Boris Mabillard
Musée. Inauguré le 31 mai dernier, cet espace proposant la découverte du monde viticole, à travers les âges et les continents, a déjà accueilli 160 000 visiteurs.
La forme du bâtiment intrigue: en verre, d’or et d’argent, boursouflée et organique. La nouvelle Cité du Vin s’est imposée depuis son inauguration il y a quatre mois comme le nouvel emblème de Bordeaux et une destination touristique incontournable. Elle se propose d’être le trait d’union entre le vignoble et la capitale régionale et de faire résonner à Bordeaux les terroirs du monde entier. La Cité du Vin n’est pas la vitrine des grands châteaux de la Gironde, mais un hommage à la civilisation du vin. Et qu’un tel lieu n’ait pas existé plus tôt à Bordeaux paraît presque inconcevable aujourd’hui, alors que les touristes affluent.
A mesure qu’on s’en approche, par les berges rénovées de la Garonne, les dimensions et les courbes de l’édifice se dévoilent. Son aspect futuriste tranche avec les entrepôts et les bassins à flot. «Le mandat confié aux architectes n’était pas de rester dans le style du quartier, mais au contraire de surprendre et c’est réussi. Bien sûr, les architectes écartés lors du concours n’aiment pas, mais les Bordelais apprécient», explique le patron du lieu, Philippe Massol, directeur de la fondation qui exploite la Cité du Vin.
Ceux qui cherchent un musée seront surpris; à la place des collections d’objets et de leurs légendes, la Cité du Vin propose un parcours ludique dans l’univers du vin, à travers les âges et dans le monde entier. Un «compagnon de voyage», qui fait office de guide audio et qui sert d’interface lors des activités proposées, permet à chacun de faire son chemin à sa convenance. La mythologie, l’histoire, les cépages, la vinification et les différents vins, les arts de la table, l’imaginaire, le négoce et les routes du vin sont autant d’étapes possibles. Les vignes de Lavaux y sont même présentées dès le début dans un tour du monde des terroirs en images filmées à 360 degrés depuis le ciel.
Le Bordelais ne constitue que la fin de l’itinéraire. Est-ce décevoir les attentes des touristes venus à Bordeaux pour son vin? Philippe Massol s’en défend: «Si on avait mis Bordeaux en avant, les détracteurs auraient critiqué le narcissisme du projet. En plus, il ne s’agissait pas de se substituer à ce qui existe déjà, les visites du vignoble et de ses châteaux. Enfin, Bordeaux est la capitale mondiale du vin. Ici, nous avons donc une légitimité pour parler de son universalité.»
Financement en partie privé
Les spécialistes resteront peut-être sur leur faim. Les présentations constituent des invitations à approfondir plus qu’un dossier exhaustif. Mais les activités interactives, ludiques, permettent aux béotiens et aux familles – les enfants ne sont pas en reste – d’aborder un univers complexe et, comme l’espère Philippe Massol, «les amateurs poursuivront dans les vignes et découvriront les châteaux».
Avec 160 000 visiteurs depuis le 31 mai, la Cité du Vin a tenu ses promesses touristiques, explique Philippe Massol: «Ces chiffres confirment que notre estimation de 450 000 visiteurs par an est à portée de main. Le bouche à oreille fonctionne bien.» Le directeur a une autre raison d’être fier du projet: le coût total de 81 millions d’euros pour la construction du projet a été couvert pour un quart par des mécènes. «En France, c’est peut-être une première. La fondation restera orientée vers des projets privés ou en partenariat. Nous louons ainsi notre salle de conférences.»
Et la forme étrange de l’ouvrage? Une carafe pour décanter le vin? «Les architectes, Anouk Legendre et Nicolas Desmazières, ont été inspirés par un cep de vigne. Le côté rond et lisse, c’est le vin tourbillonnant dans le verre.»