Interview. Chef du design du groupe BMW, Adrian van Hooydonk détaille la conception des prototypes Next Vision 100.
Pour un designer, y a-t-il une différence entre une voiture et une moto?
C’est différent. Quand vous dessinez une moto, 80% de ce que vous esquissez est de la technologie. Pour une voiture, vous avez des lignes et des surfaces qui cachent la technologie. Ces designs sont si différents que nous avons des équipes séparées, avec des compétences propres. Il est très rare qu’un designer fasse des allers-retours entre les deux teams.
Le design est-il entravé par les dispositions légales du moment?
En l’occurrence, nous n’avons pas eu besoin de tenir compte des exigences légales. On nous a demandé de regarder au-delà des actuelles législations. Nous espérons bien sûr que celles-ci s’adapteront à ce que nous suggérons comme pistes d’avenir. Pour les voitures autonomes, nous devrons prouver aux gouvernements que ces technologies sont la meilleure prévention contre les accidents. La même remarque s’applique au port obligatoire du casque à moto.
Le design est un moyen d’envisager l’avenir. Mais comment s’émanciper de la réalité actuelle?
Ce n’est pas si difficile. En ce moment, la réalité quotidienne dans nos studios de design est de concevoir les véhicules de 2020. Quand on nous a demandé de travailler sur les projets visionnaires que nous présentons en 2016, nous nous sommes retrouvés face à un défi. Notre base de réflexion n’était pas des véhicules actuels. Il fallait se projeter dans deux ou trois générations de véhicules. Mais un designer peut tenir compte de technologies encore immatures.
Est-ce motivant?
De tels projets sont d’excellents exercices intellectuels. Ce genre d’entraînement est indispensable. Regardez les sportifs de haut niveau: ils passent bien plus de temps à l’entraînement qu’en compétition. Pour les designers industriels, c’est le contraire. Nous ne sommes que dans la compétition. Nous avons des délais stricts, des lancements prévus. Nous n’avons pas le temps de nous entraîner.
Quel a été le point de départ du design de la moto Next Vision 100? Le design ou la technologie?
Notre approche a été différente. Nous avons commencé par discuter entre nous. Nous voulions concevoir quelque chose que notre clientèle n’a pas encore aujourd’hui. Pour nous, cela signifiait la suppression de beaucoup d’éléments contraignants. Et d’examiner ce que chaque marque de notre groupe a d’identitaire.
C’est à partir de là que le design et la technique se sont imposés. Pour la moto, il nous semblait important de supprimer la peur. Le seul moyen de l’éliminer, c’est de prévenir la possibilité d’un accident, lequel porte plus à conséquence sur deux roues que sur quatre. Un jour, mon équipe m’a appelé pour me montrer sa solution. C’était le système gyroscopique d’autoéquilibrage de la moto. C’était incroyable: la machine tenait toute seule sur ses roues!
Pendant longtemps, les motos ont été plus rudimentaires que les autos en termes de design et de technologie. Est-ce toujours le cas?
C’est le passé. Prenez notre Superbike S 1000 RR. Elle a des suspensions adaptatives, des contrôles de traction, différents modes de conduite; bref, cela commence à être une moto intelligente. Dans le même temps, nous avons lancé notre roadster rétro Nine T: un moteur Boxer refroidit par air et le strict minimum autour. Ce que je veux dire est que la technologie ne doit jamais l’emporter sur les sensations de conduite. Il faut préserver une simplicité d’usage.
Imaginer des solutions futuristes peut être contre-productif. Vous courez le risque de n’être pas cru. Fixez-vous des limites à vos anticipations?
Nous sommes conscients de ce danger. Nous voulons que le public trouve nos propositions d’avenir excitantes, mais aussi crédibles. Nous ne voulons pas franchir une ligne au-delà de laquelle nous tomberions dans la science-fiction. Il s’agit d’entrevoir un futur positif, mais aussi plausible.