Nicolas Dufour
Eclairage. L’île du Nord s’est installée sur la carte mondiale des séries avec deux fictions, «Meurtre au pied du volcan» et «Trapped», qui exploitent à merveilleson cadre lunaire, et rude.
Bien sûr, au loin, on discerne le volcan, un cône imposant, avec ses flancs saupoudrés de neige. Il domine le paysage au milieu de la lande sévère et des lacs qui la trouent. Le crime s’insère au milieu de cette nature belle et froide, comme si elle l’engendrait.
C’est le cadre de la série Meurtre au pied du volcan, ou «Lave» (Hraunið), montrée l’année passée par Arte et récemment proposée à nouveau par 13ème Rue. Avant l’arrivée de Trapped cette année, cette fiction a ajouté l’Islande sur la carte des triomphes nordiques en matière de séries TV.
L’île en produit pourtant depuis longtemps. Elle a même ses originalités, telles que Pressa, en 2007, qui racontait la périlleuse investigation criminelle d’une journaliste; ou Réttur (Case, 2009), froide histoire de bataille d’avocats dans les immeubles de béton et de verre sur le front de mer de Reykjavík. Ces fictions n’avaient toutefois pas dépassé le cercle des spectateurs nationaux, ou des fervents grâce au DVD. Meurtre au pied du volcan a élargi l’audience de la création islandaise, apportant en sus son cadre naturel grandiose.
Car les auteurs et réalisateurs ne lésinent pas sur les décors. Pressa ou Réttur se jouaient dans un cadre urbain, c’est-à-dire au milieu des 4x4 de Reykjavík, avec pour emblèmes le bâtiment familier et sympa du Parlement, ainsi que l’église qui veille sur la ville. Avec ce crime sous le volcan, et même si la cime en question est loin du lieu du drame, les concepteurs ont voulu mettre en valeur le patrimoine local: montagnes en majesté, terre de lave noire et plans d’eau que l’on devine glaciale.
Il y a eu un précédent. Meurtre au pied du volcan a pris la suite de Hamarinn, ou The Cliff, au point d’en être présentée comme la deuxième saison – hors des pays du Nord, certains ont d’ailleurs confondu les deux séries. En 2009, The Cliff suivait un tandem de policiers investiguant sur un crime ayant eu lieu dans le décor d’un chantier sur la lande. Ce point de départ permettait d’installer cadavre et enquêteurs dans les étendues d’herbe vert sombre, au milieu des champs de pierres, loin de la capitale.
L’ Esthétique, un moyen de se différencier
Le nouveau chapitre pousse le principe plus loin. Dans Meurtre au pied du volcan, la victime, un banquier douteux, vit dans une demeure luxueuse, aux lignes épurées, dans la région de Snæfellsnes, au pays du volcan. L’architecture hypermoderne, tout en angles droits, de la demeure s’insère dans cette nature sauvage. C’est, au premier coup d’œil, une esthétique islandaise qui impressionne le spectateur – même si on peut trouver la série tirée par les cheveux, avec son détour par un gang de motards.
L’usage du contexte naturel pour accroître le séduisant exotisme de l’histoire constitue une vieille pratique. Les séries en jouent désormais à merveille. D’abord pour se distinguer, alors qu’elles sont toujours plus nombreuses, et qu’elles circulent davantage dans le monde. Parfois, le décor façonne le cœur même du propos; on n’imagine pas Bron/Broen (The Bridge) sans le pont de l’Øresund, entre Copenhague et Malmö.
Le génie islandais réside peut-être dans sa franchise. Montrée cet hiver par la même Arte, publiée en DVD, la brillante Trapped joue de la rudesse naturelle, propre aussi à l’île. C’est parce que la petite cité côtière de Trapped est piégée par une tempête de neige que le drame se noue, avec un cadavre déchiqueté apparu dans la baie, un commandant de navire de croisière crapuleux et, dans la petite communauté, quelques destins brisés.
Cette fois, le vent, la neige, le froid n’épargnent pas héros et spectateurs, comme une autre dimension de l’inépuisable bassin naturel islandais.