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Credit Suisse au pays des subprimes

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Jeudi, 21 Juillet, 2016 - 05:53

Enquête. La grande banque a créé des produits financiers à partir de crédits accordés à des ménages britanniques à la solvabilité douteuse. Sur fond de Brexit, l’agence de notation Moody’s s’inquiète.

Dans la banque d’affaires, le mot «subprime» n’est plus à la mode. Les alchimistes de la City l’ont donc remplacé par un autre. Aujourd’hui, un crédit immobilier pourri s’appelle simplement «non conforme».

Depuis 2011, Credit Suisse est devenu l’un des plus grands pourvoyeurs de dette hypothécaire britannique non conforme. La banque, qui a longtemps tardé à réduire ses activités de banque d’affaires, a joué un rôle de premier plan dans la renaissance du marché de la titrisation outre-Atlantique. Cette pratique, bien qu’à l’origine du cataclysme de 2008, a repris avec vigueur en Grande-Bretagne il y a cinq ans, alimentée par une hausse vertigineuse et apparemment sans fin de l’immobilier. En 2015, les prix ont dépassé le pic enregistré en 2007, juste avant la crise, pour atteindre un plus haut historique.

Cette fringale d’immobilier, des taux d’intérêt au plancher et la perspective de prix en hausse constante ont poussé les Britanniques à s’endetter. Les banques de la City ont suivi, en procédant exactement de la même manière que leurs consœurs américaines avant la crise financière. Des dizaines de milliers de crédits hypothécaires britanniques ont été ficelés dans des produits financiers complexes pour être revendus à des investisseurs.

A ce jeu, la deuxième banque helvétique a choisi la stratégie la plus rentable, mais aussi la plus risquée: se concentrer sur le marché «non conforme». C’est ce que montrent les recherches de L’Hebdo dans les documents publiés par les grandes agences de notation – Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch – chargées d’évaluer les risques des produits financiers émis par les banques.

Entre 2011 et 2015, Credit Suisse a émis quatre immenses paquets de dettes hypothécaires à risque, pour près de 1,3 milliard de livres (1,7 milliard de francs). Ces produits, appelés ALBA, rassemblent des milliers de crédits accordés presque exclusivement à des ménages peu solvables. Dans la majorité des cas, souvent plus de 80%, les prêts rassemblés par Credit Suisse sont dits «interest only»: le débiteur se contente de rembourser les intérêts, sans amortir sa dette. Ce type de crédit est considéré comme particulièrement risqué. Pire: 36% des emprunteurs n’ont pas pu fournir de preuve de leurs revenus, qu’ils ont justifiés eux-mêmes en se déclarant indépendants. En 2015, près de 20% des créanciers étaient en retard de plus d’un mois sur leurs traites.

Signe d’un début de panique

Cette clientèle est alléchante pour les banques et les investisseurs, car elle paie des intérêts légèrement plus élevés que les ménages parfaitement solvables. Revers de la médaille: les créanciers des portefeuilles ALBA de Credit Suisse seront aussi les premiers à se retrouver la tête sous l’eau lorsque les conditions économiques deviendront moins favorables.

Et c’est exactement ce qui menace de se passer. En l’espace de quelques jours après le vote sur le Brexit, sept fonds immobiliers britanniques ont été gelés pour faire face à l’afflux massif des demandes de retraits d’argent, signe d’un début de panique. Pour rembourser leurs investisseurs, ces fonds devront rapidement vendre des biens, ce qui pourrait contribuer à faire baisser les prix.

L’agence de notation Moody’s a été la première à sonner le tocsin, le 14 juillet. Selon ses estimations, près de 9% des ménages britanniques se retrouveraient en difficulté si les prix de l’immobilier venaient à baisser de 20%. Parmi eux, les détenteurs d’hypothèques «interest only» empaquetées dans les produits de Credit Suisse seraient les premiers à en faire les frais.

Comme le résume froidement Steven Baker, analyste chez Moody’s, «avec une telle baisse, leur bien immobilier vaudrait moins que le prix d’achat, ce qui les placerait en situation de découvert». Le jeu de dominos pourrait ainsi recommencer. En bout de course, outre les propriétaires eux-mêmes, les perdants se compteraient parmi les investisseurs qui ont acquis les produits ALBA concoctés par Credit Suisse.


Quelques chiffres

1,3 milliard
En livres, la valeur des paquets de dettes hypothécaires à risque émis par Credit Suisse entre 2011 et 2015.

9%
La part de ménages britanniques qui se retrouverait en difficulté si les prix de l’immobilier baissaient de 20%.

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