Zoom. Après avoir échappé à la justice helvétique, un Suisse de 68 ans accusé d’escroquerie a finalement été arrêté aux Etats-Unis. Il est tombé dans un piège du FBI.
On sait peu de chose de Fritz Kramer. Ceux qui l’ont côtoyé racontent qu’il employait des ruses de Sioux pour masquer ses traces, dans la vraie vie comme dans ses communications sur internet. Seule certitude: ce Suisse de 68 ans avait un talent pour embobiner les investisseurs naïfs.
Depuis 2008, Fritz Kramer contactait de riches retraités, par e-mail et sur Skype, en leur proposant d’investir dans l’achat d’or et de diamants en République du Congo. Il promettait d’exporter les matières précieuses vers la Suisse, l’Asie et les Etats-Unis. Aucun bobard n’était trop gros dans sa chasse aux gogos. Fritz Kramer usait notamment de la corde philanthropique. Le Suisse affirmait que son système d’investissement – en réalité totalement fictif – reposait sur l’achat de diamants et d’or «en direct» aux mineurs congolais.
Ce procédé permettait, selon lui, de court-circuiter les intermédiaires locaux corrompus et ainsi de mieux rémunérer les producteurs. Un véritable bienfaiteur, ce Fritz Kramer! Mieux encore: en plus de lutter contre la corruption, le système devait rapidement multiplier par dix la mise des investisseurs.
Problème: durant les huit ans qu’a duré le manège, personne n’a vu la couleur d’un lingot ni d’un diamant. Et les investisseurs n’ont bien entendu jamais revu leur argent. Le Suisse inventait toutes sortes de subterfuges pour justifier ses retards de remboursement, partant généralement du principe que les plus alambiqués seraient les plus convaincants. Tantôt son partenaire local souffrait soudain d’un cancer, tantôt l’argent liquide envoyé au Congo disparaissait dans l’incendie d’une voiture. A chaque fois, les clients étaient poussés à remettre au pot pour ne pas perdre tout leur investissement de départ.
C’est ce qu’affirme le bureau du procureur de San Francisco dans un acte d’inculpation émis contre le Suisse début juillet. Le parquet californien s’est saisi de l’affaire sur la base de plusieurs plaintes de retraités de la région de Santa Clara, clientèle que le Suisse semblait viser tout particulièrement. Fritz Kramer aurait perçu plus de 11 millions de dollars d’une quarantaine d’investisseurs.
Pas à son coup d’essai
Les enquêteurs américains affirment que l’aigrefin n’en était pas à son coup d’essai et que, en parallèle de sa pêche aux retraités californiens, le Suisse avait probablement fait bon nombre de victimes dans son pays. Selon eux, Fritz Kramer aurait été inculpé pour fraude en 2013 par la justice suisse. Ces accusations n’auraient toutefois débouché sur aucune condamnation, et l’homme aurait ainsi tranquillement poursuivi ses activités, protégé par son droit légitime à la présomption d’innocence.
Seulement voilà: depuis un an environ, l’agent spécial du FBI Mark Matulich s’était lancé aux trousses de Fritz Kramer. L’enquêteur entretenait de longues discussions sur Skype avec le Suisse, auprès duquel il se présentait comme un investisseur potentiel. Sachant que l’accusé ne pourrait être extradé de son propre pays, les enquêteurs américains se sont fixé un objectif plus simple et efficace: amener Fritz Kramer à se rendre aux Etats-Unis, où il pourrait être arrêté.
Le piège s’est refermé le 6 juillet, lorsque le Suisse s’est finalement rendu en Californie pour rencontrer celui qu’il pensait être un énième client crédule. L’agent Mark Matulich lui a passé les menottes. Le tribunal s’est montré ferme, refusant sa mise en liberté conditionnelle durant le procès. Devant la cour, l’un des clients lésés a exprimé sa gratitude envers les enquêteurs: «Merci d’avoir attrapé Fritz Kramer. C’est un menteur, un voleur et un escroc. Il mérite de finir sa vie derrière les barreaux.» Le Suisse maintient qu’il n’a trompé personne, et que ses investissements au Congo ont tout simplement échoué. Fritz Kramer plaide non coupable. Il risque un maximum de vingt-cinq ans de prison.