Marie Maurisse
Zoom. Les Etats-Unis sont le premier pays du monde à avoir émis des sanctions directes contre le dictateur nord-coréen. Une ONG exhorte Berne à faire de même.
Début juillet, Washington a placé le dirigeant de la Corée du Nord sur sa liste noire. C’est la première fois qu’un Etat vise directement Kim Jong-un et impose des sanctions strictes au dictateur de Pyongyang, ainsi qu’à quatorze hauts responsables du régime qui lui sont proches. Après des années de condamnations symboliques, Barack Obama passe donc à l’étape supérieure. Et espère convaincre d’autres pays de faire de même.
Pour les Etats-Unis, il est désormais impossible de fermer les yeux sur les atteintes aux droits de l’homme commises dans ce pays d’Asie qui compte quelque 25 millions d’habitants. «Sous le règne de Kim Jong-un, la Corée du Nord continue d’infliger de la cruauté et des épreuves intolérables à des millions de personnes parmi sa population, y compris des exécutions sommaires, du travail forcé et de la torture», a déclaré Adam Szubin, responsable des sanctions au Département américain du Trésor. Selon ses estimations, entre 80 000 et 120 000 Nord-Coréens seraient actuellement prisonniers politiques dans des camps et régulièrement victimes de sévices.
Avant Kim Jong-un, les Etats-Unis avaient par trois fois sanctionné des chefs d’Etat encore en poste, même si la procédure est rare: Mouammar Kadhafi en Libye, Robert Mugabe au Zimbabwe et Charles Taylor au Liberia. Mais Kim Jong-un est au pouvoir depuis près de cinq ans, et en Corée du Nord la dictature sévit depuis plusieurs décennies. Pourquoi Washington a-t-il attendu aussi longtemps avant de s’attaquer directement à Pyongyang? En réalité, ce sont les essais nucléaires menés le 6 janvier dernier en Corée du Nord qui ont incité Barack Obama à agir.
Étouffer la dictature
A la suite de ces tests, très décriés, la communauté internationale a elle aussi élargi la liste de sanctions à l’égard des dignitaires nord-coréens. Le Conseil de sécurité de l’ONU a ainsi voté une résolution qui interdit tout commerce de métaux avec Pyongyang et renforce les inspections des avions et cargos qui pourraient contenir des matériaux sensibles à destination de la Corée du Nord. Tout ce qui pourrait aider à la prolifération nucléaire sur place est formellement condamné. Une liste de personnes voient aussi leurs avoirs gelés et ont l’interdiction de voyager. Mais Kim Jong-un n’en fait pas partie.
Le 18 mai dernier, le Conseil fédéral a décidé de suivre le Conseil de sécurité de l’ONU et de renforcer les sanctions contre la Corée du Nord. Mais là non plus, le dictateur n’est jamais nommé. A cet égard, Washington fait un pas de plus que la Suisse. Sur la liste émise par le Département du Trésor, Kim Jong-un est cité. Les services américains recherchent activement tous les comptes bancaires qui lui seraient directement ou indirectement liés. Ses avoirs seront immédiatement gelés. Ainsi, petit à petit, en bloquant les fonds et en empêchant le développement commercial de Pyongyang, Washington espère étouffer la dictature et tuer son programme nucléaire.
«Déclaration de guerre»
Ce n’est que le début du combat. Washington a déjà déclaré qu’il poursuivrait aussi les banques étrangères qui hébergeraient les millions cachés de Kim Jong-un. La Suisse pourrait être dans l’embarras: dans la mesure où le dictateur a passé une grande partie de son adolescence en Suisse et y maintient des relations étroites, il pourrait y avoir placé de l’argent. Mais à Berne, le Secrétariat d’Etat à l’économie affirme «n’avoir connaissance d’aucun compte jusqu’à aujourd’hui». L’ONG suisse UN Watch, qui défend les droits de l’homme, estime que la Suisse doit montrer l’exemple en plaçant elle aussi Kim Jong-un sur sa liste noire. En 2014, l’ONG exhortait déjà le ministre des Affaires étrangères, Didier Burkhalter, à geler les actifs du régime nord-coréen.
Sans surprise, Pyongyang ne voit pas d’un bon œil la décision de Washington. «Les Etats-Unis ont franchi la ligne rouge», a déclaré jeudi dernier le diplomate nord-coréen Han Song-ryol, en ajoutant que c’était une «déclaration de guerre» de la part de l’administration de Barack Obama. Quant au ministre nord-coréen des Affaires étrangères, Ri Yong-ho, il a affirmé que les Etats-Unis paieraient un «prix terrifiant» pour avoir mis la pression sur le régime de Pyongyang. De nouveaux essais nucléaires devraient avoir lieu en Corée du Nord avant la fin de l’année.