Valère Gogniat
Quartz. La marque des G-Shock et autres Oceanus, ses succès haut de gamme, n’a qu’un credo: le tout-électronique. Elle s’y consacre pleinement.
Yuichi Masuda veut être bien compris. Même s’il parle anglais, le patron de la division horlogère de Casio a insisté pour qu’une traductrice soit présente. Et il a fait préparer une présentation Powerpoint en quatorze séquences. Après une brève introduction historique, il arrive à la page numéro 5, qui résume la stratégie de Casio en un graphique. L’axe vertical indique la valeur de la montre, l’axe horizontal va de l’électronique au mécanique. Le but du groupe: grimper en gamme en restant dans l’électronique.
Des montres électroniques, le groupe d’abord connu pour ses calculatrices en conçoit depuis 1971. «C’est le cœur de notre société, c’est notre tradition, c’est cela que nous voulons faire», soutient Yuichi Masuda. Et, depuis 2004, elles forment le pilier de la stratégie du groupe.
Le but de Casio: arriver à une montre idéale, capable de calculer l’heure locale où que l’on se situe sur la planète grâce à son antenne GPS, qui peut se charger toute seule via l’énergie solaire, dispose de capteurs et, pourquoi pas, se connecte à des smartphones. Mais sans devenir un «téléphone de poignet»! «Il y a tellement d’acteurs qui s’engouffrent sur ce marché, je ne suis pas sûr que ça soit pour nous», balaie Yuichi Masuda. Qui entend garder des aiguilles pour chacune de ses montres.
La voie choisie par Casio se distingue des chemins empruntés par les deux autres grands groupes japonais, reconnaît le chef d’entreprise. Chacun à sa manière, ces derniers investissent en effet toujours davantage le champ du mécanique. «Ce que je ressens, dans une perspective globale, c’est que vous, les Suisses, vous êtes les rois des montres mécaniques. Dès lors, Citizen et Seiko peuvent certes s’engager dans ce segment, ils ne seront jamais que des suiveurs, pas des leaders. Nous, nous voulons être des leaders!» Le mécanique, Casio y a brièvement pensé avant de renoncer.
«Il y a une dizaine d’années, nous nous sommes posé la question. Mais les investissements dans les lignes de production et les services après-vente auraient été trop lourds. C’est une manière de faire des montres qui est trop différente de la nôtre», justifie Yuichi Masuda.
Rester dans le quartz, mais en améliorer les fonctions et la qualité. Conséquence de cette stratégie, en dix ans: le prix moyen d’une Casio est passé de 50 000 à 200 000 yens (presque 2000 francs). Cela s’est également ressenti dans les usines du géant japonais, par exemple sur le site industriel de Yamagata.
«Ici, nous pouvons tout faire», assène d’entrée Keiichi Tsuchida, patron de la division horlogère de la «mère de toutes les usines», comme est surnommée la «Yamagata factory». Sis à moins de trois heures de train rapide de Tokyo, ce complexe compte 653 employés sur près de 24 km2. Casio y produit 500 mouvements par jour et 2,6 millions de montres par an (les plus sophistiquées des 46 millions de garde-temps produits par Casio chaque année).
Des moulures des résines à l’emboîtage, tout est fait dans cet immense complexe industriel. C’est également ici que l’on trouve, depuis 2012, la ligne de production premium, sur laquelle ne sont fabriquées que les collections haut de gamme de Casio (les plus belles G-Shock et les Oceanus, environ 1500 francs). Une ligne de production devenue vitrine pour l’entreprise. «Elle est l’un des symboles de notre stratégie qui consiste à grimper en gamme», relève notre guide en la caressant du regard. Si l’on excepte leurs épaisses combinaisons blanches et leurs bracelets antistatiques, les quelques employés affairés à assembler ces Casio à côté des bras articulés bleu électrique pourraient presque passer pour des horlogers suisses.
Mais cela ne saurait durer. «D’ici à dix ans, j’espère que nous n’aurons plus que des robots dans cette salle», se réjouit Keiichi Tsuchida.
Profil
Casio
Nombre d’employés: 11 322
Chiffre d’affaires: 352 milliards de yens (environ 3,3 milliards de francs) l’an dernier, dont 176 milliards dans les montres