Archéologie du futur. Une boîte remplie d’œuvres d’art et de documents sera scellée dans le futur Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne. Lequel parle de «symbole», mais sans dire de quoi il retourne.
La cérémonie de la première pierre du prochain Musée cantonal des beaux-arts, qui ouvrira en septembre 2019, s’est tenue le 6 octobre sur le site proche de la gare de Lausanne. Sauf que la première pierre n’en est pas une. Il s’agit d’une boîte contenant 79 objets et petites œuvres d’artistes, ainsi que des documents architecturaux. Belle idée. Mais elle en reste là.
La boîte sera intégrée aux murs du musée «sous une forme encore à définir», hésite le communiqué officiel. Cette incertitude trahit le flottement sur le statut de l’objet qui sera solidaire de la construction. On nous dit juste qu’il est «symbolique». Le petit musée scellé dans le grand musée? Mais un autre symbole n’est-il pas enfermé dans la boîte?
Bouteilles à la mer
Le temps, pardi! Chronos, le dieu qui mange sa progéniture pour rappeler sous la forme d’un mythe que nos heures ici-bas sont comptées. Or les mortels ont parfois l’idée d’adresser un témoignage collectif aux générations futures. Comme une bouteille à la mer qui dériverait pendant des âges avant d’être retrouvée puis débouchée. C’est la capsule temporelle, une tradition à l’origine aussi vague que la communication de Plateforme 10, le nouveau nom du Pôle muséal.
Ce rituel remonterait à L’épopée de Gilgamesh, célèbre œuvre littéraire de l’Antiquité, qui donnait des instructions pour retrouver une boîte de cuivre dans les fondations d’Uruk. Encapsuler des témoignages, des images, des écrits, des œuvres d’une époque donnée est une bonne manière de communiquer à travers les siècles.
En 2012, les artisans qui réparaient l’horloge de la tour Saint-Jean, à Vevey, ont retrouvé une capsule, placée là en 1862. Elle contenait des documents d’époque, ainsi qu’un souhait: «Buvez un verre de vin à notre mémoire!» La tradition s’est intensifiée au XXe siècle aux Etats-Unis, où une International Time Capsule Society a été créée. Elle recense les enfouissements de boîtes ou tubes de mémoire, dont la plupart donnent une date d’ouverture dans 50, 100 ou 1000 ans.
Si les emplacements ne sont pas indiqués, les capsules courent le risque d’être perdues. Ou alors elles prennent un pari pascalien et s’aventurent dans les espaces infinis à bord des sondes Pioneer et Voyager.
Temps court-temps long
Les capsules sont nombreuses en Suisse, un pays qui aime le temps. L’une d’entre elles repose depuis 1930 sous la première pierre du Palais des Nations, à Genève: elle contient la liste des membres de l’ex-Société des Nations, ses actes constitutifs, des pièces de monnaie des pays concernés. Il y a peu, des capsules ont été intégrées au Royal Savoy de Lausanne, récemment rénové, et à un nouveau bâtiment des TPG à Genève.
Toutes préservent le temps court de l’expéditeur dans le temps long du voyage vers un destinataire inconnu. Elles protègent, conservent, donnent des informations détaillées pour ceux qui ne sont pas encore là, mais viendront un jour. Ce qui est aussi la fonction des musées, non?