Pascaline Minet
Un certain nombre de traitements contre les acouphènes sont aussi testés à Lausanne. Les explications de Raphaël Maire, responsable de la Consultation d’audiologie et otoneurologie.
Que proposez-vous à vos patients qui souffrent d’acouphènes?
Il n’existe pour l’heure pas de traitement à l’efficacité démontrée qui supprimerait ces sons parasites. Notre approche consiste donc à comprendre pourquoi ce symptôme relativement fréquent prend une importance démesurée chez certaines personnes. Nous leur présentons aussi des techniques permettant de s’en accommoder.
Une des plus efficaces est la thérapie cognitivo-comportementale: le patient apprend à repérer les facteurs psychologiques, sociaux ou médicaux qui aggravent sa perception de l’acouphène, et à mettre en place des stratégies pour y faire face. Dans certains cas, une approche psychanalytique peut aussi être envisagée, tout comme le recours à l’hypnose ou à la sophrologie.
Enfin, la thérapie d’habituation aux acouphènes ou TRT (tinnitus retraining therapy) consiste à équiper le patient d’un appareil auditif générant des bruitages qui lui permettent de se défocaliser de son acouphène. Ces diverses méthodes peuvent être combinées: l’objectif est de trouver le «mix» thérapeutique le mieux adapté à chaque patient. Nous parvenons ainsi à soulager la majorité des personnes.
L’objectif de la recherche est de faire disparaître pour de bon les acouphènes. Quelles sont les pistes les plus prometteuses?
Nous avons récemment participé à une étude portant sur un médicament destiné aux acouphènes aigus, survenus subitement à la suite d’une lésion des cellules auditives. La substance testée est un anesthésique. Injecté à l’intérieur du tympan, il agit au niveau des connexions entre les cellules auditives et les nerfs qui transportent l’information au cerveau.
Quelque 360 patients répartis entre plusieurs hôpitaux européens ont été inclus dans cet essai, dit de phase 3, qui consiste à comparer l’évolution du symptôme dans deux groupes, l’un ayant reçu le médicament et l’autre un placebo. Les analyses sont toujours en cours et devraient aboutir en début d’année prochaine. On saura alors si c’est une piste qui mérite d’être poursuivie.
Diverses études ont aussi évalué l’effet d’une stimulation électrique ou magnétique du cerveau.
Oui, mais elles ont donné des résultats contrastés. La stimulation magnétique transcrânienne fonctionne chez certaines personnes seulement. Au CHUV, nous avons exploré une voie analogue, basée sur une stimulation électrique. Des électrodes posées sur le crâne du patient génèrent un courant qui traverse le crâne et atteint le cortex auditif, l’objectif étant toujours de «resynchroniser» les zones trop actives.
Malheureusement, lors d’un essai clinique que nous avons mené avec cette technique il y a quelques années, nous n’avons pas pu démontrer un effet positif. Cet essai ayant été réalisé avec un courant électrique continu, nous ambitionnons maintenant de reprendre nos investigations avec un autre type de courant, dit alternatif. De bons résultats ont été obtenus avec cette approche dans le traitement de mouvements incontrôlés, ce qui nous encourage à l’essayer pour les acouphènes.
Alors, à quand l’arrivée de la thérapie anti-acouphène?
Je ne me risquerai pas à un pronostic, dans l’attente des résultats des essais en cours. Il ne faut de toute façon pas s’attendre à ce qu’on identifie une seule et unique thérapie qui fonctionnerait dans chaque situation. Les progrès accomplis ces dernières années dans la compréhension des mécanismes de l’acouphène nous ont enseigné que c’était un symptôme complexe, ayant de multiples ramifications dans le cerveau. Sa prise en charge continuera probablement, à l’avenir, de reposer sur une combinaison d’approches.