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L’insolent succès de Holy Cow!, du burger au menu végétarien

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Jeudi, 20 Octobre, 2016 - 05:55

Ram Etwareea

Trajectoire. Lancé en 2009, le spécialiste du hamburger haut de gamme n’a cessé de croître. Un mouvement que le groupe PIQ, propriétaire de l’enseigne depuis 2014, a encore accentué, tout en se diversifiant. Il ouvre début novembre un vaste restaurant végétarien à Lausanne.

C’est la fin d’une époque. Ouvert en 1991, le mythique Atelier volant, restaurant-cabaret dans le quartier branché du Flon, à Lausanne, où plusieurs générations ont dansé sur de la musique latino, cède sa place au Bad Hunter. Exclusivement végétarien, ce nouveau venu dans le paysage de la restauration rapide sera inauguré le 3 novembre. Les travaux de transformation des 400 m2 sur deux étages, qui ont coûté 1,2 million de francs, sont à bout touchant.

Pour le plus grand bonheur de son directeur, Ian Young, un ancien joueur australien de base-ball de haut niveau, installé en Suisse depuis 2015. «Le restaurant disposera de 115 places, proposera une cuisine équilibrée, inventive et savoureuse à un prix raisonnable, explique-t-il tout enthousiaste. Un bar servira smoothies, jus de fruits, vin et bière bios.» Ironie du sort, le restaurant végétarien s’appuie sur le succès phénoménal de l’enseigne Holy Cow!, qui a fait découvrir le hamburger haut de gamme aux Suisses, une spécialité plutôt carnivore.

D’un comptoir à 60 enseignes en dix ans

Que de chemin parcouru entre le lancement du premier Holy Cow! et celui du Bad Hunter! Et ce n’est pas terminé: le groupe d’investissement suisse PIQ, qui chapeaute désormais les deux enseignes, mais aussi Burrito Brothers, Funky Chicken et Wawa’s Asian Kitchen, ne cache pas ses ambitions.

Sans aller dans les détails, il s’attend à une croissance de 50% en 2016 par rapport à 2015. Le nombre de ses salariés est passé de 211 en 2011 à 400 en 2016. Au total, le groupe vise environ 60 enseignes aux quatre coins de la Suisse d’ici à 2019, contre quinze aujourd’hui.

L’aventure a démarré au centre-ville de la capitale vaudoise en février 2009. Au départ, Richard et Jess Williams. Lui est originaire du Pays de Galles, elle vient de Nyon. Ils se sont connus à l’université, au Royaume-Uni, étudiants en développement international. Après avoir travaillé et bourlingué en Asie et en Amérique du Sud pendant deux ans, ils rejoignent le Fonds mondial, une institution basée à Genève et attachée à l’Organisation mondiale de la santé, qui lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

En matière de repas, l’ONU subventionne une grande cantine pour ses fonctionnaires. Pourtant, si l’on veut échapper à la routine, il faut facilement débourser une trentaine de francs par personne, eau et café compris. Sinon, il reste le Big Mac, le sandwich jambon-fromage avec sa feuille de laitue, ou encore le kébab. Des options moins onéreuses, mais pas du goût de Richard et Jess Williams.

Le Gallois repense alors à l’élevage familial dans son pays natal, à ses parents qui abattaient une vache pour disposer de viande au congélateur durant plusieurs mois. Il se rappelle surtout les hamburgers maison de sa mère, qu’elle accompagnait d’un confit d’oignons rouges. Il se souvient aussi d’avoir travaillé pendant quatre ans à Sydney, en Australie, dans un bar à fruits de mer gastronomique servant des produits à emporter, et des cours de cuisine suivis avec sa femme lors de voyages en Thaïlande et au Mexique.

Bref, tous les éléments sont réunis pour tenter l’aventure Holy Cow! Et le moment est particulièrement bien choisi: les burgers commencent à être à la mode.

Trop grand pour les deux fondateurs

Le succès de leur hamburger, avec ses 165 grammes de viande de bœuf grillée, est immédiat et retentissant. Entre 2009 et 2015, la petite idée s’est transformée en une véritable chaîne de restauration rapide, implantant des enseignes à Lausanne, puis à Genève, à Sion et à Fribourg, mais aussi à Zurich, à Lucerne et à Winterthour. Huit en tout. Trop pour Richard et Jess qui, avides d’autres aventures, cèdent l’entreprise au groupe PIQ en 2014.

Dans la foulée, l’entreprise reprend la gestion des deux restaurants Burrito Brothers existants et crée deux autres marques: Funky Chicken et Wawa’s Asian Kitchen. Pour la petite histoire, Holy Cow! propose déjà un hamburger végétarien fait avec un mélange de pois chiches, de lentilles et de flocons d’avoine. L’assaisonnement, dont la recette reste secrète, est rehaussé de fines herbes et d’épices.

Sur les quinze enseignes, Anne Frei, membre du conseil d’administration de PIQ, se dit particulièrement satisfaite de deux d’entre elles. «Nous sommes désormais partenaires du Montreux Jazz Festival, où nous proposons toutes nos marques sur une grande surface dédiée à l’alimentation, précise-t-elle. Le public aime notre concept: un repas rapide et sain à base de produits suisses.»

Puis, sur le modèle d’un food court, le groupe s’est installé au cœur du campus de l’EPFL. Holy Cow!, Funky Chicken et Burrito Brothers se partagent 300 m2 et assurent 800 repas par jour. «L’expérience avec une clientèle jeune, captive, pressée et ayant un budget limité est un plaisir quotidien, dit Anne Frei. Mais nous ne faisons aucune concession sur la qualité. La question d’importer le bœuf ou la volaille d’Amérique du Sud, où les prix sont pourtant plus compétitifs, ne se pose même pas.»

«Nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin», reprend Ian Young, qui a passé une semaine à Zurich, mettant la dernière main aux préparatifs avant l’ouverture, samedi dernier, du deuxième restaurant du groupe dans la ville. Ce nouveau Holy Cow! est installé sur 245 m2 à la Langstrasse. Pour poursuivre la conquête de la capitale économique suisse, c’est la Bahnhofstrasse commerçante qui accueillera le mois prochain un nouveau temple des hamburgers-frites. Sur 320 m2.

Nouveau créneau, les végétariens

Ce n’est pas tout: le groupe PIQ continue de se diversifier avec l’ouverture de son restaurant végétarien à Lausanne. Ainsi, les Vaudois en mal d’offre végétarienne de qualité n’auront pas à attendre 2018, date annoncée de l’arrivée de Tibits, la chaîne zurichoise qui prendra ses quartiers à la place du Buffet de la Gare de Lausanne. Non sans provoquer une controverse. «Notre initiative n’est toutefois pas une réponse à la concurrence, explique Anne Frei. Nous travaillons sur le projet depuis plusieurs mois selon nos principes de qualité et de proximité.»

Elle tient aussi à souligner que le groupe ne fait pas du militantisme en faveur du végétarisme, mais qu’il vient simplement augmenter la palette de choix des consommateurs. «La nouvelle offre correspond surtout à une tendance dans l’alimentation rapide, poursuit-elle. Tant aux Etats-Unis qu’en Europe, les consommateurs délaissent les viandes. Notamment en raison des méthodes industrielles d’élevage et d’abattage.» En Suisse, la consommation de viande par habitant et par an est de 52 kilos, mais tend à diminuer.

A titre de comparaison, un Américain en mange 75,5 kilos par an.

Laurence Margot, diététicienne et coordinatrice auprès de la Fourchette verte (Vaud), un label suisse qui promeut une cuisine équilibrée, confirme la nouvelle tendance alimentaire. «Manger moins de viande et de poisson est positif tant sur le plan de la santé individuelle que sur le plan écologique, dit-elle. Il conviendra de voir si la tendance va durer.» L’arrivée des restaurants végétariens réjouit la diététicienne: «Toutes les possibilités de manger des plats sains, goûteux et attrayants sont bienvenues.»

Lausanne, capitale mondiale?

«Lausanne est prédestinée à devenir la capitale mondiale de la cuisine végétarienne, prévoit Adil Nowbuth, fournisseur d’épices asiatiques à de nombreux restaurants dans l’arc lémanique. Selon lui, le Bad Hunter et Tibits donneront une impulsion au changement d’habitudes alimentaires déjà en cours chez une clientèle jeune et internationale. «Plusieurs grands chefs répondent à cette volonté et proposent des plats végétariens sur leurs cartes, poursuit-il.

Dès lors, les grandes surfaces ne peuvent ignorer le phénomène et offrent aussi des plats cuisinés végétariens.»
«Nous nous rendons aussi compte que d’autres populations, notamment en Inde, pays de la vache sacrée, ne mangent pas de viande ou de poisson, mais ne souffrent pas pour autant de carences alimentaires», dit le Mauricien établi de longue date en Suisse.

L’attrait des produits locaux

Holy Cow! restera toutefois l’initiative phare du groupe PIQ. Si l’adage «Le client est roi» tient toujours, une médaille d’or de fidélité devrait être décernée à Norman, jeune Neuchâtelois diplômé en sciences économiques, qui effectue ses jours son service civil à Lausanne. Pour son déjeuner de ce jeudi, il a opté pour un Classique (viande et fromage).

«C’est un rituel hebdomadaire, sourit-il en plongeant une épaisse frite dans le ketchup. Le prix est abordable – entre 13 et 20 francs le menu, qui comprend le hamburger, des frites et une boisson maison –, le service est rapide et le repas est bon. J’ai surtout la certitude que la viande de bœuf, les pommes de terre et les boissons sont produites en Suisse, le plus souvent dans de petites exploitations.» Le Neuchâtelois, comme des milliers de clients, est le garant du succès de la marque fast casual qui a révolutionné la scène de la restauration rapide en Suisse.

«Nous défendons aussi un critère de responsabilité sociale et environnementale de la façon la plus rigoureuse», expose Ian Young. Un argument de marketing facile pour séduire une clientèle jeune ayant un certain pouvoir d’achat et qui rechigne à aller chez l’américain McDonald’s? «Les faits sont têtus, répond le jeune patron. En tissant un lien étroit avec nos fournisseurs, nous assurons une traçabilité maximale de nos produits. Ce serait un comble si nous devions faire des compromis sur les valeurs qui constituent l’essence même de notre succès.»

Exporter le modèle suisse

Dans le restaurant lausannois à l’intérieur spartiate, le mobilier se limite à de rustiques tables et bancs en bois massif. «Bonjour, je m’appelle Michel. Je fais le pain pour Holy Cow!» Suspendue sur l’une des parois, l’image en noir et blanc d’un boulanger ne passe pas inaperçue. L’entreprise fait l’éloge de la proximité jusqu’au bout. Pour joindre l’acte à la parole, elle s’est engagée à acheter au moins un produit dans chaque canton. Une façon d’inclure la Suisse entière dans ses hamburgers.

Pour l’avenir, l’entreprise a adopté une stratégie d’intégration verticale «de la ferme à l’assiette». Plusieurs projets sont déjà envisagés: culture vivrière en aéroponie, propres marques de boissons, participation ou élevage propre dans la production du bœuf et du poulet. «Et, un jour, exporter notre concept d’alimentation saine et rapide sur d’autres marchés et démontrer que notre manière suisse d’exploiter peut être rentable, tout en favorisant la santé et le respect de l’environnement», affirme Anne Frei. 

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Vanessa Püntene
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