Eclairage. L’assurance mixte constitue une des solutions pour profiter des avantages fiscaux du 3e pilier lié. Mais il est souvent préférable de dissocier les composantes risque et épargne, en souscrivant à un ou plusieurs produits d’assurance risque pur parallèlement à l’ouverture d’un compte de prévoyance.
Tout conseiller en prévoyance qui se respecte proposera rapidement à son client actif en Suisse de souscrire à plusieurs produits de 3e pilier lié, s’il en a encore la possibilité, pour compléter ses avoirs de prévoyance et surtout profiter de ses généreux avantages fiscaux. En effet, les cotisations à de tels produits sont déductibles des impôts jusqu’à 6768 francs par an pour un salarié membre d’une caisse de pension et 20% du revenu annuel, mais au maximum 33 840 francs pour les indépendants non affiliés à une institution de prévoyance.
La question est de savoir sous quelle forme souscrire de tels produits. Le choix est en fait limité à un compte de prévoyance auprès d’une fondation bancaire ou une police de prévoyance auprès d’une compagnie d’assurances, soit une assurance risque pur (décès ou invalidité), une assurance mixte ou encore des rentes viagères (lire en page 48). Si l’on n’a aucun risque à couvrir, on devrait logiquement se tourner vers la solution bancaire.
La situation se présente sous un jour différent si l’on a besoin d’une couverture décès pour assurer l’avenir de ses proches en cas de malheur et/ou d’une autre protection en cas d’invalidité. Ce qui serait typiquement le cas si l’on procède à un amortissement indirect de son hypothèque: en cas de décès, un capital correspondant au remboursement programmé serait immédiatement versé, tandis que si le preneur d’assurance devenait invalide, c’est la compagnie d’assurances qui prendrait le relais, en versant les primes à sa place jusqu’à l’échéance du contrat. Cette assurance invalidité, qu’on appelle libération de primes, n’est pas automatiquement incluse dans l’assurance mixte, mais elle en constitue un puissant argument de vente.
Découpler épargne et couverture de risque
Pourtant, la personne qui a vraiment besoin de ces deux couvertures d’assurance pourrait renoncer à l’assurance mixte au profit d’une autre solution. En effet, il est possible de répliquer les prestations de ce produit en découplant sa composante épargne de celle du risque. On peut ainsi ouvrir un compte de prévoyance tout en souscrivant à une assurance décès, à capital décroissant, dont les primes seront également déductibles. Pourquoi à capital décroissant ? Parce que l’accumulation du capital épargné sur le compte bancaire réduit progressivement le montant nécessaire en cas de décès.
Quant à la couverture en cas d’invalidité, la personne pourra souscrire à une assurance perte de gain dont la rente nette (après impôt) serait équivalente à la prime de l’assurance mixte. De cette manière, ces versements correspondraient exactement aux cotisations qui seraient prises en charge le cas échéant par l’assurance libération de primes.
Quel est le meilleur choix? Si l’on considère une assurance mixte traditionnelle par rapport à une solution découplée, le rendement à l’échéance, en cas de vie de l’assuré, ne sera sans doute pas très différent : d’un côté, l’assurance mixte pourrait compter sur la participation aux excédents, mais qui n’est pas garantie, tandis que les intérêts sur les comptes d’épargne peuvent être modifiés à tout moment pour s’adapter aux conditions du marché.
Les taux négatifs sont particulièrement défavorables aux assurances mixtes
L’environnement financier actuel, qui se caractérise par des taux d’intérêt négatifs, apparaît comme particulièrement défavorable pour l’assurance mixte, comme le constate Antoine Faure, conseiller et dirigeant de la société Univie, finance et prévoyance, à Carouge (GE): «Il devient difficile de recommander des assurances mixtes car le montant garanti en cas de vie à l’échéance se révèle inférieur à la somme totale des primes payées. Ce qui n’était pas le cas auparavant, lorsque les taux techniques s’élevaient à 3% par exemple, permettant de dégager un rendement nettement positif malgré la ponction des différentes couches de frais.»
Notre interlocuteur a ainsi renoncé à proposer des assurances mixtes traditionnelles à ses clients au profit d’assurances mixtes liées à des fonds de placement, mais avec garantie.
La faiblesse des taux fait également ressortir le poids des frais d’acquisition, ponctionnés en outre par avance. Ce modèle d’affaires se révèle très pénalisant pour les preneurs d’assurance qui voudraient en modifier les conditions avant l’échéance, comme l’explique Roland Bron, directeur de VZ VermögensZentrum pour la Suisse romande: «La probabilité que leur situation personnelle change, nécessitant une modification ou une résiliation anticipée de leur police d’assurance, se révèle élevée.
Or, les coûts de sortie sont énormes.» Allant dans le même sens, Albert Gallegos, responsable de la prévoyance et du conseil patrimonial auprès de la Banque cantonale de Genève, précise que « la valeur de rachat – celle qui va effectivement être restituée au preneur d’assurance – sera très faible, voire nulle, si le contrat est résilié au bout de deux ou trois ans».
Accroître la valeur de rachat
Antoine Faure reconnaît l’ampleur de ce phénomène. Raison pour laquelle il recommande notamment à ses clients un produit d’assurance de la compagnie La Mobilière, baptisé «Assurance épargne avec participation au rendement transparente». Ce produit prévoit un mécanisme de participation aux excédents basés sur les rendements des placements liés à des produits d’assurance en prévoyance individuelle de la compagnie d’assurances. Jusque-là, il n’y a rien de très original.
En revanche, le produit se distingue notamment par sa politique en matière de valeur de rachat: dès la première année, l’assuré peut récupérer 87,3% de sa prime d’épargne, 92,17% de la somme des deux premières primes, jusqu’à 97% des primes accumulées au bout de six ans, et au même taux jusqu’à l’année précédant l’échéance du contrat. A ce moment-là, le preneur d’assurance recevrait le capital épargne, qui correspondrait à la totalité des primes d’épargne versées alors, auquel s’ajouterait le solde du compte de participation aux excédents. On notera cependant qu’il faudrait tenir compte des primes de risque, qui sont facturées en sus.
Des assurances avec ou sans garantie
Les compagnies d’assurances proposent d’autres modèles, en s’appuyant sur différents sous-jacents, comme des indices boursiers, tel le SMI, des fonds immobiliers, assortis ou non de montant garanti en cas de vie. La tendance actuelle, indique Antoine Faure, est de proposer une garantie, c’est-à-dire que le preneur d’assurance dispose d’un plancher en cas de mauvaises performances boursières par exemple: «Cette valeur garantie sera évidemment un peu plus faible que celle d’une assurance mixte traditionnelle, mais elle est nécessaire si l’on raisonne en termes de prévoyance.
On précisera que les nouveaux produits d’assurance vie liés à des indices de toutes les compagnies d’assurances prévoient des valeurs de rachat, certes basses, mais qui sont garanties même avant le terme de la police. Ce point est important à souligner car ces garanties n’étaient en principe valables que jusqu’à la fin du contrat, réservant de mauvaises surprises en cas de résiliation anticipée.»
La concurrence des banques
Les banques ne sont évidemment pas restés inactives pour capter une partie de ce marché, au grand dam des compagnies d’assurances. Mais l’approche est différente, puisqu’elles n’offrent généralement aucune garantie sur les placements proposés, que ce soit sous la forme de plans d’investissement ou de fonds de placement. Le risque est donc intégralement à la charge du client. Les établissements bancaires proposent parfois d’autres instruments financiers tels que les ETF (exchange traded funds), qui sont des fonds indiciels négociés en Bourse, comme c’est le cas chez VZ VermögensZentrum.
L’avantage de ces produits, ce sont leurs frais de gestion en principe inférieurs à ceux des fonds de placement classiques – souvent utilisés par les assurances vie liées à des fonds de placement – qui creuseraient l’écart, selon Roland Bron. Ce dernier conclut: «Ainsi, en souscrivant de tels produits d’assurance vie, l’investisseur prend quand même des risques mais son rendement est en grande partie utilisé pour financer les différents frais.»