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Seconde main: taillés dans le tissu de la mondialisation

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Jeudi, 19 Décembre, 2013 - 05:55

Paolo Woods, établi à Haïti, a photographié sur place des personnes qui portent les t-shirts criards dont n’ont pas voulu les Etats-Unis. Des habits fabriqués à l’origine dans des pays pauvres comme  la République haïtienne…

Une métaphore, c’est un déplacement de sens. Parfois même un vrai déplacement, en forme de cercle non vertueux. Le photojournaliste Paolo Woods a consacré un passionnant reportage à Haïti, pays dans lequel il habite depuis trois ans. Les images de State, qui est aussi un livre écrit avec le journaliste romand Arnaud Robert, sont exposées jusqu’au 5 janvier au Musée de l’Elysée de Lausanne.

L’une des facettes de ce regard informé sur l’île caraïbe après le terrible séisme de 2010 est une série de portraits de Haïtiens en t-shirts à slogans américains pur bœuf. «I’m in Virginia bitch», «Kiss me I’m a blond» ou «Everyone an Irish girl». Bref, le rappel que le t-shirt est le lieu où l’individu s’exprime au mieux ou au pire outre-Atlantique. C’est moins le cas en Haïti, pays d’une pauvreté navrante. On sent bien que les personnes qui portent ces habits criards le font moins par choix que par nécessité. Ou s’ils le font, c’est avec une ironie cinglante.

Car ces t-shirts sont des «pèpè». Des vêtements qui ont été fabriqués dans des pays comme Haïti: en masse, pour un salaire de misère, au détriment de la petite économie locale de la couture. Les produits sont ensuite exportés dans une contrée riche comme les Etats-Unis, où ils sont imprimés avec une formule pro-avortement, le credo guerrier d’une équipe de baseball ou l’inévitable «I love New York».

Les plus vulgaires, stupides ou ratés de ces t-shirts ne se vendent pas dans les magasins de seconde main aux Etats-Unis. Ils sont dès lors récoltés par des organismes de charité. Puis ils sont envoyés sur l’île, réexpédiant le produit refusé à l’expéditeur, bouclant la boucle de la mondialisation. Dans un déplacement symbolique qui flanque le vertige par sa circularité cynique. Manches courtes, significations longues.

Les portraits de Paolo Woods, aidé sur place par Ben Depp et Josué Azor, font l’objet d’un petit recueil à part, publié en Suisse par Riverboom. Une édition limitée de ce recueil propose l’un des «pèpè» en question, soigneusement roulé.

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Paolo Woods
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