Anouch Seydtaghia
La technologie peut exclure. Et cela peut avoir une cascade de conséquences. «J’étais récemment à la poste et j’ai entendu une femme, pourtant d’une trentaine d’années, dire à l’employé qu’elle avait essayé de faire dévier son courrier via l’internet, mais qu’elle n’y était pas parvenue», raconte Zeynep Ersan Berdoz, directrice de la rédaction de Bon à savoir.
«De plus en plus, les entreprises poussent leurs clients à effectuer eux-mêmes des opérations en ligne, sous peine de leur faire payer davantage. Une demande de réexpédition de courrier à l’étranger coûte 30 francs sur l’internet… et 42 francs au guichet…»
Le problème est le même pour les factures papier, que toujours plus d’entreprises, d’UPC à Mastercard, facturent à leurs clients. «Cela pénalise doublement ceux qui ne maîtrisent pas les outils de communication numérique: ils ne peuvent recevoir des factures par e-mail et doivent, en plus, payer pour les recevoir sous forme papier», déplore Zeynep Ersan Berdoz.
Autre exemple, les CFF. «Récemment, la direction a indiqué qu’il n’y aurait pas de nouvelle génération d’automates pour vendre les billets. Cela signifie que les clients seront de plus en plus incités, voire contraints, à utiliser l’application pour smartphone», poursuit la directrice de la rédaction de Bon à savoir. Or, l’application des CFF – même la plus récente – est jugée peu intuitive. Pro Senectute propose un cours à ce sujet. Et même Swisscom lui consacre un module sur deux heures.
La télévision, plus compliquée… Qui dit évolution des technologies dit augmentation des possibilités. On le voit bien sûr avec les smartphones, des machines à tout faire incomparables avec le Nokia 3210 de la fin des années 1990. C’est aussi, par exemple, le cas avec la télévision. Si Swisscom donne un cours (gratuit, celui-ci) pour son offre TV, ce n’est pas seulement pour fidéliser ses clients.
C’est aussi parce que la télévision numérique est bien plus compliquée à utiliser que la télévision analogique: deux télécommandes au lieu d’une, un boîtier à mettre à jour (et parfois à remplacer), de nouvelles fonctions ajoutées en permanence… «Le cours pour la télévision a beaucoup de succès…» glisse Ricky Papic, formateur à la Swisscom Academy de Lausanne.
Et ce n’est pas tout. Il y a aussi ces entreprises qui offrent des avantages plus nombreux à leurs clients actifs dans le monde numérique. Prenons ainsi l’application Migros pour smartphone: il arrive que certains coupons de réduction ne soient pas disponibles sous forme papier, mais uniquement de manière virtuelle. Cela crée un léger déséquilibre en faveur de ceux qui maîtrisent les nouvelles technologies.
Effectuer ses paiements via son smartphone, en scannant notamment les numéros de référence avec l’appareil photo, peut être très facile. Mais cela demande aussi de maîtriser un nombre de paramètres importants: gérer une double authentification par mot de passe et code, scanner correctement le bulletin de versement, savoir poursuivre ses opérations sur ordinateur pour des versements complexes…
Restée un moment au côté du formateur de Swisscom, Jocelyne* jubile: «Je viens de réussir, il y a quelques jours, à faire pour la première fois des opérations d’e-banking! De toute façon, si l’on ne s’adapte pas, on est foutus…» «Bravo!» répond le formateur. «Bon, j’ai vu ensuite que j’avais fait tous mes paiements à double… Ça me fera moins à payer le mois suivant…» sourit Jocelyne.
* Prénom d’emprunt