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Aéroport de Genève: le faux départ de Swiss

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Jeudi, 25 Août, 2016 - 05:51

Analyse. Pour avoir vu trop grand à Cointrin, la filiale de Lufthansa doit réviser ses ambitions à la baisse. Faisant redouter à la Suisse romande une répétition du cauchemar de 1996, quand Swissair avait supprimé tous ses vols long-courriers.

Cointrin est en plein boom, à l’image de l’économie de la Suisse romande. L’aéroport genevois ne sait plus où faire circuler ses passagers et désespère de pouvoir agrandir ses installations afin de les accueillir. Rien à voir, donc, avec le triste tableau qu’il présentait en 1996 lorsque Philippe Bruggisser, alors directeur général de Swissair, annonçait brutalement la fermeture des liaisons long-courriers au départ de Genève.

Il a suffi pourtant qu’émerge un scénario de Lufthansa visant à remplacer Swiss par la compagnie low cost Eurowings, également filiale du groupe allemand, pour que ressurgissent les fantômes du passé et que la Suisse romande s’alarme.

Depuis des années, les vols européens au départ de Genève sont chroniquement déficitaires. De combien? De plusieurs millions de francs, quoique ces chiffres demeurent confidentiels. Mais dans les étages directoriaux de Swiss et de la maison mère allemande, on s’en inquiète et on veut des solutions.

Réductions

La réponse de la compagnie helvétique consiste en une légère baisse du nombre de destinations – actuellement 40 – et un accroissement de la desserte des lignes qui seront maintenues. Barcelone, qui n’est reliée qu’une fois par jour au départ de Cointrin, pourrait passer à deux relations quotidiennes, voire davantage. Les vols qui se dirigent vers des lieux de vacances, comme Zante dans l’archipel grec des Eoliennes, verront leur période de desserte raccourcie.

Enfin, des lignes urbaines traditionnelles pourraient être réduites pendant la période estivale. Ainsi, Londres, reliée six fois par jour, pourrait ne l’être que trois fois quotidiennement pendant les mois de juillet et d’août, libérant alors des avions et des équipages pour les vols de vacances, plus lucratifs. La tâche visant à retrouver les chiffres noirs serait facilitée par l’installation dès l’année prochaine à Genève de huit nouveaux avions Bombardier comportant chacun de 120 à 150 sièges. Et par une hausse des tarifs.

Elaboré par Lorenzo Stoll, directeur romand de Swiss à Cointrin, et baptisé Geneva Reloaded («Genève rechargée»), ce plan a été dévoilé à la direction générale de Lufthansa le 6 juin dernier à Francfort. C’est au terme de cette présentation que les grands patrons allemands ont demandé une étude de faisabilité à leur filiale Eurowings visant à savoir s’il ne valait pas mieux confier à cette dernière le soin de relier Genève au reste de l’Europe.

A toute l’Europe? Ce point reste à éclaircir, Eurowings n’ayant pas encore rendu son rapport. Mais la compagnie low cost, basée sur l’aéroport de Cologne/Bonn, créerait ainsi un second hub à Genève. Un peu comme easyJet l’avait effectué au milieu des années 90 lorsqu’elle a fait de Cointrin son second point de chute après l’aéroport de Luton, au nord de Londres.

Risque de déclassement

Les questions fusent déjà: «Comment une compagnie low cost que personne ne connaît en Suisse romande pourrait-elle faire mieux que Swiss, que tout le monde apprécie?» interroge un expert du transport aérien. Face à ce qui ressemblerait à un déclassement de Cointrin, comment répondraient les voyageurs? Eurowings serait-elle en mesure d’assurer rapidement sa rentabilité en répliquant le modèle d’easyJet vingt ans plus tard? Problème, ses coûts opérationnels sont plus élevés que la majorité de ses concurrents, selon une présentation donnée en juin dernier par le directeur financier de Lufthansa. De plus, elle sort juste de quatre ans de pertes, n’ayant trouvé la rentabilité que l’an dernier.

En attendant les réponses qu’apportera le groupe aéronautique allemand, Swiss peut méditer sur l’ambition extrême qui l’a animée depuis le début de la décennie et qui a abouti à cette situation. Une ambition qui porte un nom bien genevois, Calvin, mais qui a été élaborée à Zurich. Dévoilé en octobre 2012, ce plan visait à rendre son lustre à Swiss sur la plateforme de l’ouest lémanique.

Rien n’était trop beau: 160 «navigants commerciaux» (stewards et hôtesses de l’air) et 90 pilotes devaient y être basés, ainsi que plusieurs avions. Et il devait être nourri par la hausse du trafic passagers que devait stimuler une diminution marquée des prix, au niveau de ceux d’easyJet, le leader du marché genevois. L’investissement n’est pas dévoilé, mais il s’élève sans doute à plusieurs dizaines de millions de francs. Le but était le retour à la profitabilité dès 2017.

En ce temps-là, Swiss venait de passer le cap des 2 millions de passagers transportés à Cointrin (arrivées et départs), quelque 13% de son trafic total. Mais elle ne reliait que 13 destinations et n’assurait que 15,2% du trafic passagers en partance de ou arrivant à Genève, loin derrière easyJet avec plus de 42% du trafic.

A l’été 2013, Lorenzo Stoll, un manager venu de chez Nestlé, est embauché pour assurer la mise en œuvre de ce plan. Son but: replacer Swiss dans le cœur des Romands. Les deux années qui suivent, il triple le nombre de destinations pour les porter à 42. Entre de nouvelles embauches et des transferts de postes, les effectifs genevois grimpent à 230. En 2014, les chiffres semblent confirmer la justesse des ambitions de Swiss. Le nombre de passagers explose (+11%), plus du double de la moyenne des autres compagnies installées sur le tarmac.

De sanction en sanction

Mais les nuages surviennent rapidement. Les sanctions occidentales contre la Russie entraînent dès 2014 une baisse des affaires avec ce pays. Puis, en janvier 2015, la crise du franc fort consécutive à l’abandon du cours plancher par la BNS assène un nouveau coup. La résurgence de la crise de l’euro la même année ne fait qu’amplifier le phénomène. Résultat: ce sont les passagers russes, britanniques et suisses, qui comptent pour 75% du total, qui réduisent leurs voyages. Aussi, cette année-là, le nombre de passagers progresse moins vite chez Swiss (+3,3%) qu’auprès de ses concurrents actifs à Cointrin (+4,9%) et les perspectives de rentabilité dans le délai de 2017 s’évanouissent.

Retour à la case départ pour Genève? Une nouvelle fois, l’aéroport reste impuissant face aux décisions prises ailleurs. Non plus à Zurich comme en 1996, mais à Francfort, où la direction du groupe Lufthansa se sent peut-être moins concernée par les sensibilités romandes et aborde la question sous un angle plus froidement comptable. Mais contrairement à la tempête de 1996, l’éclatante santé de l’aéroport genevois plaide pour le développement raisonnable de toute compagnie aérienne, à commencer par Swiss.

Et si, en plus, le moindre indice avant-coureur d’un retrait enclenche la polémique, c’est autant de soutien pour Lorenzo Stoll, pour ses collègues de la direction générale de Swiss, ainsi que pour la compagnie qui arbore comme emblème la croix fédérale. A condition, cette fois, de cultiver des objectifs plus raisonnables. 

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Markus A. Jegerlehner / Keystone
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