Pape François. «Jésus a été enfermé dans cette Eglise et il frappe à la porte parce qu’il veut s’en aller!» On le sait aujourd’hui, c’est avec ces mots que le futur pape aurait convaincu les cardinaux du conclave de l’élire. C’est du moins ce qu’affirme l’archevêque de Lyon. Interview.
Propos recueillis par Paolo Rodari
Durant son intervention aux congrégations générales qui ont précédé le conclave, le futur pape François, alors cardinal Jorge Mario Bergoglio, a évoqué avec insistance la nécessité pour l’Eglise de «sortir d’elle-même». Il a parlé de cette Eglise malade, qui devait se soigner.
Le cardinal Philippe Xavier Ignace Barbarin, archevêque de Lyon, se rappelle d’ailleurs que Jorge Mario Bergoglio avait dit textuellement: «J’ai l’impression que Jésus a été enfermé dans l’Eglise et qu’il frappe à la porte parce qu’il veut sortir, il veut s’en aller.» Il a alors demandé aux évêques «d’être de vrais pasteurs, pas des administrateurs».
«C’est bien ce que Jorge Mario Bergoglio pratiquait à Buenos Aires en refusant par exemple de loger à la résidence épiscopale. Et c’est ce qu’il fait en tant que pape avec sa décision d’habiter le pensionnat Sainte-Marthe au Vatican, détaille encore l’archevêque de Lyon. Il éprouve le besoin de voir les gens, de les rencontrer en toute simplicité et de leur parler dans les corridors, pendant les repas. Le mot “au-dehors”, chez lui, est essentiel. On dira que c’est le mot qui définit le mieux la mission de Jésus qui, en quelque sorte, est sorti de lui-même pour aller au-dehors, la où vit l’humain en difficulté.»
Avant même le conclave, Jorge Mario Bergoglio a aussi recouru à des images très dures pour décrire la situation de l’Eglise: «Le Christ est en prison!» Des paroles qui ont frappé, selon le cardinal Philippe Xavier Ignace Barbarin.
C’est ce discours devant les congrégations qui a décidé les cardinaux à voter pour lui ou son nom circulait-il déjà dans les têtes avant?
Son nom circulait beaucoup. Mais, durant les congrégations générales, nous avons tous été touchés par son discours. Il parlait de la nécessité de regarder ailleurs. Il racontait l’Amérique latine où 40% de la population est catholique. Il a su gouverner la province des jésuites qui lui avait été confiée durant la période difficile de la dictature militaire. Il s’est rapidement retrouvé à la tête du diocèse de Buenos Aires où il a fait preuve d’un zèle missionnaire remarquable dans un esprit de dépouillement et de proximité avec toutes les personnes qui lui étaient confiées. Il nous est apparu comme un homme à l’autorité manifeste qui sait tracer son chemin et prendre les bonnes décisions. Ce qui frappe surtout depuis qu’il est à la tête de l’Eglise, c’est la simplicité et la clarté de ses homélies et, simultanément, le vaste programme qu’il a lancé pour réformer la curie romaine. C’est la réforme que l’Eglise attend et dont elle a grand besoin.
Une réforme urgente selon vous?
La réforme doit absolument se faire. Le Conseil des cardinaux saura s’y prendre. L’objectif est de réformer l’Eglise au bénéfice des Eglises locales et en collaboration avec les évêques du monde entier. On peut dire de la curie ce que le pape a dit de l’Eglise: «Il est juste et sain qu’elle s’occupe d’elle-même avant de s’occuper des autres.»
Que pensez-vous de la réforme de l’IOR, l’Institut des œuvres de religion? Est-il juste que le Vatican ait une banque?
La question n’est pas de savoir s’il faut ou non une banque au Vatican. Il est évident que le Vatican a besoin d’argent, à l’instar de tout diocèse et de toute institution de l’Eglise. La question est plutôt de savoir si et comment l’argent arrive au Vatican, si tout est transparent ou non, vérifiable.
On a pu lire sur un site chilien que le pape aurait dit à des prêtres sud-américains qu’il existait un «lobby gay» au Vatican. Existe-t-il vraiment et pourquoi le pape en a-t-il parlé?
Je ne sais bien sûr rien de tout cela. Je sais seulement que les humains sont pécheurs et que, par conséquent, il y a aussi au Vatican des hommes qui font erreur. Il serait stupide de proclamer: «N’y croyez pas, au Vatican c’est impossible!» Mais je ne veux pas servir de porte-voix aux racontars. Si le pape a quelque chose de précis à exprimer à ce propos, nous le saurons. Et s’il décide d’agir, il le fera sans peine.
Lors de son chemin de croix de 2005 au Colisée, le pape Ratzinger a parlé de la «saleté» présente dans l’Eglise. Et le pape François évoque souvent les «maux» au sein de l’Eglise. A quoi font-ils allusion?
Oui, c’est une triste réalité. L’Eglise est affectée et parfois discréditée par les péchés et les scandales de ceux qui la composent. C’est vrai qu’au cours de l’histoire nous avons vu beaucoup de papes peu exemplaires mais je crois que, en dépit de tous ces péchés, l’Eglise bénéficie constamment du soutien de l’Esprit Saint. Lui, il parle de vie éternelle.
© L’Espresso
Traduction et adaptation Gian Pozzy