Faute de réglementations plus sévères, plusieurs entreprises de pompes funèbres à bas coûts convoitent le marché romand. Face à la multiplication d’erreurs, les autorités réagissent.
Si Genève repense sa loi pour exiger des entreprises funéraires qu’elles obtiennent l’aval du gouvernement, c’est notamment pour éloigner les nouveaux acteurs à prix cassés. Certains de ces «discounters de la mort» ont tenté une percée sur le marché romand, avant de péricliter.
En 2014, les déboires de l’entreprise funéraire low cost L’Autre Rive avaient choqué la profession. Cette association de pompes funèbres créée en 2013 ambitionne de répondre aux besoins des familles endeuillées les plus modestes, avec des prix d’enterrement qui permettent une économie de 2000 à 2500 francs par rapport aux entreprises traditionnelles. L’Autre Rive se lance d’abord dans les cantons de Genève et Neuchâtel. Son expansion n’ira pas plus loin, car la société de pompes funèbres multiplie les erreurs.
Certificat de crémation absent
Au mois d’octobre 2014, une femme accouche à Genève. Le bébé décède deux jours plus tard. Jean-Luc Michel, qui préside l’association, vient chercher le corps qui, selon les volontés des parents, sera incinéré. Les parents reçoivent l’urne deux semaines plus tard. En janvier 2015, les parents décident d’inhumer leur enfant à Lausanne. Comme le rappelait à l’époque Le Matin Dimanche, le centre funéraire de Montoie exigeait de leur part un certificat de crémation qu’ils n’ont jamais reçu.
Jean-Luc Michel est sommé par le centre funéraire et le médecin cantonal vaudois de produire ce document. Le président de L’Autre Rive ne le fait pas. Quelques jours passent et les parents reçoivent une nouvelle urne, ainsi que le certificat de crémation. Les parents comprennent tout de suite que la première urne n’était pas la bonne. Elle contenait les cendres d’un inconnu.
Ces faits dramatiques ne sont malheureusement pas des cas isolés. L’Autre Rive a aussi connu des déboires avec la commune de La Chaux-de-Fonds. Le règlement du cimetière communal exige de vêtir le corps pour une crémation et de l’allonger sur un lit de copeaux ou de laine de bois. L’entreprise funéraire low cost s’est passée des habits et des copeaux. Elle a reçu un avertissement.
A Genève, des employés de L’Autre Rive n’ont pas réussi à placer le cercueil dans la fosse. Ce sont des employés communaux qui ont dû s’en charger. A la suite de ces manquements, les communes de Plan-les-Ouates et de Genève ont décidé de boycotter l’entreprise.
Plainte déposée
La Ville de Genève a également interdit à L’Autre Rive d’utiliser les installations du centre funéraire et crématoire de Saint-Georges. La raison? L’association ne s’était pas annoncée auprès du Département de la sécurité. La loi l’exige pourtant.
L’Autre Rive est en poursuites dans le canton du Valais pour ne pas avoir payé le prix de deux crémations au centre funéraire de Sion. Elle n’a plus le droit d’y exercer.
Retour à Lausanne où les parents du bébé décédé ont déposé plainte pour diffamation. Dans le canton de Vaud, où la réglementation des entreprises funéraires est la plus stricte, le procureur général Eric Cottier s’est saisi du dossier. Jean-Luc Michel devra répondre d’atteinte à la paix des morts, d’escroquerie et d’infraction à la loi sur la santé publique. L’audience devant le Tribunal correctionnel de Montbenon s’est tenue ce jeudi 27 octobre.