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Du pis de la vache aux rayons des grands distributeurs, dans les coulisses de la fabrication des TamTam et Perle de Lait

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Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:57

Mehdi Atmani

Reportage. Dans la zone industrielle de Plan-les-Ouates, les Laiteries Réunies transforment plus de 360 produits, à destination notamment de grands distributeurs. L’entreprise genevoise modifie sans cesse ses recettes pour s’adapter aux nouvelles tendances et faire face aux normes de production, d’hygiène et de sécurité alimentaire toujours plus drastiques.

C’est une petite enclave indépendante de l’agroalimentaire au cœur d’un bastion de l’horlogerie de luxe. A Plan-les-Ouates, dans la banlieue de Genève, la façade jaune poussin des Laiteries Réunies tranche avec l’austérité des immeubles vitrés de Rolex, de Vacheron Constantin ou de Patek Philippe.

L’entreprise genevoise fondée en 1911 se targue d’avoir inauguré la zone industrielle lors de son implantation sur le site en 1982, quand il n’y avait encore que des champs. Le voisinage des Laiteries Réunies (LRG) a bien changé. De même que ses activités. Avec le temps, la Fédération, qui a généré 239 millions de francs de chiffre d’affaires en 2015, est devenue une belle PME qui fournit les rayons frais de Coop, de Migros, de Manor et d’Aligro pour ne citer qu’eux.

Au cœur de la zone industrielle, les employés cravatés des groupes horlogers bravent l’averse orageuse. Ils pressent le pas pour se mettre à l’abri, tout en jetant un regard furtif sur les Laiteries Réunies. Ils ignorent peut-être que derrière les murs jaunes en béton se transforment plus de 360 produits alimentaires qui leur sont familiers: le brie (truffé ou pas), les tommes vaudoises et genevoises, le reblochon, le gruyère (pour l’affinage), les Panier de Yoplait, les briques de lait, le jambon en tranches Del Maître et les saucisses à rôtir via sa filiale carnée à Satigny (GE).

Mais les produits phares des Laiteries Réunies, ce sont les célèbres flans TamTam et les yogourts de la gamme Perle de Lait. Un véritable carton, puisque l’entreprise en écoule 1000 tonnes de chaque par année en Suisse romande.

Comment sont produits ces articles si connus des Romands? Pour le savoir, nous patientons sur le parking des Laiteries Réunies, faute d’avoir noté le code d’entrée. Là, des véhicules genevois et vaudois côtoient des automobiles immatriculées en France voisine.

On l’oublierait, mais l’entreprise est une coopérative qui compte quelques sociétaires français des zones franches de Genève. Il s’agit de 540 km2 entre les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie. Plus loin, au coin de l’entreprise, des employés tirent une dernière bouffée de cigarette avant de regagner la ligne de production.

Services secrets

Pierre Charvet, directeur général des Laiteries Réunies depuis 2012, nous accueille avec la bonhomie et l’énergie si caractéristiques des patrons qui se sont construits avec leur entreprise. Le sexagénaire a démarré aux Laiteries Réunies en 1974, dans l’ancienne usine de Carouge, à l’un des postes les plus pénibles: la pasteurisation.

«Un travail de nuit dans une chaleur étouffante, dit-il. Vous jugerez par vous-même.» Pierre Charvet nous conduit dans son bureau au deuxième étage. Le long du couloir, de petites niches où s’alignent les départements finance et ressources humaines, la comptabilité et le marketing. Le décor semble figé depuis les années 80.

L’innovation se cache ailleurs, au sein du service recherche et développement. C’est ici que s’élaborent notamment les recettes des produits laitiers. Dans le minuscule bureau, trois collaborateurs sont en pleine réunion. Ils planchent sur des nouveautés pour répondre aux attentes des grands distributeurs et aux envies du consommateur.

On aimerait en savoir plus. Les trois membres du service R&D sourient, mais se taisent. Pierre Charvet éclate alors de rire. «Ils vous révéleraient plus volontiers leurs coins à champignons que les recettes ultrasecrètes qu’ils ont concoctées.»

Et celle du TamTam? «La composition d’un TamTam, c’est du lait des Laiteries Réunies, du sucre et du caramel que l’on fabrique ici, répond Pierre Charvet. Nos produits se doivent d’être présents chez tous les grands distributeurs. Sinon, c’est la mort. Migros et Coop représentent 80% du marché. On ne brade cependant pas nos produits. Les prix de vente chez Aldi et Lidl sont comparables à ceux des autres clients.» Le directeur général ne nous dira pas sa marge. «Nous définissions bien les prix, mais je ne vous cache pas que l’on se fait serrer le kiki chaque année, lâche le directeur général. Pour tenir, il faut innover. C’est capital.»

Chaque début d’année, Pierre Charvet organise un comité scientifique avec les chimistes et vétérinaires cantonaux, des diététiciens ainsi que les cadres maison. Lors de ces séances, le directeur général prend connaissance des nouveaux produits à élaborer en fonction des dernières tendances. «Les normes sont très strictes.

Par exemple pour les produits du label Genève Région-Terre Avenir (GRTA), seuls les arômes naturels fraise et abricot sont utilisés. Il n’y a plus d’additifs ni d’agents conservateurs.» Et d’ajouter: «Nous avons un service qualité très pointu. Nous faisons très attention à toutes nos matières premières et à nos ingrédients. On se doit de respecter le consommateur. C’est indispensable si l’on veut pérenniser nos affaires.» Pierre Charvet ne cache pas que, à l’époque, c’était un peu moins strict. Cette ère est révolue.

Pour s’adapter aux nouvelles tendances des consommateurs et faire face aux normes de production, d’hygiène et de sécurité alimentaire toujours plus drastiques, les Laiteries Réunies modifient sans cesse les recettes de leurs produits laitiers «pour qu’elles soient les meilleures et les plus naturelles possible», souligne Pierre Charvet. Les yogourts sont fabriqués à base de lait, de crème et de lait concentré. «Nous produisons notre lait concentré par osmose.»

Un processus industriel qui débarrasse le lait à froid de son eau. Le résultat ressemble à un concentré que les laiteries incorporent au lait. «Cela va donner un yogourt très onctueux», comme les Perle de Lait, par exemple.

L’équilibre des bactéries

L’acidification qui assure la conservation s’effectue par une sélection rigoureuse des ferments lactiques. «Ce sont eux qui vont faire le yogourt. Ils développent les arômes et acidifient le yogourt en transformant le lactose.» Les ferments lactiques sont plus ou moins présents dans les recettes des yogourts. Tout dépend du résultat que l’on veut obtenir. «Nous travaillons sur cet équilibre de bactéries pour rendre le yogourt plus ferme ou plus onctueux», précise Pierre Charvet.

Chaque industriel a sa recette. Pour le Perle de Lait, il s’agit de bifidus actif, c’est-à-dire un yogourt enrichi en matière grasse et en protéines lactiques. «Cela donne une texture de produit remarquable.» Les Laiteries Réunies développent la recette Perle de Lait sous licence Yoplait pour l’adapter au «goût suisse» en le rendant plus onctueux, souligne le directeur général. En d’autres termes, la composition et la texture de ce yogourt diffèrent sensiblement selon l’industriel laitier qui le produit.

Pierre Charvet nous tend une blouse blanche, une charlotte et des protections pour les chaussures. Il nous conduit ensuite deux étages plus bas, là où tout se passe. Ce mardi est consacré à la production des flans TamTam et des Perle de Lait. Ils sont fabriqués du plus clair au plus foncé, c’est-à-dire du plus basique (le nature) au plus élaboré (goût mangue) en ce qui concerne Perle de Lait.

Passé le sas de désinfection, le changement d’ambiance est radical. L’air est filtré et climatisé. Il est 10 heures. Les camions ont livré le lait en début de matinée. Les premiers employés s’activent depuis

2 heures du matin. Pierre Charvet tient à nous montrer la production de tommes vaudoises et genevoises. Face à nous, c’est un ballet d’ouvriers qui s’activent à leur confection dans un calme olympien. Seul le bruit des machines industrielles perturbe leur concentration.

Gruyère, mozzarella, flans

A notre gauche, les palettes de tommes fraîches sortent des mains des artisans fromagers. Elles séjourneront une dizaine de jours dans des caves tempérées jusqu’à maturité. Puis elles passeront devant nous sur le tapis roulant pour rejoindre le contrôle qualité, l’étiquetage et le conditionnement. Les marques qui défilent sous nos yeux nous sont familières. Les Laiteries Réunies produisent chaque année 1400 tommes sous toutes leurs formes; nature, à la truffe, au cumin.

Pierre Charvet nous conduit vers les lignes de production des flans et des yogourts. Il en profite pour faire un détour aux caves à fromages, où les meules de raclette et de gruyère patientent. Le gruyère est donc genevois? «Il est produit par nos sociétaires dans le Jura vaudois. Nous nous occupons de l’affiner», répond le directeur général.

Nous bravons le vacarme des cuves de pasteurisation pour rejoindre l’atelier de réception du lait. Seul un employé y travaille à cette heure. C’est ici que Pierre Charvet a débuté aux Laiteries Réunies, il y a plus de quarante ans. Plus loin, deux employés confectionnent à mains nues les boules de mozzarella artisanale. Le taux d’humidité avoisine les 95%. Ils profitent de la présence du patron pour évoquer la qualité du lait livré ce jour. L’ambiance est familiale.

Le tutoiement se pratique souvent entre le directeur et ses 334 collaborateurs. Nous repassons par un sas de désinfection. Les effluves de caramel nous guident à destination. «Vous vouliez voir la recette des TamTam?» sourit Pierre Charvet. «Elle est là.» Il pointe du doigt trois cuves sur lesquelles on peut lire «poudre de lait», «sucre» et «poudre de cacao».

Au bas des escaliers, un ouvrier s’affaire sur la machine qui va fabriquer les flans. La production des TamTam caramel est terminée. Place au chocolat. Il faut tout réajuster. A gauche de la machine, les rouleaux de couvercles sont découpés. En dessous, le monstre d’acier perce les pots en plastique. Au centre, le liquide cacao s’écoule. Les pots sont refermés en bout de chaîne, puis filent sur un tapis roulant vers le conditionnement. A côté, la ligne de production des Perle de Lait s’active de la même manière. Il s’en écoule plusieurs milliers d’unités par jour.

Le périple s’achève derrière une dernière porte où la température chute à 4°C. Devant nos yeux, 14 000 m2 d’entrepôt où sont stockés les milliers de produits de l’entreprise. A l’extérieur, des camions patientent en attendant le chargement des palettes à destination des entrepôts régionaux et des grands distributeurs de Suisse. Pierre Charvet marque une pause et nous fait cadeau d’un fromage à pâte molle. C’est une nouveauté. Un produit baptisé Le Délice de l’Horloger. Un clin d’œil des Laiteries Réunies à leurs voisins Rolex, Vacheron Constantin et Patek Philippe.


Des Airs de multinationale

Le groupe Laiteries Réunies, entreprise suisse à structure coopérative, gère neuf sociétés filiales actives dans quatre secteurs d’activités.

Les Laiteries Réunies prennent désormais des airs de multinationale. Le groupe est propriétaire de neuf sociétés filiales actives dans quatre secteurs d’activités: le lait et les produits laitiers, la boucherie et la charcuterie, mais aussi le négoce et la logistique. En 2015, le chiffre d’affaires s’est élevé à 239 millions de francs, dont  17% du total sont représentés par le secteur laitier.

En tout, les Laiteries Réunies transforment 50 millions de litres de lait par an, produits par 7100 vaches de 63 exploitations réparties dans les cantons de Genève et de Vaud, ainsi que dans les zones franches du Pays de Gex et de Haute-Savoie.

Jusqu’en 2012, c’est le groupe lucernois Emmi qui avait la main sur la production des TamTam et des Perle de Lait. «Mais le développement des affaires s’est révélé plus complexe que prévu», se souvient Pierre Charvet, directeur général des Laiteries Réunies. Cette dernière reprend alors les parts d’Emmi en 2013 et décide de relancer le TamTam.

La première mesure consistera à remettre le petit Mexicain, symbole de la marque, sur les couvercles des pots. «Un carton en Suisse romande», souligne Pierre Charvet. TamTam fêtera ses 50 ans au mois de septembre prochain. Les célèbres flans inondent les rayons frais de Coop, de Migros, de Manor, d’Aligro. Le groupe vient aussi de conquérir d’autres distributeurs: Aldi et Lidl. 

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