Interview. Dans son ouvrage «Les 4 saisons de la bonne humeur», le psychiatre Michel Lejoyeux propose des techniques pour garder le moral: manger des cornichons, faire du pain, écouter Mozart...
Dans votre livre précédent, «Tout déprimé est un bien portant qui s’ignore», vous donniez déjà des recettes pour doper son moral. Avec ce nouvel ouvrage, vous allez plus loin…
Je voulais sortir de l’idée fataliste qu’on est programmés pour être de bonne ou de mauvaise composition. La bonne humeur, ça se construit et ça s’entretient, tout comme sa forme physique. J’avais envie de disposer du plus grand nombre de techniques possibles pour y arriver, sans entrer dans de grandes et longues réflexions…
Le divan, très peu pour vous?
Je n’oppose pas l’approche psychanalytique et l’approche pratique, les deux ne sont pas incompatibles! Je dis simplement qu’il existe des choses simples, validées par la science, qui mettent de bonne humeur. On a accepté il y a longtemps que certains aliments sont bons pour le cœur, osons dire qu’il y en a qui sont bons pour le moral. C’est vrai qu’autour de nous, tout porte à avoir le cœur lourd: la mauvaise météo, les élections… La pression collective fait qu’on devrait tous être catastrophés. Mais c’est faux! Nous avons le droit d’aller bien.
Que peut-on faire pour stimuler sa bonne humeur?
La science a démontré que, pour être de bonne humeur, notre organisme produit de la sérotonine. Or, ce processus est ralenti lorsque nous manquons de vitamine D. En été, la peau en fabrique quand elle est en contact avec le soleil. Mais, en hiver et en automne, c’est moins le cas.
A l’époque, on donnait aux enfants de l’huile de foie de morue… C’est assez désagréable. Aujourd’hui, il suffit de manger régulièrement des sardines et des maquereaux pour avoir plus de sérotonine, l’hormone de la bonne humeur. Manger des cornichons est aussi très efficace, tout comme boire du thé chaud.
Du thé chaud?
Trois tasses de thé par jour divisent par deux le risque de déprime hivernale, car le thé aussi permet au corps de fabriquer de la sérotonine et diminue le taux d’adrénaline. En plus, tenir sa tasse chaude dilate les vaisseaux situés au bout des doigts, reliés au cerveau. C’est un geste très réconfortant.
Comment lutter contre la déprime hivernale?
Le seul danger de l’hiver sur l’humeur n’est pas la température: c’est la sédentarité. Quand il fait froid, nous avons tendance à rester au chaud. Or, c’est la seule chose qui peut nous rendre malade! Des chercheurs ont montré qu’après six minutes de marche rapide, les personnes testées avaient 30% d’émotions positives de plus que celles qui étaient restées immobiles. Pour une raison simple: bouger mobilise les endorphines, considérées comme les morphines du cerveau. Six minutes par jour suffisent à améliorer son moral!
Dans votre livre, vous donnez aussi des conseils plus originaux, comme celui de faire son pain…
D’abord, le pain fait maison contiendra moins de levure que les pains industriels; il sera donc plus digeste. Et puis c’est une expérience qui invite à la méditation; on prépare, on malaxe la pâte, on est concentré sur la farine. Notre esprit ne divague pas, on est fixé sur l’instant présent. En plus, c’est une activité dont on voit le résultat rapidement. Voir le pain gonfler remonte aussi l’estime de soi. C’est véritablement euphorisant.
Ces techniques permettent-elles d’éviter les médicaments?
Mon livre est pour les bien portants et ceux qui souhaitent le rester. Je suis professeur de médecine, je ne veux pas que ce livre soit perçu comme antimédical. L’idée n’est pas d’arrêter son traitement si celui-ci fonctionne. Il y a des cas où la mauvaise humeur se transforme en perte de capacité. Et, là, c’est la maladie qui commence. C’est toute la différence entre la prévention et le traitement. Comme en cardiologie: on sait que le mode de vie garantit la bonne santé des vaisseaux, mais en cas d’infarctus il faut soigner!
Vous dites aussi que la musique est bonne pour le moral…
Des études ont révélé les effets objectifs de la musique sur le cerveau et sur le cœur. Toutes les mélodies ne font pas cet effet. Moi, ma drogue personnelle, c’est la Marche turque de Mozart, surtout quand elle est jouée par le pianiste Christian Zacharias.
Le deuxième air dont les scientifiques ont prouvé l’efficacité sur l’humeur est le Concerto pour piano de Tchaïkovski. Mais la musique classique n’est pas la seule à nous faire du bien. Le morceau Take Five, de Dave Brubeck, stimule les émotions positives. Mais, attention, il ne faut pas le mettre en fond, il faut se concentrer en l’écoutant pendant au moins dix minutes.
A contrario, quelles activités nous mettent de mauvaise humeur?
Nous pensons souvent que fumer et boire de l’alcool nous font du bien, nous détendent. C’est faux: sur le moment, cela fonctionne mais, très vite, cela déprime.
Et les siestes?
En hiver, les siestes et la grasse matinée sont toxiques, car il n’y a pas assez de lumière, au réveil, pour que le cerveau se resynchronise. En plus, cela perturbe les rythmes de sommeil. Donc, en ce moment, je dirai que se lever tôt est meilleur pour le moral.
Quelle est votre recette secrète pour rester de bonne humeur?
Par exemple, je vais au musée. Mais plutôt que de courir de toile en toile, je prends un quart d’heure pour me fixer devant une œuvre et je commence à méditer devant. Chez moi, cela fait fonction de psychothérapie.