Marielle Savoy
Zoom. Des montagnes de déchets sont abandonnés chaque été sur les terrains de camping des festivals. Pour faire face à ce fléau, deux Néerlandais ont inventé une tente en carton recyclable et résistante à la pluie.
Des pelouses jonchées de tonnes de déchets, des milliers de tentes abandonnées par des campeurs qui ne veulent pas s’encombrer sur le chemin du retour. Agacés par ce spectacle qui conclut bon nombre de festivals, deux jeunes Néerlandais se sont lancés, il y a un an, dans la conception puis la fabrication de tentes en carton, baptisées Kartent. «Nous avons voulu proposer des abris qui pourraient facilement être recyclés à la fin des manifestations», raconte Jan Portheine, un architecte qui a mis sur pied le projet avec son ami Wout Kommer, designer industriel. Et en cas de mauvais temps? Les deux entrepreneurs rassurent: «Notre tente est fabriquée avec un carton robuste qui résiste à la pluie pendant quatre jours.»
La start-up compte aujourd’hui six collaborateurs et a déjà séduit une quarantaine de festivals européens. «Les affaires de camping abandonnées, c’est un vrai problème. Surtout quand il s’agit de se débarrasser d’objets à la fois en plastique et en métal», constate Andrea Giannelli, président du Ragnard Rock Fest. Cette année, ce festival français à thématique viking proposera des Kartent à ses résidents: «D’une part, cela nous facilitera la tâche. Et d’autre part, nous estimons qu’il est important, pour une manifestation comme la nôtre, de s’inscrire dans une démarche écoresponsable.»
Ceux qui souhaitent installer leur sac de couchage dans ces abris cartonnés, prévus pour deux personnes, doivent réserver leur logement en même temps que le billet d’accès à l’événement. «Les tentes seront déjà montées lorsque les festivaliers arriveront. Nous nous occuperons ensuite du démontage et du recyclage», précise Andrea Giannelli. Le prix du service dépend de la manifestation. Au Ragnard Rock Fest, il faut débourser 90 euros pour quatre nuits en duo. «Nous avons fait en sorte que l’opération s’équilibre dans notre budget», assure le président.
En Suisse, aucun festival n’a encore franchi le pas. «Les coûts de transport sont très élevés, mais l’an prochain, nous espérons avoir un site de production local, comme nous en avons déjà en France et au Royaume-Uni notamment», précise Jan Portheine.
Un camping VIP à Paléo?
Responsable du camping du Paléo Festival, Thomas Haenni a été approché par la start-up néerlandaise l’an dernier.
Même si la manifestation vaudoise se dit peu touchée par le problème des tentes abandonnées, l’offre Kartent est une opportunité qui mérite attention: «Cela fait deux ans que nous étudions la question d’un camping VIP, qui permettrait aux gens de venir avec un minimum de matériel. C’est dans ce cadre que nous pourrions nous intéresser à ces tentes.» Pour l’instant, l’objet n’a pas tout à fait convaincu l’organisateur, qui lui reproche notamment de manquer d’espace pour loger deux personnes. Un autre aspect inquiète encore davantage Thomas Haenni: «Paléo dure sept jours et, l’an dernier, il a plu tous les jours. Une tente en carton n’aurait pas résisté…»
Sur l’internet, certains campeurs expriment aussi leur scepticisme quant à la dimension écologique d’un objet qui n’a pas été conçu pour servir plusieurs fois. «Evidemment, il serait positif que les gens achètent une tente pour la réutiliser d’année en année. Mais ce n’est pas le cas pour beaucoup d’entre eux. Et du point de vue de la production et du recyclage, une Kartent est bien moins gourmande en CO2 qu’une tente classique», répond le cofondateur Jan Portheine. La start-up va désormais produire aussi des tentes pour enfants à installer à la maison, ou encore des tables et des chaises fabriquées à partir de Kartent recyclées.