Marie Romanens
Reportage. Les Livetrotters de «L’Hebdo» sont rentrés, après deux mois passés à sillonner l’Europe. Pour cette dernière semaine, c’est Marie que nous avons choisi de publier, elle qui avait ouvert la série début juillet. Un vibrant plaidoyer en faveur de l’autoentrepreneuriat.
Ça y est, nous y sommes, je conclus mon tout dernier reportage après deux mois de voyage européen.
Et avec tout l’amour et l’énergie que j’y ai investis, je vous avoue que la simple idée d’une synthèse de toutes ces rencontres me fout des boutons. Mais je pense qu’il est primordial, après une telle expérience, de conclure le sujet et de faire le point. Avant de me lancer dans cet exercice périlleux, je me dois de vous parler de ce que j’ai découvert ici, puisque cette dernière semaine j’ai investigué chez nos amis nordiques. La Suède est un exemple à suivre lorsqu’il s’agit de soutien pour les indépendants: elle offre un système totalement gratuit et financé par l’Etat pour aiguiller les gens durant tout le long processus, de l’indépendant jusqu’à l’entreprise.
Business plan, coaching, consulting, demande de financements; un programme à disposition de qui veut bien le demander. Résultat, ils sont de plus en plus nombreux et, chaque année, pas moins de 900 nouveaux inscrits. Sans oublier que dans cette joyeuse bande d’utopistes, des jeunes, à peine au sortir des études, tentent désormais l’aventure. Alors, si déménager ici serait le choix de facilité, je me suis dit que de m’autoproclamer porte-parole de la cause du microentrepreneuriat serait plus utile, et avec mon charisme légendaire c’est dans la poche, Justin Trudeau n’a qu’à bien se tenir.
Bon, et chez nous alors?
Je vous épargne la situation politico-économique de l’Europe actuellement, puisque tout le monde est conscient aujourd’hui que son système démontre clairement ses limites.
Après vous avoir longuement vanté les structures sociales égalitaires du Nord et les survivants passionnés du Sud, j’aimerais remettre en question le système helvétique. Mais pour qu’il ait une chance de changer, nous devons nous responsabiliser. Vous qui me lisez, pouvez-vous affirmer à 100% que vous vous sentez valorisés, utiles ou comblés dans le domaine professionnel? Elle est ici, la question.
Aujourd’hui, plus que du micro-entrepreneuriat, nous avons besoin des microentrepreneurs! Il nous faut sortir de ce schéma où la carrière est la seule valorisation d’une vie. Ne m’imaginez pas en gourou de l’autoentrepreneuriat, quoique porter des grigris pourrait bien me plaire, mais il est primordial aujourd’hui de se reconnecter à la réalité du monde dans lequel on vit, pour trouver un sens à ce que l’on fait! Penser que l’épanouissement au travail n’est pas fondamental et qu’on l’envisage ailleurs, c’est un peu comme se dire que l’investissement dans un lit ne vaut pas le coup: on perd pourtant vingt-cinq ans de notre vie à pioncer, ça vaut bien un tatami en céréales bios, non?
Retour en arrière avant-gardiste
Ces personnes dont j’ai croisé la route m’ont fait réaliser à quel point privilégier les richesses à notre disposition est le retour en arrière le plus avant-gardiste qui soit. Je place, ici, comme ça, sans pression, que si tout le monde consommait comme la Suisse, nous aurions besoin aujourd’hui de trois planètes (Office fédéral de la statistique). Alors c’est facile de dire que la Grèce ne gère pas son portemonnaie, ou que Dubaï n’est pas foutu de planter trois tomates, mais on devrait peut-être commencer par se concentrer sur nos petites affaires d’abord, vous devriez savoir comment faire puisqu’on est les champions en la matière lorsqu’il s’agit de voter.
C’est à nous de prouver que le microentrepreneuriat est une alternative valable pour que l’Etat se rende compte de l’avantage de développer des structures pour nous accompagner, nous et les générations futures. Vous serez si fiers de pouvoir dire à vos enfants que vous étiez les pionniers d’un mouvement nouveau, et qu’au moment où l’on ne croyait plus en vous, vous avez remis en question les perspectives pessimistes d’avenir. Pour les réticents, on est bien conscients que le chemin va être semé d’embûches, sachez qu’on se contentera d’une tape condescendante sur l’épaule plutôt que de vos angoisses moralisatrices.
Cet été là-bas, maintenant «ici»
Je ne peux pas passer deux mois à vous convaincre de ce mode de vie et rentrer ronronner dans mon quotidien. Lorsque je vous parle d’une prise de conscience, elle est bien réelle! Et pour cause, la création d’une association avant mon voyage était le point de départ de cette remise en question.
Je resterai marquée par ces entreprises dingues, pertinentes et intelligentes, qui m’ont extrêmement motivée. La confrontation avec ces microentrepreneurs persévérants n’a fait que renforcer ma conviction dans l’importance de créer un projet à l’image de nos valeurs. Maintenant, passons à l’acte, et c’est chose faite, car l’un des acolytes de cette ambitieuse aventure m’a déjà rejointe à Stockholm pour que, dès le point final de cet article, nous puissions vous illustrer à quatre mains un aperçu minime de ce qui s’apprête à être mis en œuvre!
On rêve d’un lieu où cohabiteront culture, mode de vie durable et communautaire et, grâce à nos voyages respectifs, on peut vous assurer qu’au-delà de nos contrées, ces concepts sont déjà appréciés à leur juste valeur. Elargissons l’horizon des possibles, opposons au pessimisme de l’esprit l’optimisme de la volonté! On compte bien importer ces approches chez nous, ICI, à l’image du nom de notre collectif.
Pour ma part, plus qu’avec une simple réponse à la problématique énoncée, je rentre chargée d’une mission, une sorte de pacte avec moi-même, et n’est-ce pas le propre d’un voyage? L’Hebdo, à mon retour, préparez-vous à une tornade car je compte bien tous vous contaminer.
Retrouvez les huit semaines d’aventure des Livetrotters dans leur journal de bord, sur www.hebdo.ch/livetrotters. Reportages, galeries images, vidéo, ainsi que leurs blogs personnels.
Fin de l’aventure livetrotters. Et début de la suivante
« Le meilleur apprentissage que j’aie jamais eu. »
Jacqueline Pirszel
A la base, je cherchais un travail. Après toutes ces années passées sur les bancs de l’uni, il était temps pour moi d’entrer dans la vie active. Par contre, comme beaucoup de jeunes de ma génération, j’ai envie d’évoluer dans un travail qui me plaise.
Mon dada, c’est toute l’actualité liée aux villes parce que je suis géographe-urbaniste. Le journalisme, lui, m’attire depuis plusieurs années: j’ai donc décidé de postuler à L’Hebdo en tant que Livetrotter dans le but de lancer ma reconversion dans ce nouveau métier.
Après ces huit semaines de folie à voyager sans cesse et à fournir des articles hebdomadaires, je me rends compte que voyager seule, s’ouvrir au monde et partager des moments de la vie de tous les jours avec de parfaits inconnus apportent bien plus que toutes les expériences qu’on note sur un CV. Etre Livetrotter, c’est oser se lancer, c’est faire des rencontres magiques et découvrir de véritables petits trésors là où d’habitude nos préjugés nous bloquent. Ce qui au départ devait être un défi professionnel représente aujourd’hui avant tout pour moi le meilleur apprentissage que j’aie jamais eu.
« Une première étape émotion-nellement très difficile. »
Nina Seddik
Comme je m’y attendais avant de partir, les quatre premières semaines ont été très différentes des quatre dernières. Pour rappel, j’ai débuté par la Grèce et l’Italie, principales portes d’entrée des réfugiés et migrants en Europe. Une première étape émotionnellement très difficile. Du port du Pirée au squat du City Plaza, une constante: l’attente et l’angoisse du lendemain et ce, en raison des procédures administratives qui prennent des mois. Et puis la deuxième étape, plus positive, en Suède et en Allemagne. Ces «terres promises» où l’objectif numéro un est l’intégration.
La plupart des réfugiés dont j’ai fait la connaissance rejettent d’ailleurs cette étiquette qui leur colle à la peau et qu’ils trouvent réductrice. Au final, une conviction: celle qu’il est très important de mélanger rapidement locaux et réfugiés autour d’activités favorisant l’échange et le dialogue, pour permettre aux «deux côtés» de s’apprivoiser et d’apprendre à vivre ensemble.
« Je ressors grandi de cette aventure. »
Raphaël Surmont
Etre Livetrotter et digital nomad durant deux mois m’aura permis de faire de nombreuses rencontres, d’approcher le métier de journaliste et d’être dans un flux de productivité constant tout en découvrant sans cesse de nouvelles cultures et de nouveaux pays.
Cette aventure aura été riche en rencontres, en échanges et en partage d’idées. Partir à la découverte de personnes qui ont fait le choix de vivre en dehors des sentiers battus, de lancer leur propre entreprise, seul ou en couple, m’a ouvert l’esprit. Ces personnes m’ont grandement influencé, notamment de par leur ténacité et la foi qu’elles ont en leurs rêves.
Sur un plan plus personnel, je ne m’attendais pas à ce que voyager seul soit aussi difficile. Après avoir échangé avec les nombreuses personnes rencontrées sur ma route, j’ai su prendre conscience de la chance que j’avais de vivre cette aventure.
Je poursuis ma dernière année de formation dans le marketing numérique et la communication à l’école CREA plus motivé que jamais pour la suite de ma carrière qui sera, un jour, nomade, qui sait. Une chose est sûre: je ressors grandi de cette aventure.
«Cette cinquième Suisse m’inspire. »
Aude Haenni
Rencontrer la cinquième Suisse, c’est voir le pays d’un tout autre œil. Alors que nous vivons notre petit train-train quotidien, discuter avec ces expatriés m’a fait prendre conscience de la chance de pouvoir être née en Suisse, d’avoir suivi les études que je voulais, de ne jamais manquer de rien, de m’exaspérer pour des futilités. La Confédération helvétique n’est pas parfaite, oh que non, mais comparativement à d’autres Etats européens, nous vivons dans une jolie petite bulle.
Justement. S’établir ailleurs permet d’exploser cette bulle, de repousser ses limites, de s’enrichir. Cela demande du temps, une ouverture d’esprit. L’expatriation n’est pas toujours rose, certaines difficultés l’accompagnent. Au choix, ils préfèrent pourtant la qualité de leur vie actuelle, la liberté qu’ils ne ressentaient pas ici, l’équilibre qu’ils recherchaient. Tant que nous n’aurons pas sauté le pas, nous ne les comprendrons pas. Mais cette cinquième Suisse inspire. Pour ma part en tout cas.
« Vous raconter combien le micro-entrepreneuriat est primordial sans tenter l’aventure serait hypocrite. »
Marie Romanens
J’ai l’impression qu’il y a quelques jours seulement, je vous écrivais mon premier article. Moi qui pensais qu’après quelques essais je serais plus à l’aise, je crois finalement que ce n’est pas une question d’expérience, mais bien l’implication dans mon sujet qui me rend si nerveuse à chaque nouvelle page blanche.
J’étais déjà convaincue de mon sujet, mais après deux mois je suis persuadée de la démarche entrepreneuriale à titre personnel. Je n’avais pas du tout envie de rentrer, seule l’idée de pouvoir lancer la machine à mon retour m’a réjouie. Après vous avoir parlé de ces projets de toutes les manières possibles, c’est du mien qu’il s’agit désormais. Et vous raconter combien le micro-entrepreneuriat est primordial à l’heure actuelle sans même tenter l’aventure serait hypocrite.
Un lieu de vie communautaire, culturel et durable, voilà les maîtres-mots. J’ai découvert tout ce qui s’est fait là-bas, et nous allons développer un projet, ICI, en privilégiant les richesses locales, tout en rassemblant les forces et compétences de notre équipe qui se complète plutôt bien. Allez, on y va?!