Boris Mabillard
Coup de cœur. Le Château Thieuley, dans l’Entre-deux-Mers, propose des vins subtils et gouleyants à bon prix.
Passé 18 h 30, en l’absence des patronnes du Château Thieuley, c’est leur père qui répond au téléphone. Il veille au grain et bataille pour que personne n’abuse de l’agenda déjà surchargé de sa fille Sylvie Courselle, 38 ans, la cadette qui s’occupe de l’aspect commercial du château: «N’espérez pas la déranger en pleines vendanges! Pour qui vous prenez-vous? Fait-on cela en Suisse?» Mais très vite, le ton s’adoucit et devient bonhomme.
L’Entre-deux-Mers, c’est peut-être le plus beau vignoble de Bordeaux. Pourtant, les amateurs de dégustations le délaissent au profit de ses prestigieux voisins, Saint-Emilion ou Graves. Quelle injustice!
Mais Sylvie Courselle n’est pas du genre à se lamenter. Elle dirige avec sa sœur Marie le domaine familial, 80 hectares, et si l’ombre d’un nuage passe sur son visage, un sourire éclatant la chasse aussitôt: «Je me bats contre les clichés sur les vins de Bordeaux. Contre l’image d’un vin froid fabriqué par de riches propriétaires qui ne quittent pas les salons de leur château. Nous, c’est tout le contraire, nous avons les mains dans la vigne.»
Cette chaleur et cette simplicité se retrouvent dans le vin. Désormais, le domaine produit 500 000 flacons, dont la moitié de vin blanc. «Mon père avait l’habitude de dire qu’il ne fallait pas toucher une bouteille avant huit ans. Ma sœur et moi voulons faire des vins qui peuvent se boire plus vite. Ils ont moins de barrique, sont plus fruités et vieillissent très bien aussi», explique Sylvie Courselle.
Pour décrire sa quête d’équilibre entre tradition bordelaise et innovation, entre barrique et fruit, entre héritage paternel et manière de travailler à elles, Sylvie Courselle résume sans se prendre au sérieux que «c’est un entredeux». Mais à elles deux, Sylvie et Marie font un vin entier et enthousiaste.
Elevée sur des lies fines en barriques, la cuvée Francis Courselle 2011, sémillon et sauvignon blanc pour moitié, déploie des arômes d’épices, de pêche de vigne avec une belle acidité. Dans le caveau de dégustation où sont accueillis les visiteurs, Sylvie Courselle sort une bouteille, le dernier-né de ses assemblages: le Petit Courselle, un vin rouge convivial qui sera commercialisé à moins de 8 euros.
«Les marges sont toutes petites, nos vins se vendent entre 7 et 20 euros la bouteille au détail. Mais si on augmentait les prix de 30%, on perdrait certains de nos clients», constate Sylvie Courselle. Pour l’instant, 25% de la production est écoulée en direct, mais cette part pourrait augmenter: les deux vigneronnes épicuriennes peuvent compter sur le bouche à oreille.