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Miracle en Arménie

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Jeudi, 7 Juillet, 2016 - 05:51

Zoom. Metin Arditi a remis à Erevan les prix du concours d’écriture lancé par la Fondation Arditi pour le dialogue interculturel entre universités turques et arméniennes. Après son initiative similaire en Israël entre étudiants juifs et arabes, il poursuit ainsi sa mission de réconciliation par la littérature.

Miracle à Erevan: jeudi dernier, dans le grand auditorium de l’Université américaine d’Arménie, c’est devant une quinzaine de représentants de quatre des plus importantes universités de Turquie (les universités stambouliotes du Bosphore, Sabanci, Bilgi et Sehir), mêlés aux responsables et étudiants des deux universités arméniennes, avec qui ces mêmes universitaires turcs avaient passé la journée à visiter le mémorial du génocide arménien, que Metin Arditi a dévoilé et salué les deux lauréats du concours d’écriture lancé un an auparavant par la Fondation Arditi pour le dialogue interculturel.

Intitulé A Difficult Dialogue, il invitait les étudiants des universités participantes à se projeter en 2025 en imaginant un dialogue entre deux étudiants, l’un Turc, l’autre Arménien, se rencontrant à Genève. Cent cinquante textes ont été reçus et lus par des jurys issus de chaque université. Deux colauréats, qui reçoivent chacun 2500 dollars, ont été choisis: Baki Karakaya, né en 1993 au bord de la mer Noire, étudiant en philosophie et en sociologie de l’Université Bilgi, et Ani Baghumyan, née à Etchmiadzin, étudiante en anglais et en communication de l’Université américaine d’Arménie.

C’est en mai 2015 que, fort de son expérience en Israël où il a lancé l’an dernier un projet similaire entre étudiants juifs et arabes qui vient de boucler sa deuxième édition, il décide de tenter la même démarche entre l’Arménie et la Turquie. Les Arméniens, avec en sus le soutien «important» de Lukas Gasser, ambassadeur de Suisse en Arménie, acceptent.

Las, l’Université d’Ankara, proche du gouvernement, lui retire son soutien après la publication dans L’Hebdo d’une lettre ouverte au président Erdogan, l’encourageant notamment à reconnaître le génocide arménien, annulant par ailleurs un colloque littéraire auquel il devait participer. Mais les universités Sehir et Sabanci d’Istanbul restent dans l’aventure, recrutant même leurs collègues de deux autres universités.

Metin Arditi n’y croyait plus

Durant plusieurs mois, Metin Arditi fait la navette entre la Turquie et l’Arménie, organisant son projet culturel dans un climat politique tendu, expliquant le concours aux diverses assemblées d’étudiants. Sur les 150 textes, écrits dans la langue maternelle des auteurs, la moitié vient de Turquie, l’autre moitié d’Arménie.

«Ce qui émerge par rapport au contenu, c’est que, à l’évidence, les Arméniens sont plus au fait du problème, présent au quotidien dans leur vie et leur mémoire familiale, que les jeunes Turcs, à qui personne n’en parle jamais. Du coup, les Turcs donnent à leur histoire une composante romanesque plus importante. Leur mérite est d’autant plus grand. Le sujet des rapports entre Turcs et Arméniens est cent fois plus tabou encore qu’entre juifs et Arabes en Israël. La percée obtenue grâce au concours d’écriture est d’autant plus forte. Les juifs et les Arabes s’engueulent, se déchirent, mais il y a une forme de communication. Ils vivent côte à côte, se voient. En Arménie, il y a un siècle qu’ils ne se parlent pas, ne se voient pas, que la frontière est fermée. Parler même de réconciliation est dangereux en Arménie, parce que les gens souhaitent qu’il y ait reconnaissance avant tout. Les représentants des universités turques venus à Erevan sont doublement courageux.»

Metin Arditi espère relancer une deuxième édition du concours à l’automne, petit caillou de l’espoir sur le chemin encore long et incertain de la réconciliation entre les deux pays. «Je suis né en Turquie, dans une minorité. A Ankara comme à Istanbul, les communautés juives et arméniennes étaient proches. En tant que juif, j’ai souhaité favoriser un dialogue judéo-arabe. En tant que Turc de naissance proche de la communauté arménienne (ici comme là-bas), j’ai le même sentiment d’urgence d’un vrai dialogue. Et il n’y a rien de plus fort pour cela que la littérature.» 

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Alisa Tovmasyan
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