Reportage. Le photographe suisse d’origine afghane a suivi pendant huit jours le démantèlement du camp de migrants en France, une «opération humanitaire» aujourd’hui achevée, mais qui laisse nombre de questions en suspens. Zalmaï témoigne ici de la destruction forcée du grand bidonville, mais aussi de l’angoisse et de l’incertitude ambiantes.
«Ma maison a brûlé en Afghanistan, elle brûle encore ici…» lâchait, désabusé, un jeune réfugié devant le triste spectacle de sa tente en feu, l’autre jour dans la «jungle» de Calais. Il s’adressait en pachtoune à notre photographe Zalmaï, lui aussi d’origine afghane, qui a suivi pendant huit jours le démantèlement du plus grand bidonville de France. Un constat d’autant plus cruel que les Afghans, qui constituaient la plus grande communauté du camp de migrants, ont été accusés par les autorités régionales d’avoir bouté le feu «par tradition» à leurs logements de fortune.
Les 5000 adultes évacués vers des camps d’accueil répartis dans toute la France, restent encore sur place 1500 mineurs logés dans des containers. François Hollande a promis que ces adolescents seront prochainement accompagnés dans des structures spécialisées, où leurs cas seront examinés par les officiels britanniques.
des destins incertains Zalmaï a été frappé par le sort de ces mineurs esseulés, qui ne bénéficient plus de la protection et des conseils des adultes de la «jungle». Mais les autorités peinent souvent à déterminer leur âge. L’un d’entre eux a raconté au photographe avoir été sorti de force d’une file devant un centre d’enregistrement, sur la seule foi de son visage marqué par des mois d’errances et de privations, ainsi prématurément vieilli.
Alors que les autorités françaises se félicitent d’une opération – très médiatique – menée sans heurts majeurs, le destin de milliers d’Afghans, Soudanais, Erythréens, Ethiopiens ou Libyens évacués de force reste incertain. «La majorité d’entre eux, après avoir été renvoyés par plusieurs gouvernements européens avant d’échouer à Calais, craignent maintenant d’être reconduits de force dans leur pays d’origine», note Zalmaï. Son reportage montre avec acuité l’inquiétude ambiante lors de l’opération de destruction de la «jungle» de 18 hectares, désormais achevée.
En moins d’un an, la France aura accueilli à Calais 13 000 migrants relevant du statut de réfugiés et désireux de rejoindre la Grande-Bretagne. Le pays a présenté le récent démantèlement comme une «opération humanitaire». Alors même qu’il est à l’origine de la création de ce camp en avril 2015.