Patriote (vers 1482-1532). Genève aurait pu ne jamais être la Cité de Calvin sans le combat résolu de quelques hommes emmenés par Besançon Hugues, qui ont réussi à chasser le duc de Savoie et à rattacher leur ville à la Suisse. Peu de souvenirs en subsistent.
C’est un quai fort étroit, coincé entre une rangée de maisons anciennes et le Rhône, au centre de Genève. Le nom de son titulaire, Besançon Hugues, ne trouve plus guère de résonance dans les mémoires. Pourtant, il est l’un des pères de l’indépendance de la ville. Sans lui, Genève n’aurait jamais accueilli Calvin, ne serait pas devenue la Rome protestante, n’aurait pas rejoint la Suisse. Le modeste quai est le principal souvenir de ce héros qui a permis à Genève d’acquérir son éclat de ville internationale et de centre financier.
Quand l’Europe s’ouvre à la Renaissance, les jeux ne sont pas encore faits pour la cité de l’extrémité du Léman. Les ducs de Savoie, en maîtres des campagnes alentour, cherchent à s’emparer de cette principauté épiscopale déjà centre marchand et bancaire. Ils ont l’appui des évêques. Mais ils se heurtent à l’opposition de familles citadines fortunées, qui rêvent, elles, de prendre leur destin politique en main.
C’est de ce milieu qu’est issu Besançon Hugues. Il naît vers 1482 (l’état civil n’était pas encore établi à l’époque) dans une famille de pelletiers «issue de chanoines. Qui ne s’entendaient pas avec les évêques, comme tous les chanoines», rappelle ironiquement l’historien Bernard Lescaze. En 1501, le jeune homme épouse Clauda de Fernex, fille d’un syndic de Genève. Et s’engage résolument du côté de la commune lorsque Charles II, duc de Savoie, entame de nouvelles tentatives de s’emparer de la ville au début du XVIe siècle. Il devient le chef du parti des Eidguenots, qui militent pour la résistance.
Soutien du roi de France
Avec l’aide de quelques confrères dont Philibert Berthelier et Ami Lévrier, il ravive d’anciennes alliances avec Fribourg et Berne et parvient, après des années de bras de fer, à chasser le duc de Savoie et son allié l’évêque de Genève. Cela ne va pas sans faire jaillir le fer et le sang. Le duc occupe la ville en 1519. Besançon Hugues doit s’exiler à Fribourg tandis que son ami Berthelier est décapité.
Fin 1525, le duc, sûr de l’avoir emporté définitivement, quitte la ville. Il n’y remettra plus les pieds car, au printemps 1526, les patriotes parviennent à retourner la situation grâce à leurs alliances avec Fribourg et Berne ainsi qu’avec un discret mais efficace soutien du roi de France, qui lorgne à son tour sur cette ville vue comme la clé du Plateau suisse. Les Eidguenots sont victorieux tandis que les partisans de la Savoie émigrent.
Besançon Hugues meurt en 1532. Trop tôt pour assister au virage majeur que prendra sa ville trois ans plus tard en embrassant la Réforme, qui ouvrira la porte à Calvin, au Refuge et à la gloire. Pourquoi s’en souvient-on à peine aujourd’hui? L’histoire a retenu avant tout le nom du grand réformateur au détriment du héros de l’indépendance. Bernard Lescaze y voit une raison supplémentaire: «Il était resté catholique.»
En savoir plus
➤ Besançon Hugues a laissé un mot de la langue française: «huguenot», qui signifie «protestant», voire «protestant calviniste». Ce mot résulte de la contraction du mot allemand «Eidgenosse», qui signifie «confédéré», et de «Hugues».
➤ Le patriote voit aussi son buste exposé sur la façade nord du Palais de l’Athénée, édifié au XIXe siècle.
➤ Un quai sur les rives du Rhône et une plaque souvenir en Vieille-Ville sont par ailleurs les seuls marqueurs urbains en sa mémoire.