Ecrivain (1903-1997). Elle a 26 ans, déjà un exploit à l’époque, quand elle décide de se lancer dans l’inconnu. Et c’est son premier reportage en URSS qui lui donne l’envie de cet Orient qui bientôt deviendra sa vie, fera d’elle une exploratrice reconnue dans le monde.
Les Valaisans devraient lui en vouloir: Ella Maillart n’a choisi Chandolin que parce que le village du val d’Anniviers lui faisait penser au Tibet. C’est le peintre Edmond Bille, qui lui-même y possédait un chalet, qui lui fait connaître le village en 1945, à son retour de cinq années passées dans des ashrams en Inde. Mais Chandolin a fait de l’aventurière née à Genève en 1903 sa deuxième sainte après Barbe, qui donne son nom à la chapelle du village.
En son cœur, un Espace Ella Maillart lui est consacré, avec en relique le grand manteau blanc dans lequel elle a prononcé maints discours du 1er Août. Quant à son chalet, baptisé Atchala en mémoire de la colline sacrée qui dominait l’ashram du Maharishi, où elle a passé quatre ans, c’est un lieu de pèlerinage pour amoureux de l’esprit d’Ella du monde entier.
Lorsqu’elle se pose à Chandolin, elle est l’une des premières étrangères à le faire, et le village n’est pas encore relié à la vallée par une route. Mais elle est déjà célèbre: en 1929, la veuve de Jack London lui finance son premier voyage dans le Caucase, où elle rédige son premier livre, Parmi la jeunesse russe. En 1932, départ pour le Turkestan, où elle photographie Kirghizes, Kazakhs et Ouzbeks. En 1935, Le Petit Parisien l’envoie en Mandchourie.
Elle y rencontre Peter Fleming, frère de Ian. Ils réussissent l’impossible: relier Pékin aux Indes par le Sinkiang, inexploré et interdit. En 1939, elle part en Ford pour l’Afghanistan avec son amie, l’écrivaine zurichoise Annemarie Schwarzenbach. Elle revient de chaque voyage avec des reportages et des conférences qui lui valent une réputation d’aventurière hors norme.
A Paris, elle fait sensation. L’écrivain Paul Morand écrit d’elle: «[…] une femme bottée de mouton, gantée de moufles, le teint cuit par l’altitude ou le vent du désert, qui explore des régions inaccessibles avec des Chinois, des Tibétains, des Russes, des Anglais dont elle reprise les chaussettes, panse les plaies, et avec lesquels elle dort en pleine innocence sous les étoiles…»
Sa jeunesse genevoise annonçait la couleur: cette fille d’un négociant en fourrures et d’une Danoise se lance dans le sport à corps perdu pour pallier une santé au départ fragile. Elle fonde en 1916 le premier club de hockey sur terre féminin de Suisse, le Champel Hockey Club. En 1924, elle est la seule femme à participer aux épreuves de voile des Jeux olympiques. Et, dans les années 1930, on la retrouve aux Championnats du monde de ski alpin.
Après son installation à Chandolin, elle se rend encore au Népal à l’invitation du pandit Nehru. Puis durant trente ans elle organise des voyages culturels en Asie pour de petits groupes de touristes aussi curieux qu’elle.
Dans les années 1980, la vogue des écrivains voyageurs la remet sur le devant de la scène. En 1989, son passage chez Pivot fait sensation et, avec Nicolas Bouvier, elle sera une fidèle du Festival Etonnants Voyageurs de Michel Le Bris. Elle meurt en 1997 dans son chalet, à l’âge de 94 ans. Peter Fleming, dans une nécrologie jamais publiée, écrit qu’elle est «juste une voyageuse soucieuse de voir des endroits sauvages et de comprendre les gens libres qui y vivent». Ses cendres sont dispersées à la pointe du Calvaire, à Chandolin. De là, elles pouvaient s’envoler aux quatre coins d’Anniviers, et du monde.
En savoir plus
➤ La bibliographie d’Ella Maillart est riche. En plus des livres qu’elle a écrits, des recueils de ses textes, lettres, entretiens et photographies ont été également publiés. De très nombreux ouvrages et études relatifs à l’aventurière sont également disponibles.
➤ Les manuscrits et documents d’Ella Maillart sont conservés à la Bibliothèque de Genève, son œuvre photographique au Musée de l’Elysée, à Lausanne, et ses films à la Cinémathèque suisse, à Lausanne.
➤ L’Espace Ella Maillart, à Chandolin, installé dans l’ancienne chapelle Sainte-Barbe, au cœur du Vieux-Chandolin, retrace son parcours et sa carrière de sportive d’élite, d’exploratrice, d’écrivain, de photographe et de conférencière. L’exposition, tirée du fonds iconographique d’Ella Maillart, réunit notamment de nombreuses photographies, des dessins, des articles, des affiches et des objets glanés au cours de ses voyages. Plus haut, en amont de la route, se trouve le chalet qu’elle a fait construire en 1948, baptisé Atchala.