Eclairage. La médecine chinoise est très populaire en Suisse. Certains apprécient son caractère naturel; d’autres y voient une solution de dernier recours.
Environ 5% des Suisses vont chez un acupuncteur et 2% ont recours à d’autres prestations de médecine chinoise, selon l’Office fédéral de la statistique. Et cette part ne cesse d’augmenter, surtout depuis que la médecine chinoise a été incluse dans les soins remboursés par l’assurance maladie obligatoire en 2012.
Le nombre de praticiens a lui aussi augmenté. «Dans les années 80, il n’y en avait que trois à cinq dans le canton de Vaud, relève Sylvie Wyler, une des représentantes romandes de l’Organisation professionnelle suisse de médecine traditionnelle chinoise. Aujourd’hui, il y en a plus de 100, et jusqu’à 350 sur l’ensemble du bassin lémanique.»
Certains sont des médecins qui ont ajouté une corde à leur arc en acquérant une formation d’acupuncteur, d’autres sont des thérapeutes indépendants, d’autres encore sont des praticiens chinois employés par des chaînes de cliniques comme ChinaSanté, Sinomed, China Clinic ou SinoSanté. «Ces derniers effectuent en général de courts séjours en Suisse, de deux à cinq ans, et œuvrent par l’entremise d’un traducteur», précise la thérapeute. Cas à part, Sinomedica est une chaîne, mais elle emploie surtout des thérapeutes occidentaux.
Il existe plusieurs écoles proposant des formations de médecine chinoise et un nouveau diplôme fédéral de médecine alternative a vu le jour en 2015. Mais il n’est pas obligatoire d’obtenir une certification pour la pratiquer en Suisse.
Quand les Helvètes se tournent vers cette forme de soins, ils choisissent presque exclusivement l’acupuncture. «La pharmacopée chinoise est très peu utilisée en Suisse, relève Arnaud Marbezy, secrétaire de l’Association suisse des praticiens de médecine traditionnelle chinoise. Il n’est pas facile de mettre la main sur les recettes et les ingrédients nécessaires.» Le massage à l’aide de coupelles de verres, sortes de ventouses qui laissent de disgracieuses traces rouges sur le dos, n’est pas non plus prisé des patients.
Les adeptes occidentaux de la médecine chinoise se divisent en plusieurs catégories. «Il y a ceux qui rêvent de revenir à une médecine plus naturelle et douce, avec moins de médicaments et d’effets secondaires», souligne Arnaud Marbezy. En cas de sinusite ou de grippe, ils vont d’abord tenter la médecine chinoise avant d’aller voir un médecin. Ces patients apprécient aussi le cadre philosophique qui accompagne cette forme de soins.
«Nous voyons aussi des gens qui ont tout essayé et voient la médecine chinoise comme une solution de dernier recours», note Sylvie Wyler. Ce sont surtout des personnes souffrant de mal de dos, d’arthrose, de problèmes gastriques ou de fatigue chronique, des affections pour lesquelles la médecine occidentale n’a que peu de solutions à proposer. Une dernière catégorie est composée des personnes qui se tournent vers l’acupuncture pour soulager les douleurs et nausées provoquées par une chimiothérapie.
«J’ai retrouvé des sensations dans mes jambes»
Le témoignage d’un Genevois qui a retrouvé l’usage de ses jambes – perdu à la suite d’une rupture d’anévrisme – grâce à l’acupuncture.
La vie d’Eric Thierstein a basculé en 2002, lorsqu’il a fait une rupture d’anévrisme à l’âge de 50 ans. «Je ne savais plus parler, ni lire, ni marcher, raconte-t-il, la parole toujours entravée par la maladie. J’ai dû tout réapprendre, comme s’il s’agissait d’une seconde naissance.» Au fil des ans, il a retrouvé l’usage de ses jambes, mais continuait à se déplacer avec peine. «Je ne sentais pas mes membres, je tombais tout le temps dans la rue», dit-il.
En 2014, il a décidé d’aller voir un acupuncteur, une forme de médecine qu’il n’avait pratiquée qu’une seule fois dans le passé, pour une hernie. «Au début, il me plantait 50 aiguilles dans la cuisse et je ne sentais rien, mais peu à peu j’ai commencé à retrouver des sensations dans mes pieds, mes chevilles, mes genoux», raconte-t-il. Aujourd’hui, il peut marcher, monter et descendre des escaliers. «J’ai retrouvé mon autonomie, c’est génial», s’enthousiasme-t-il. Il est convaincu que c’est grâce à son acupuncteur. «Il écoute mon corps, il ne se contente pas de me donner des pilules», glisse-t-il.