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Être Suisse. Par Aline Ballaman

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:54

Il est 6 h 30 du matin, j’arrive à l’aéroport international de Shanghai. Environ tous les six mois, depuis cinq ans, je sais que grâce au décalage du temps universel coordonné, agrémenté d’un sentiment surnaturel, je passerai la soirée en Suisse avec mes proches.

Je monte dans l’avion, direction Zurich. La presse suisse nous est gentiment offerte par des membres d’équipage parfaitement quadrilingues. Je suppose que l’anglais domine le romanche, mais je n’ose m’avancer, je ne pourrais le tester.

Les premiers paliers d’altitude supérieurs laissent derrière moi des verticales bétonnées entre lesquelles serpentent les fleuves, les canaux et les autoroutes suspendues. La lumière mystérieuse de la mégapole, couleur nommée «densité», se confond avec les nuages.

Douze heures de vol se sont écoulées, les paliers d’altitude inférieurs annoncent l’arrivée soudaine en terre helvétique. Le regard traverse naturellement le hublot.

Le décor qui se présente ressemble à celui d’une maquette; similaire à celle du Musée des transports de Lucerne. Le bleu, le vert, le blanc retrouvent leur Pantone originel.

Je réalise que je vais bientôt réintégrer ce décor.

L’arrivée à l’aéroport de Zurich me propulse dans un autre «imaginaire », une fiction plus hollywoodienne que lucernoise. Soudainement, j’ai l’impression d’être «l’élue» qui déposera une somme d’argent secrète, demain, à la Paradeplatz. Serait-ce une fiction, une perception nourrie par des clichés ? Je ne saurais dire.

Je reprends mes esprits, je suis accueillie par un douanier poli et discipliné.

L’aéroport rappelle quelques lignes directrices du pays. Une économie puissante, un pays à la pointe de l’innovation, structuré et mature. Je suis dans le concret, ou le concrete («béton» en anglais). Les architectes offrent une place de choix à cet assemblage de matériaux. Ce béton est adouci par les enseignes des commerces qui ont marqué mon enfance.

Je prends place dans l’un de ces trains électriques qui entrent et ressortent des tunnels à un rythme bien organisé; me voilà replongée dans le décor de cette maquette. Les deux petites heures qui m’emmènent en Romandie me donnent la possibilité d’explorer d’autres miniatures. Il y a ces villages où chaque maison est en harmonie avec celle de son voisin, où les vaches et les églises sont indissociables des paysages, où les débarcadères fleuris de géraniums accueillent des passagers vêtus élégamment mais discrètement.

Soudainement, me voilà à nouveau propulsée vers une certaine réalité: la Suisse et son industrie. Ces fleurons mondialement connus sont bâtis le long du rail ou aux abords des campagnes environnantes, ils ont l’enseigne discrète, modeste. Ils protègent un savoir-faire.

Arrivée dans mon canton, l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau sont encore enneigés, c’est le printemps. Ces montagnes sont posées là, fièrement, à gauche du lac de Neuchâtel. Je demande alors à mes proches s’ils voient ce que je vois ou serait-ce l’algorithme de la vision des Suisses de l’étranger qui procurerait une impression de perfection?

C’est à ce moment précis que reviennent à moi les adjectifs utilisés par mes amis étrangers lorsqu’ils décrivent la Suisse. Ils forment une équation avec le mot respect; que ce soit de notre environnement, de notre système politique, de notre force économique, de nos modèles académiques. Comme si ce mot, «Suisse», était un message secret, le message qui, selon l’environnement dans lequel nous l’utilisons, offre le rêve d’une terre de paix, s’apparente comme un modèle à suivre, confirme la notoriété d’un produit, ouvre des portes.

Etre Suisse est une composante de chromosomes qui ont voyagé et qui ont un jour décidé de s’assembler sur ces terres. Cette marque de fabrique est apposée sur moi par le plus grand hasard de la nature, «Etre Suisse».

Ce voyage à travers la Suisse et ses ressources, plus humaines que naturelles, cultive un sentiment de fierté. Néanmoins, ce sentiment de fierté n’est pas figé. Regarder vers l’avant, rester innovant, embrasser les changements, c’est la dynamique du mouvement qui est, dans mon idéal, synonyme d’être Suisse. 

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