Zoom. En recoupant des dates de concert et l’apparition de peintures murales, un limier écossais affirme que le graffeur prolifique et Robert Del Naja, leader du groupe de trip-hop, ne sont qu’un. Se non è vero...
L’affaire alimente bien sûr la légende du plus célèbre graffeur de la planète, aussi habile à pocher les murs urbains qu’à dissimuler sa vraie identité. Un journaliste écossais, Craig Williams, affirme que Banksy est en réalité Robert Del Naja, alias 3D, 51 ans, le leader de Massive Attack. Ou tout au moins un collectif de street artists qui gravite autour du groupe de Bristol, dont Del Naja serait la tête pensante.
Comme dans une enquête policière, Craig Williams a procédé par recoupements de lieux et de dates. Il a remarqué que beaucoup de peintures murales de Banksy surgissaient dans des villes où Massive Attack jouait alors sur scène. Il a dégagé une bonne demi-douzaine d’occurrences troublantes, dont Melbourne en 2003, Los Angeles en 2006, La Nouvelle-Orléans en 2008, San Francisco, Toronto et Boston en 2010. A chaque fois que le trio de hip-hop électro était en ville, des fresques de Banksy apparaissaient les jours suivants sur des murs de la même cité. Parfois en nombre – six peintures au pochoir surgies le 1er mai 2010 à San Francisco, alors que Massive Attack donnait sur place des concerts les 25 et 27 avril de la même année.
Profilage géographique
Les hypothèses sur la vraie identité de Banksy se succèdent comme ses interventions urbaines. La dernière en date (mars 2016) étant celle d’un obscur ex-étudiant de Bristol, Robin Gunningham, prétendument débusqué par des scientifiques de la Queen Mary University de Londres, là encore par profilage géographique. La chasse au Banksy est un sport coté, autant que ses rares peintures proposées en salle de ventes, qui atteignent désormais plusieurs centaines de milliers de francs.
La nouvelle conjecture oriente ses faisceaux sur Bristol, dans le sud-ouest de l’Angleterre, la cité des débuts de Banksy et de Massive Attack. Robert Del Naja a commencé sa carrière d’artiste militant comme graffeur dans les rues de Bristol. Avec succès et talent, au prix de plusieurs arrestations qui l’auraient encouragé à abandonner les bombes de peinture au profit d’une scène musicale d’où allait aussi émerger Portishead et Tricky. C’était la fin des années 80, période des premiers pochoirs du mystérieux Banksy sur les murs de Bristol. Créateur multidisciplinaire, Del Naja n’a jamais abandonné sa première pratique, illustrant régulièrement les disques de Massive Attack avec ses propres créations.
Rétropédalage
En façade, il s’agit bien de cela, Banksy et Del Naja sont amis. Le premier a par exemple préfacé un livre consacré naguère à l’art du leader de Massive Attack. Ils auraient toutefois une différence d’âge d’une décennie, le graffeur étant plutôt né dans les années 70 alors que le musicien aurait vu le jour (la date est contestée) en 1965. Les deux partagent le même engagement pour l’altermondialisme, la paix, le combat contre l’injustice, la satire sociale.
Craig Williams a d’abord avancé que Banksy et Del Naja étaient la même personne, avant de rétropédaler en notant qu’il pourrait s’agir d’un groupe de street artists affilié à Massive Attack, comptant parmi eux le chanteur-compositeur-sampleur vu à Paléo en juillet dernier. Une spéculation séduisante qui renvoie à ce fameux adage de l’Italie, pays dont la famille de Del Naja est originaire: «Se non è vero, è ben trovato.»