Julie Zaugg & Clément Bürge
Interview. Eric Balet, responsable de Téléverbier, a noué de nombreux contacts avec des stations chinoises. Il détaille les avantages et les écueils de ce genre de collaborations.
Pourquoi les Chinois s’intéressent-ils aux stations de ski suisses?
Ils cherchent à nouer des partenariats avec des stations connues afin de profiter de leur renommée et de leur expertise. Nous avons tout à leur apprendre: comment monter une station de ski, comment gérer le débit des skieurs, où mettre les routes et les hôtels, comment garantir la sécurité des remontées mécaniques, comment damer une piste ou secourir un skieur blessé.
Certaines stations chinoises utilisent des technologies, comme les pylônes en béton, que nous n’employons plus depuis trente ou quarante ans dans les Alpes. Ils sont aussi intéressés par des possibilités de co-branding entre nos stations et les leurs, comme des offres d’abonnements combinés.
Pouvez vous donner un exemple de conseil fourni aux Chinois?
Je leur ai dit de promouvoir en premier lieu le snowboard, car il s’agit d’un sport plus facile. On peut avoir du plaisir déjà après une semaine d’apprentissage, alors qu’il faut en moyenne cinq ans pour atteindre le même niveau en ski. La plupart des amateurs de sports d’hiver chinois sont débutants et adultes: ils ne sont pas prêts à consacrer autant de temps à un sport.
Comment la Suisse va-t-elle en profiter?
Le ski est un sport mature. Son potentiel de croissance est faible. En Suisse, il s’agit même d’une activité en déclin. La multiplication des familles recomposées, le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre d’expatriés ont porté un coup au modèle traditionnel du chalet qu’on fréquente tous les week-ends. Les cantons dont les finances sont dans le rouge et les enseignants qui ont davantage peur des accidents, ou ont des sensibilités écologiques plus poussées, ont aussi eu un impact négatif sur les camps de ski scolaires.
A cela s’ajoute la baisse du nombre de touristes étrangers dans le sillage du franc fort. Face à ces défis, la Chine fait figure d’eldorado pour les stations de montagne suisses. Imaginez, si seulement 1% des Chinois se mettent au ski, cela représente déjà 14 millions de visiteurs potentiels. Zurich et Berne sont parvenus à remplacer une partie des touristes allemands perdus aux dépens de l’Autriche par des Chinois. Nous aimerions faire la même chose.
Y a-t-il aussi des risques pour les stations helvétiques?
Il y a eu beaucoup de promesses ces dernières années de la part des Chinois, mais on attend encore de les voir concrétisées. Et même quand elles le sont, les montants en jeu sont souvent minimes. La Compagnie des Alpes a par exemple conclu un contrat avec une station chinoise qui ne lui rapporte pas plus de 30 000 euros. Les Chinois sont très intéressés par notre savoir-faire, mais ils ne sont pas prêts à lâcher beaucoup d’argent pour l’acquérir.