Décodage. A l’occasion de ses 100 ans, BMW imagine ce que seront ses voitures dans quinze ou vingt ans. Mais aussi ses motos, qui s’équilibreront toutes seules. Difficile, pourtant, d’imaginer un deux-roues à conduite autonome. Pas dans l’esprit de l’engin…
L’équation n’est pas facile à résoudre: comment, dans la mobilité du futur, où la conduite sera déléguée à l’intelligence artificielle, se débrouilleront les deux-roues motorisés? «Je peux imaginer beaucoup de choses, mais pas une moto ou un scooter à conduite autonome. Ce qui ne veut pas dire que les deux-roues ne profiteront pas des développements de la mobilité numérique, surtout en ce qui concerne la sécurité», remarque Peter Schwarzenbauer, membre de la direction du groupe BMW.
Le constructeur bavarois est bien placé pour réfléchir à cet enjeu d’avenir: il fabrique aussi bien des motos et scooters que des automobiles sous les marques BMW, Mini ou Rolls-Royce.
A l’occasion de ses 100 ans, plutôt que de célébrer son passé, le groupe a décidé de se projeter dans quinze ou vingt ans. Mettant au défi ses ingénieurs et designers, qui travaillent d’habitude à une échéance de quatre ans, de sauter par-dessus plusieurs générations de véhicules pour imaginer les automobiles et deux-roues de 2030 environ.
Après avoir présenté en cours d’année 2016 un coupé sportif BMW, une petite Mini ou une hideuse Rolls du futur, toutes électriques, autonomes, connectées, voire partagées pour la Mini, le géant de Munich a dévoilé sa prévision de moto le 11 octobre à Los Angeles. Un lieu de circonstance, à la circulation congestionnée, mais dans une Californie laboratoire du monde de demain, dans des Etats-Unis qui sont, après l’Allemagne, le deuxième marché de BMW Motorrad.
La division moto du groupe produit aujourd’hui 136 000 deux-roues par année, avec pour ambition d’en sortir 200 000 à l’horizon 2020. Une paille dans la production mondiale de motos (14 millions d’unités par an), mais une position ferme en tête des marques premium.
Citations et références
C’est dans l’histoire de la marque que puise le prototype Vision Next 100. Son cadre noir triangulaire cite celui de la R32, la première moto commercialisée par BMW en 1923. Autre référence: les fameux cylindres à plat du moteur Boxer, qui cachent en l’occurrence un moteur électrique, ainsi qu’un système gyro-scopique qui équilibre la machine en n’importe quelle circonstance.
A l’arrêt, la moto tient toute seule, sans béquille. «Ce système d’autostabilisation aidera les débutants et permettra aux pilotes confirmés de repousser leurs limites», prédit Edgar Heinrich, responsable du design des motos BMW.
Pas de commandes ni d’instrumentations, nul besoin de porter un casque: selon la marque de Munich, la moto de 2030 sera si sûre que les équipements protecteurs seront superflus. Les informations, par exemple la navigation routière, seront projetées sur le verre des lunettes spéciales que portera le ou la pilote. Sa tenue sera plus élégante que les lourds accoutrements actuels. Et elle sera communicante, vibrant et clignotant par exemple lors d’un changement de direction.
Autant de paris pris sur l’avenir, à la réalisation hypothétique. Stephan Schaller, le patron de BMW Motorrad, concède que la vraie moto de 2030 ne ressemblera pas à cette étude effilée en fibres de carbone: «Mais on devrait retrouver quelques-unes de ses idées. Surtout en ce qui concerne la sécurité, notre objectif numéro un.
Produire à la fois des voitures et des motos facilite les transferts de technologies. Notre scooter est équipé d’un détecteur d’angle mort et notre routière six cylindres peut d’elle-même appeler les secours en cas d’accident. La moto a longtemps eu un retard technologique par rapport à l’automobile, mais l’écart se réduit.»
Assez pour éliminer chutes et collisions? «La moitié des accidents de moto est provoquée par l’inattention de conducteurs automobiles, poursuit Stephan Schaller. La connectivité entre véhicules sera ici essentielle: elle permettra de prévenir ces dangers, en l’occurrence en prévenant un automobiliste de la proximité d’un deux-roues. Son introduction est une affaire de quelques petites années.»
La grande évasion
Reste l’esprit de la moto, machine conçue pour les échappées belles, ou «la dernière grande évasion», pour reprendre l’expression d’Edgar Heinrich. «Notre exercice d’anticipation pose la question de ce qu’est une moto, note le designer. Un instrument de liberté, bien sûr, mais aussi l’une des dernières expériences analogiques dans un environnement toujours plus numérique.
Les objets mécaniques vont devenir de plus en plus des objets de luxe. Solliciter les sens, libérer l’esprit, ne pas s’encombrer d’un casque ou d’habits rigides, voilà la moto de demain… En fait, c’est un retour à la pratique de la moto en 1923, la sécurité en plus.»