigneuries dépendant immédiatement du Saint-Empire romain germanique, vouées à se renforcer ou à disparaître. Il fallait donc de l’énergie pour maintenir l’unité du territoire et éviter son absorption par ses voisins.
Isabelle de Neuchâtel est devenue comtesse avec sa sœur Vérène en 1369. Cette dernière est mise à l’écart quatre ans plus tard. Puis les armes sont brandies. En 1377, Isabelle envoie ses troupes s’emparer de Boudry, sur lequel elle exerçait la souveraineté mais dont la châtellenie avait été mise en usufruit à sa belle-mère, Marguerite de Vufflens. Cette dernière contestait leurs droits aux bourgeois du lieu. Pire, vexée de les voir demander l’aide d’Isabelle, elle avait même fait piller et incendier une partie du bourg. Aussi la dirigeante de Neuchâtel a-t-elle eu la main facile lorsqu’il s’est agi de reprendre la localité.
La tâche a été moins aisée face aux Gugler, qui ravageaient la France de la guerre de Cent Ans (1337-1453) et, au passage, les contrées voisines. Embauchés par le sire de Coucy, allié du roi d’Angleterre et en guerre contre l’Autriche, ces mercenaires se sont avancés jusqu’aux portes de la ville de Neuchâtel, se sont emparés de l’abbaye de Fontaine-André en 1375, qu’ils incendient avant de repartir sans s’emparer de la cité.
Isabelle a, enfin, couru à l’échec dans sa tentative de s’emparer de Cerlier (Erlach). Elle pensait pourtant tenir une bonne occasion avec le décès de Rodolphe de Nidau, son ex-mari et seigneur de cette localité. Mais c’était compter sans l’intervention du comte de Savoie, suzerain de la famille de Nidau, qui exige, et obtient, de la souveraine neuchâteloise qu’elle reste à l’intérieur de ses frontières.
Femme de pouvoir dans un monde où celui-ci était avant tout une prérogative masculine, Isabelle n’a pas de descendants, faute de mariage réussi. Aussi institue-t-elle héritier son neveu, Conrad de Fribourg-en-Brisgau. Avec son décès en 1395 s’éteint la ligne aînée des Neuchâtel.
En savoir plus
➤ Il faut se rendre dans le petit village français des Alliés, proche de Pontarlier, pour trouver une rue Isabelle-de-Neuchâtel. Ni le canton ni la ville portant ce nom n’ont jugé utile de lui conférer le même honneur. En revanche, Isabelle est présente à la collégiale sous la forme d’une statue intégrée au cénotaphe du tombeau de son père Louis.
➤ Aucun ouvrage n’étant spécifiquement consacré à Isabelle de Neuchâtel, il est possible de se référer au «Dictionnaire historique de la Suisse».
