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André Crettenand: «Au pays de l’excellence et de l’exception»

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Jeudi, 27 Octobre, 2016 - 05:48

Décryptage. Directeur de l’information de TV5 Monde, André Crettenand jette un regard attendri sur une Suisse qui fascine autant qu’elle irrite à l’étranger.

La Suisse, pays sans histoire? En une centaine de pages brillamment enlevées, André Crettenand prouve le contraire dans un livre très personnel. Au gré de ses pérégrinations, il explique ces Helvètes aux mille paradoxes, eux qui vivent au cœur d’un continent mais qui refusent pourtant farouchement de participer à sa construction politique. «La Suisse, c’est le pays de l’excellence et de l’exception», résume-t-il.

L’opuscule est paru dans la collection L’âme des Peuples, aux Editions Nevicata, qui est dirigée par notre confrère du Temps Richard Werly. Il l’a créée en 2012 alors qu’il était correspondant à Bruxelles. «En pleine crise grecque, j’ai été frappé de voir à quel point une machine comme celle de l’UE pouvait ignorer la dimension culturelle et historique de ce pays», raconte-t-il. Il convainc un éditeur belge, Paul-Erik Mondron, de décrypter l’identité d’un pays dans un texte principal complété par quelques interviews et un glossaire.

Difficile de dire si les grands commis de l’Union européenne comprendront mieux la Suisse en lisant André Crettenand, qui en brosse un portrait ému et attendri, bien que tout en nuances. Ayant débuté au Journal de Genève avant de passer à L’Hebdo et à la TSR, ce journaliste vit désormais à Paris, où il assume la direction de l’information de la chaîne publique francophone TV5 Monde. Il ne cache pas que son exil parisien a modifié son regard sur son pays d’origine. «Quand on se regarde, on se désole; quand on se compare, on se console», explique-t-il.

Pas question, ainsi, de tomber dans l’autoflagellation ni dans l’autodérision de l’écrivain soleurois Peter Bichsel, qui a un jour déclaré dans une interview: «Les Suisses ne se comprennent pas, c’est pour cela qu’ils s’entendent bien.» «Trop court», tranche André Crettenand dans son livre.

Bien sûr, les Suisses sont loin d’être tous plurilingues dans ce pays aux quatre langues nationales. «Mais le côtoiement séculaire de ces langues a favorisé une attention bienveillante à l’autre, un apprivoisement de la différence, une ouverture constamment encouragée à d’autres cultures.»

Voilà pour le côté lumière d’un pays qui a probablement créé la démocratie la plus moderne d’Europe au XIXe siècle. La Suisse a aussi sa part d’ombre, dans laquelle elle se complaît «par discrétion et confort». Durant la Seconde Guerre mondiale, son mythe de la neutralité a été largement écorné par le rapport Bergier à l’heure de l’examen de conscience.

Plus tard, elle tombe dans une «incroyable dérive totalitaire» en fichant 160 000 de ses citoyens. Dont un certain André Crettenand, qui a eu le grand tort de fréquenter une amie polonaise qui deviendra plus tard sa femme. A Genève, le contrôle des habitants lui signifie un jour, en 1985, qu’il refuserait de lui délivrer une autorisation de séjour s’il ne s’engageait pas par écrit à renoncer à épouser cette amie. «Un chantage aussi ridicule qu’illégal.»

Un «paradoxe absolu»

L’invention d’une nation, proclame le sous-titre du livre. «Les Suisses ont su depuis toujours raconter une histoire qui rassemblât les siens et tînt les autres à distance», écrit encore André Crettenand. Guillaume Tell est une légende importée de Scandinavie, dont la première version imprimée date de 1507, à une époque où les Confédérés avaient déjà pacifié leurs relations avec les Habsbourg! Mais les Suisses sont fiers de cette histoire qui souligne si bien leur soif de souveraineté.

Une souveraineté en partie perdue, même s’ils refusent de le reconnaître. Les Suisses sont déchirés entre leur volonté de participer au processus de mondialisation économique et leur désir d’indépendance face à une UE dont ils jugent le droit communautaire de plus en plus envahissant. «C’est la raison pour laquelle les Suisses ont inventé le concept «d’adaptation autonome» dans leurs lois, un paradoxe absolu», relève l’historien Thomas Maissen dans l’interview qui clôt le livre. Bref: en eux subsiste le sentiment de rester libres! 

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