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Contrôles aux frontières: un mythe savamment entretenu

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Jeudi, 14 Juillet, 2016 - 05:54

Enquête. La surveillance systématique de la frontière coûterait au bas mot 200 millions de francs supplémentaires.

Les images dantesques de migrants prêts à tout pour gagner l’Europe, mais aussi les attentats terroristes de Paris en novembre 2015 ont laissé des traces dans l’esprit des gens. L’UDC et l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) ne sont plus les seules à réclamer des contrôles systématiques à la frontière suisse. Lors du sondage réalisé à l’occasion du dernier Forum des 100 de L’Hebdo, 70% des personnes interrogées les appellent aussi de leurs vœux.

Ce besoin de sécurité est compréhensible, mais il repose sur un mythe savamment entretenu par la droite nationaliste. Celui qui affirme qu’avant la participation de la Suisse à l’espace Schengen en 2008, le Corps des gardes-frontière (CGFR) était omniprésent sur la frontière, capable de la verrouiller en cas de danger imminent. Tel n’a jamais été le cas en temps de paix.

Certes, Schengen, cet accord de collaboration avec 19 pays de l’UE, a modifié beaucoup de paramètres. Il a abouti à la suppression des contrôles systématiques de personnes aux frontières intérieures de l’espace Schengen pour les compenser par un renforcement de la lutte contre la criminalité par la coopération internationale sur les plans policier et judiciaire. Mais déjà avant Schengen, le CGFR ne contrôlait que le 3% du trafic pénétrant en Suisse. Ses effectifs étaient d’ailleurs inférieurs à ceux d’aujourd’hui, soit 2073 hommes.

La Suisse partage 1900 kilomètres de frontière avec ses pays voisins. Si son Corps des gardes-frontière est présent sur les 14 principaux points d’entrée, il ne peut cependant pas surveiller les 700 routes carrossables qui sont autant de points de passage possibles. Dans le canton de Genève, seul un poste reste occupé 24 heures sur 24, celui de Bardonnex.

Effectifs à doubler

Dès lors, la réintroduction de contrôles systématiques n’est plus qu’un jeu de l’esprit mathématique. «Il faudrait au moins doubler les effectifs des gardes-frontière, soit les faire passer à 4000 hommes», note le Département fédéral des finances (DFF).

Leur engagement reviendrait à environ 200 millions de francs supplémentaires par an. Quant au coût économique, il est impossible à chiffrer. Chaque jour, 350 000 véhicules et 20 000 poids lourds franchissent la frontière. C’est dire que des contrôles systématiques provoqueraient des embouteillages monstres, ruineux pour les entreprises des zones transfrontalières notamment.

Surtout, cela n’a pas de sens. «Il faut cibler les contrôles et engager nos moyens en fonction des risques, souligne Michel Bachar, porte-parole du Corps des gardes-frontière de Genève. Ainsi, lors des attentats de Paris, nous avons modifié nos priorités et réaffecté 30% de nos effectifs pour sécuriser la frontière et réaliser des missions de renseignement», ajoute-t-il. Même si la droite nationaliste continue à labourer ce thème politique, elle a toutefois modéré son discours. En témoigne l’attitude de l’ASIN, qui, voici un an, envisageait encore sérieusement de lancer une initiative à ce propos.

Elle y a renoncé entre-temps, préférant concentrer ses forces sur l’application de l’initiative «Contre l’immigration de masse». En revanche, elle continue d’en appeler à l’armée pour épauler le CGFR à la frontière. «La frontière extérieure de l’espace Schengen est une passoire avec des trous gros comme dans un fromage de l’Emmental. Il faut donc mieux surveiller la nôtre avec l’armée à titre subsidiaire», déclare son secrétaire général, Werner Gartenmann.

Le 14 avril dernier, le Conseil fédéral a validé le principe d’une planification d’urgence dans le domaine de l’asile. Le Département de la défense (DDPS) s’est préparé à fournir 2000 militaires en cas de besoin, voire un bataillon supplémentaire de 700 hommes dans l’hypothèse d’un «événement grave» pour répondre à d’éventuels besoins des autorités civiles. Pour l’instant cependant, même si les statistiques des entrées illégales de migrants augmentent de 30% par rapport à l’an dernier, la situation ne l’exige pas. 

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Salvatore Di Nolfi / Keystone
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