Ghislaine Bloch
Enquête. Swisscom planifie, d’ici à la fin de 2017, le remplacement de la téléphonie fixe traditionnelle par la téléphonie via l’internet. Le changement aura un impact non seulement sur les alarmes, mais aussi sur les boutons d’aide dans les ascenseurs ou les bracelets émetteurs pour personnes âgées.
«J’ai récemment reçu une lettre de Swisscom m’annonçant que les alarmes transmises via le réseau fixe ne seraient plus opérationnelles dès la fin de 2017», explique, surpris, le propriétaire d’une maison à Lausanne, équipée d’un système d’alarme depuis 2007.
Après avoir contacté Protection One, la société chargée d’assurer la surveillance de sa villa contemporaine, ce propriétaire apprend qu’il est obligé, pour assurer le fonctionnement de son alarme, de changer toute son installation, aussi bien la centrale que les capteurs ou les détecteurs de mouvements. «Cela devrait me coûter entre 2000 et 3000 francs», déplore-t-il.
En Suisse, plus de 200 000 alarmes ou boutons d’aide dans les ascenseurs sont concernés et devront être réadaptés avant la fin de 2017. Aux frais de leurs propriétaires. Les bracelets émetteurs pour personnes âgées sont également touchés, comme tous les appareils connectés à distance via la ligne téléphonique. «Des centaines de milliers de personnes sont concernées en Suisse», estime Christian Chenaux, directeur de Securitas Direct.
«Seuls les systèmes alertant une centrale d’alarme via le réseau fixe traditionnel sont touchés. Ceux dont l’alerte se déclenche exclusivement grâce au réseau mobile ou qui sont déjà complètement passés sur IP (protocole internet) continueront de fonctionner comme avant. Tout comme les installations ne disposant que d’une alerte centrale (avertisseur sonore)», précise Swisscom, qui planifie, d’ici à la fin de l’année prochaine, le remplacement de la téléphonie fixe traditionnelle par la téléphonie IP.
Le bonheur des fabricants de boîtiers d’alarme
Ce passage fait-il le bonheur des sociétés de sécurité? «Quasiment tout notre parc est concerné. La majorité de nos clients a accepté ce changement, même si Swisscom a communiqué assez tardivement et de manière brusque», expose Christian Chenaux, directeur de Securitas Direct, une société qui compte 25 000 clients en Suisse. Seul un nombre restreint de clients ont quitté Securitas Direct. «Des abonnements ont été résiliés par des personnes qui prévoient de partir en EMS ou qui ont l’intention de déménager à l’étranger», précise-t-il.
Depuis 2006, Securitas Direct équipe les nouvelles installations d’une double technologie, via le canal mobile et analogique. Cette double transmission est aussi recommandée par Swisscom pour minimiser les risques, par exemple lors d’une coupure de courant.
Coût de l’installation chez Securitas Direct: entre 690 et 2500 francs, en fonction de la grandeur du système. «Chaque client bénéficie d’une offre adaptée à ses besoins individuels», spécifie Christian Chenaux.
Malgré cette manne qui semble tomber du ciel, Securitas Direct affirme ne pas enregistrer une hausse drastique de son chiffre d’affaires. «Notre modèle d’affaires est fondé sur le service. Nous vendons nos systèmes au prix de revient», signale Christian Chenaux. Ce sont essentiellement les fabricants de boîtiers d’alarme qui bénéficient de ce passage à la téléphonie IP, comme Siemens, Honeywell ou Vanderbilt.» Chez Honeywell, on ne donne pas de chiffres sur les prévisions que laissent miroiter l’IP. David Paja, président de Honeywell Security and Fire, a juste laissé entendre que ce changement de technologie suivrait la même tendance dans toute l’Europe et que la multinationale y était bien positionnée.
«Nous avons gagné des clients»
Chez Protection One, à Ecublens, environ 50% de la clientèle sont concernés par ce passage à la technologie IP. «Certains d’entre eux ont accepté ce changement, d’autres non, et nous ont d’ailleurs quittés. Mais, l’un dans l’autre, nous n’avons observé qu’une petite hausse de notre chiffre d’affaires, a noté un responsable de Protection One qui ne souhaite pas être nommé.
Il existe des convertisseurs IP analogiques qui numérisent le signal. Alors pourquoi changer tout le système, aussi bien les capteurs que les détecteurs de mouvements? «Pour certains clients qui ont des systèmes d’alarme trop anciens, ce n’est pas possible. Chaque client est différent et chaque système aussi», laisse-t-on entendre chez Protection One.
Les systèmes dont l’alerte se déclenche exclusivement grâce au réseau mobile continueront de fonctionner comme auparavant. L’entreprise Visiotech fait partie de ces entreprises de sécurité qui proposent des systèmes d’alarme ne passant pas par une centrale mais par GSM, c’est-à-dire par le téléphone portable.
«En cas d’infraction, une sirène d’alarme se met en marche. Notre système envoie alors une alerte au propriétaire, via son téléphone mobile, qui décide ou non d’intervenir, de faire venir un voisin ou d’appeler des secours, explique Raoul Richiger, directeur de Visiotech, une société qui appartient à Suisse-Alarme. Avec le passage à la téléphonie IP, nous avons gagné des clients mécontents de ce changement. Ils ont réalisé que ça ne servait à rien de payer des dizaines de francs par mois pour alerter, en cas d’infraction, un agent de sécurité qui ne se rendra sur les lieux que bien plus tard.»
Délai de transition exigé
Qui subit les conséquences de ce passage sur IP? Ce sont les propriétaires des dispositifs. «Swisscom investit en permanence dans ses réseaux. Les coûts liés au passage sont à la charge du client pour la partie le concernant», justifie Swisscom qui, sur son site, estime que la conversion peut occasionner des frais oscillant entre 500 et 1000 francs. Et d’ajouter toutefois: «Des frais plus élevés sont à déterminer au cas par cas.»
Face à cette situation, le conseiller aux Etats Joachim Eder (PLR) et le conseiller national Hans Egloff (UDC) ont déposé un postulat proposant d’obliger Swisscom à garantir au moins jusqu’en 2022 l’exploitation du téléphone analogique. Monsieur Prix soutient lui aussi ce délai de transition de cinq ans, lit-on dans le magazine Bon à savoir. «Les propriétaires et les gérances immobilières auraient le temps nécessaire de s’informer et d’évaluer plusieurs options.»
Beaucoup d’aînés concernés
La disparition des raccordements analogiques touche également les bracelets émetteurs pour personnes âgées reliées à une centrale d’appel. «Seuls les anciens appareils analogiques devront être remplacés. Les autres dispositifs d’alarme, compatibles avec la téléphonie numérique, répondent déjà aux besoins futurs. Les associations cantonales prendront contact directement avec les clients concernés afin de fixer un rendez-vous pour remplacer leur dispositif», explique Samuel Zoll, chef de produit alarme à la Croix-Rouge.
L’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile fait actuellement des tests pour remplacer les centrales analogiques par des appareils numériques. Uniquement dans le canton de Vaud, près de 5000 personnes sont concernées. «Actuellement, l’abonnement est de 36 francs par mois. Il va probablement augmenter, mais nous ne savons pas encore de combien. Tout dépendra du coût de la carte SIM», a noté José Roher, directeur général par intérim de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile.