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Livetrotters: on y va!

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Jeudi, 21 Juillet, 2016 - 05:56

Marie Romanens

Reportage. Partir à la rencontre des microentrepreneurs, c’était avant tout un moyen pour notre Livetrotteuse, Marie Romanens, première de nos candidats à être publiée dans ces pages, de se conforter dans sa propre démarche. Réaliser qu’avec une passion et un projet concret, peu importe le pays, son économie, la conjoncture, on peut y arriver. Le secret: oser! Et vous allez le voir, elle a rencontré Tiago, qui a osé.

J’ai décidé de démarrer mon reportage au sud de l’Europe, de l’Espagne à la Grèce, là où la crise a frappé dur et où l’Etat a déçu, où un peuple s’est senti professionnellement livré à lui-même.

La novice que je suis en la matière s’attendait à découvrir quelques projets, une autre méthode de recherches de fonds peut-être, ou des structures plus bancales. Mais en arrivant à Barcelone, je me suis retrouvée face à une bande d’autoentrepreneurs tous plus doués les uns que les autres, de vaillants chevaliers de la société, de vrais couteaux suisses capables de gérer la communication, la gestion, la production ou tout savoir-faire nécessaires à l’élaboration d’un tel projet. Ils sont prêts à tout pour atteindre leur but, mais surtout n’attendent aucune aide de l’Etat.

Une semaine, c’est à peine le temps qu’il me fallait pour réaliser ô combien ce thème me correspond. Le microentrepreneuriat est un avenir européen. J’en suis persuadée. En fait, ce n’est pas un sujet qui souligne les problèmes de l’économie actuelle en Europe, il montre les solutions qui s’offrent à nous. Il est plein de positivisme et, à titre personnel, lire des nouvelles navrantes dans le journal, j’en ai ma claque!

A Barcelone, j’ai rencontré une flopée de personnes dont la capacité d’adaptation face à un gouvernement un peu lâche, à la suite de la crise, est sans fin! Ce même gouvernement tend peu à peu à soutenir davantage cette économie nouvelle, avec des structures d’aide pour l’autoentrepreneuriat, et tente aussi d’évincer le travail au noir très présent dans le pays actuellement, mais la démarche est lente. J’ai vite compris qu’à la différence du peuple helvétique, les Espagnols se responsabilisent énormément et débordent d’inventivité pour trouver des solutions. Ils s’investissent, parce qu’ils le doivent.

Je suis consciente que nous avons beaucoup de chance en Suisse. C’est un luxe dans le marché du travail actuel. Mais nous manquons de confiance en nous, nos projets, nos rêves, aussi utopiques soient-ils, pour avoir le courage de nous lancer seuls dans l’aventure, sans cette fameuse précieuse sécurité salariale. Je vous passe les détails sur la nécessité des études universitaires et autres échelons à gravir pour se sentir valorisés.

Le pire: la peur

Si je devais ne garder qu’une seule chose pour résumer ma première semaine: osons! Ils me l’ont tous dit, la peur est la pire chose pour un autoentrepreneur. En d’autres termes, nous possédons un tel confort de vie que nous n’avons plus l’occasion de nous poser cette question: «Est-ce que j’aime vraiment ce que je fais?» Et pour cause: c’est souvent ce même métier qui garantit notre bien-être. Du logement tout confort aux vacances all inclusive pour certains, du congé sabbatique aux activités onéreuses permettant le bonheur tant escompté pour d’autres. J’avais pourtant dit que je détestais lire des nouvelles négatives dans le journal. Je m’arrête donc ici, et laisse les lourds débats aux politiciens. Concentrons-nous sur les ambitieux rêveurs dont j’ai croisé la route à Barcelone.

J’avais déjà récolté quelques contacts avant d’arriver, mais rien ne vaut les balades en solitaire, propices aux rencontres fortuites. Je suis allée dans différents quartiers remplis de petits cafés, jolies boutiques, loin des chaînes des multinationales que vous connaissez. On m’avait conseillé les quartiers de Gracià et de Born, proches du centre mais peuplés de minuscules allées piétonnes serrées entre les grands bâtiments si typiques de Barcelone. Je vous les conseille fortement d’ailleurs, proches de la Rambla et de Barceloneta, mais à l’opposé niveau ambiance. Là se cachent coworking en vitrine et boutiques charmantes, dont les propriétaires disponibles et souriants permettent des rencontres spontanées.

Au croisement d’une rue, une empanada dans la bouche, je me retrouve face à une vitrine qui en jette. De grandes baies vitrées, un sol en carreaux de ciment, bref le comble du bobo (dont je fais partie, je vous l’accorde). L’homme me regarde, me sourit, et me fait signe d’entrer. Tiago est posé à son atelier, fier de m’accueillir dans son antre. S’ensuit une rencontre si agréable que je lui propose une interview dans la semaine, avec plus de temps et la bouche vide cette fois.

L’histoire de Tiago

Cette histoire, son histoire, ressemble à beaucoup d’autres, mais elle est unique. Son papier d’infirmier en poche, et après pas mal d’années dans les urgences de soins intensifs, puis avec des patients en fin de vie, ce cow-boy urbain décide sur un coup de tête de prendre un aller simple pour le Costa Rica. Il ne connaît rien du pays, ignore même que San José en est la capitale.

Il passe neuf mois dans la jungle avec une tribu indienne, il y découvre la vie dans son plus simple appareil. «If you have food, if you have friends, you’ll never stop being who you are», me dit ce Portugais d’une trentaine d’années, le sourire aux lèvres, ajoutant que même si cela peut paraître stupide à dire, comprendre cela, c’était pour lui une grande étape. Le début de son changement, de priorités d’abord, et de mode de vie ensuite.

Arrive alors le retour obligé, à Barcelone. Avec une corde de plus à son arc, l’anglais, il est engagé dans une clinique privée avec des patients en fin de vie. C’est le déclic: les uns après les autres, les patients lui disent leurs regrets, de n’avoir pas passé plus de temps avec leur famille, et surtout d’avoir consacré autant de temps à gagner de l’argent, bien incapable de les sauver à cette heure de leur vie.

Tiago le vit comme un défi. Il décide de tout arrêter. Il travaille d’abord comme chauffeur de pousse-pousse à vélo, puis se voit forcé, par la crise, de rentrer chez ses parents, au Portugal. Mais il insiste: pour lui, cette crise a été positive, elle l’a forcé à tout mettre en œuvre pour réaliser son projet. Son projet? «J’ai toujours acheté mes chaussures dans un village pas loin de chez moi, et je me demandais d’où elles venaient. J’ai fait des recherches, j’ai découvert qu’elles étaient fabriquées par des fermiers, pour la classe ouvrière portugaise. Je suis tombé sur un atelier incroyable, avec des gens superbes. Ils n’étaient que huit personnes à les faire entièrement, une entreprise familiale depuis 1956.»

Mais la crise est aussi passée par là. L’entreprise ne s’en sort plus et prévoit de fermer. Pour Tiago, c’est clair, cette rencontre est un signe du destin. «Ils avaient seulement une petite boutique, où ils ne vendaient qu’une paire par pointure. A ce moment, j’étais un peu en mode survie, il fallait que je retourne vivre à Barcelone, et j’y ai vu là comme une opportunité, j’avais une telle histoire avec ces chaussures, il fallait que je le fasse. Je leur en ai pris vingt paires, et je suis retourné les vendre dans les marchés aux puces. Je les ai toutes vendues très rapidement!» Du coup, Tiago retourne au Portugal et convainc la famille de cordonniers de lui fabriquer des modèles plus soft, plus confortables, plus urbains.

Il lui a fallu beaucoup de temps pour gagner leur confiance. «Mais désormais je suis le brand manager de cette marque: Urban Shepherds, le trait d’union entre la ville et la campagne. J’ai vraiment mis le cœur à l’ouvrage, j’étais obsédé par ces chaussures, et c’était très important pour moi d’apprendre à pouvoir les réparer moi-même, de comprendre comment elles étaient fabriquées. Elles sont faites de manière à ce que n’importe quel cordonnier puisse les réparer, regarde!»

Elles sont là, ces chaussures, dans cette vitrine qui m’a tapé dans l’œil, dans ce magasin de la Calle Mercaders 11, dans le quartier de Born, ouvert il y a à peine cinquante jours, construit entièrement par lui et son ami en quatre mois. Le seul magasin que vous trouverez en Espagne. Promis, il n’y en aura pas d’autres, Tiago se souvient du défi qu’il s’est lancé.

Retrouvez l’interview et les photos de Tiago, ainsi que les portraits de six autres entrepreneurs barcelonais sur hebdo.ch/livetrotters


Où sont les autres livetrotters? que font-ils?

Londres
Jacqueline Pirszel

Elle a passé sa première semaine à Londres, à la rencontre de sans-abri. Elle a découvert la face humaine de cette cité et des actions caritatives novatrices. Prochaine étape: le Danemark. Elle a entendu dire que les Danois étaient les rois de l’espace public. Elle court vérifier.

Athènes
Nina Seddik

Deux semaines avec des migrants et des réfugiés dans plusieurs structures d’accueil, squats, foyers, camp du port du Pirée: Nina n’a pas chômé. Elle nous raconte sa visite dans le minuscule studio de Radio Shabab, diffusée sur le web à l’intention des migrants et créée par une Allemande et un Syrien. 

Berlin
Raphaël Surmont

Ses aventures de «digital nomad» ont commencé dans le quartier de Pankov, dans l’espace de coworking Ahoy!. A sa grande surprise, il a découvert que Berlin n’était plus l’endroit phare pour exercer une activité nomade, et que désormais l’Asie et quelques pays de l’Est se posaient en sérieux concurrents.

Valence
Aude Haenni

Mais où est cette cinquième Suisse? Aude s’est invitée chez les Fantony, qui ont quitté Denges (VD) pour ouvrir une maison d’hôte à Rafelcofer (allez voir sur notre site, ça vaut le coup d’œil). Sous sa plume, s’expatrier a l’air tout simple. Du coup, elle part voir à Bucarest si c’est pareil. 

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Marie Romanens
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