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Être Suisse. Par Caroline Iberg

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:58

«C’est très suisse ce que tu dis là.» Voilà une phrase que j’ai déjà entendue à plusieurs reprises lorsque je suis en week-end en France. Anodine au premier abord, elle sous-entend qu’il y a une façon «suisse» de se comporter qui pourrait figurer dans un mode d’emploi, une sorte de guide du «Suisse pour les nuls». Mais y a-t-il réellement une manière commune de se sentir citoyen suisse et d’agir en tant que tel? Je ne le crois pas.

En effet, la richesse linguistique et culturelle de notre pays fait que le Vaudois n’aura pas la même perception de son appartenance à la Suisse qu’un Schwytzois, qu’un Grison ou même qu’un Zurichois. Il n’y a qu’à comparer les références culinaires, musicales ou historiques entre collègues alémaniques, tessinois et romands dans un même bureau bernois pour s’en convaincre. Cependant, ce sont aussi ces différences qui font la Suisse, les Suisses, aujourd’hui. Un patrimoine pluriel, des horizons variés.

Cependant, un point commun définit l’«être Suisse»: l’art de cultiver une certaine ambivalence entre ouverture et repli, entre modernité et tradition – jusqu’à risquer parfois de se tirer une balle dans le pied.

Etre Suisse, c’est par exemple mettre en avant une neutralité obsolète tout en soutenant bec et ongles une armée de milice qui l’est tout autant. C’est donner son avis au moins quatre fois par an dans les urnes tout en cherchant obstinément le compromis. C’est se revendiquer terre d’accueil, grâce à la Croix-Rouge, notamment, tout en souhaitant limiter l’immigration et fermer les frontières. C’est posséder une technologie de pointe dans de nombreux domaines tout en ayant des partis politiques faisant la promotion d’idées dignes de la fin du XIXe siècle. C’est se situer au centre de l’Europe tout en prétendant ne pas vouloir faire partie de l’Union européenne.

Etre Suisse, c’est donc avoir en soi cette balance qui, au gré du vent politique et économique, peut pencher d’un côté ou de l’autre, accentuant la nécessité pour chacun de s’engager activement pour ses valeurs – le «bon» côté de la balance –, pour ma part celles de l’ouverture et de la modernité.

La seconde question cruciale en cette veille de fête nationale est la suivante: faut-il être fier d’être Suisse? Je ne le crois pas davantage. Tout d’abord, parce que c’est le hasard de la naissance qui nous a fait naître ici plutôt que là. Ensuite, parce que, dans le monde globalisé dans lequel nous vivons, mettre la nation sur un piédestal n’a plus lieu d’être. Enfin, parce que la fierté nationale conduit à des dérives commises en son nom qui ne sont plus à démontrer.

Je ne me sens donc pas fière d’être une Suissesse, je suis simplement heureuse de faire partie de ce pays. D’avoir pu et de pouvoir encore profiter de ses avantages: qualité de vie, diversité des paysages, mobilité, formation, et j’en passe. Il nous faut donc préserver les qualités de notre patrie et tenter de la rendre meilleure: plus ouverte, plus européenne, plus égale et plus solidaire.

Mais nous en reparlerons quand nous aurons un hymne national que nous saurons chanter au-delà des deux premières strophes… Euh, reparlons-en plutôt l’an prochain. 

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