Dejan Nikolic
Eclairage. Un an après un premier Forum sur la cybersécurité, des entreprises du canton se sont réunies autour de la blockchain. Objectif: décoder cette technologie, avec pour perspective de surfer sur la vague disruptive.
Le dernier Forum de l’économie numérique à Genève? Une rencontre du troisième type, entre des PME du bout du lac et la blockchain. La manifestation, qui s’inscrit dans la continuité d’un premier rendez-vous pris l’année dernière sur le thème de la cybersécurité, avait pour objet, vendredi dernier, de mieux comprendre une technologie censée chambouler les systèmes économique, politique et social existants (lire "Comment la blockchain veut changer le monde").
Soit une nouvelle ère numérique qui promet d’«ubériser» Uber, mettant au passage au chômage les métiers de contrôleur de gestion, de notaire, d’auditeur et autres comptables.
L’événement, qui se veut comme le prolongement de la stratégie économique cantonale pour 2030, a réuni quelque 270 participants. Des adorateurs du progrès, des sceptiques face au potentiel disruptif des chaînes de blocks et des entrepreneurs attentifs à ne pas rater le prochain virage technologique.
Yves, employé d’une banque privée de la place, est resté sur sa faim. «Je suis venu par curiosité, avec quelques notions en tête. J’en ressors en n’ayant pas tout compris et avec plus de questions qu’en arrivant», confie-t-il, déterminé à creuser davantage le sujet. Isabelle Piccard, représentante d’une association de conseil, se dit, quant à elle, moins confuse grâce à ce colloque. «Je me suis inscrite en ne connaissant rien à la blockchain. Je suis à présent plus à l’aise pour en parler lors d’un échange professionnel prévu l’année prochaine.»
Et son voisin Pedro, ingénieur de formation, actuellement en recherche d’emploi, d’ajouter: «D’une idée vague de ce qui peut être accompli via cette technologie, le public a pu obtenir des exemples concrets. Cet événement m’a permis d’identifier plusieurs pistes intéressantes, liées notamment à la transition vers la blockchain, qu’il s’agira d’accompagner.»
La blockchain est un registre numérique décentralisé, composé d’un vaste réseau de serveurs participant volontairement au dispositif. Cette base de données ouverte au public recense tous les échanges effectués entre les utilisateurs depuis sa création. Le système de consensus – chaque ordinateur connecté détient une copie du journal – est réputé incorruptible. Ou presque.
Révolution ou évolution?
«Même si l’on ne peut pas ignorer le développement de la blockchain, son utilisation à large échelle n’est pas pour tout de suite», estime Thomas Zeeb, directeur général de SIX Securities Services. Selon plusieurs spécialistes en la matière, la tendance actuelle est d’exagérer le potentiel de cette technologie – encore immature, énergivore et qui pose des défis en matière de réglementation – d’ici à deux ans.
«Mais il ne faut pas sous-estimer ses effets dans dix ans. Nous sommes face à l’une des plus profondes avancées depuis l’avènement du web», affirme le professeur Jean-Henry Morin, de l’Université de Genève. Raison pour laquelle les banques genevoises, notamment, investissent «beaucoup de temps et d’argent pour se préparer à une disruption significative de la place financière à l’horizon 2025», imagine Steve Krieger, directeur de projet chez Pictet.
Henri Severac, entrepreneur 2.0, se veut encore plus spécifique: «La blockchain est une solution possible et non pas LA solution applicable à tous les domaines.» Alors, révolution technologique ou, comme le pense Pierre Brévaux, informaticien de son état, évolution numérique? «La prudence doit être de mise: l’électricité n’a pas été inventée par processus d’amélioration de la bougie», nuance Pierre Kaufmann, responsable chez IBM.
La start-up genevoise Gmelius utilise déjà la blockchain pour certifier l’authenticité de courriels. «Nous avons pour l’heure 300 000 utilisateurs. Notre croissance est de 20% par mois», conclut son fondateur, Florian Bersier.