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Être Suisse. Par François Longchamp

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:56

Chaque année au début du mois d’août, la Suisse se blottit dans son cantique d’amour à la patrie. Ce n’est pas une tradition ancienne. Scellée contre des prédateurs, l’alliance des trois vallées en 1291 a été oubliée jusqu’à sa redécouverte à Schwytz en 1724, dans des locaux des Archives fédérales, lors d’un inventaire. Longtemps, la Suisse a vécu sans évoquer ce pacte. D’ailleurs, elle ne fêtait pas le 1er Août. C’est en 1891 que les autorités fédérales ont institué la fête nationale, timidement d’ailleurs, puisqu’elle a été inscrite dans la Constitution suisse en 1991 seulement.

Ainsi, ce n’est pas la mythologie d’un pacte qui unit les Suisses. Quelque chose d’autre cimente ce pays. Cette autre chose, c’est le bouquet de nos valeurs. C’est la liberté de penser, c’est l’égalité des chances, c’est le respect du bien commun, c’est le fruit d’une histoire que nous avons su collectivement traduire en actes. Cette histoire passe par l’ouverture. Celle des Alpes, que nous savons creuser pour relier les vallées, celle des frontières et celle, aussi, des esprits. Au fond, ce que la Suisse a su construire, avant même les tunnels, c’est de la cohésion.

La Suisse a produit la Croix-Rouge, le droit humanitaire international et elle a fait de l’humanisme une valeur d’Etat. L’avenir de la Syrie et donc celui du monde se joue cet été à Genève. La Suisse, c’est la relation à l’autre. C’est une définition de l’universalité. Le mythe de la Suisse idyllique et des vallées closes tient de la construction fantasmée. Peter von Matt a dépeint la réalité de ces vallées et de leurs montagnes frappées d’une mortalité infantile élevée, désertées par une jeunesse mercenaire (comme le fut Guillaume Tell), lassées d’une nourriture monotone, et affligées d’avoir à vendre le lait avant que de boire du mauvais thé et des alcools de réconfort.

La Suisse a toujours oscillé entre conservatisme et progrès. La tradition consolide la Suisse mais doit sa prospérité à son ouverture et à son universalité. A la question posée par L’Hebdo – «Qu’est-ce qu’être Suisse aujourd’hui?» –, je réponds qu’être Suisse aujourd’hui, c’est admettre que le monde nous fait comme nous faisons le monde. 

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