Enquête. Aux Etats-Unis, comme en Europe et en Suisse, de plus en plus d’étudiantes se tournent vers des sites qui leur permettent de rencontrer un homme plus âgé. Qui devient leur bienfaiteur attitré.
Mandy avait 20 ans quand elle s’est inscrite sur le site SeekingArrangement, en 2014. Cette jeune femme souffrant de dépression avait décidé de faire une pause dans ses études et peinait déjà à joindre les deux bouts. Elle ne tarde pas à recevoir des messages. L’un d’eux retient son attention: il vient de Brian *, un producteur de musique électronique de près de 40 ans qui vit à Los Angeles. Il devient son petit ami.
SeekingArrangement n’est pas une plateforme de rencontres comme les autres. Son activité consiste à mettre en relation des jeunes femmes en difficulté financière – des sugar babies – avec des hommes plus âgés prêts à leur donner un coup de pouce pécuniaire – des sugar daddies.
«Brian m’a payé un appartement sur Hollywood Boulevard, il s’acquittait de mes factures, m’emmenait faire des croisières de luxe et réglait mes virées shopping», se souvient cette Californienne aux longs cheveux blonds. Durant deux ans, elle vit de ses largesses. Les avantages ne sont pas que financiers. «Il m’emmenait aussi en backstage lors des concerts de musique électronique et venait me chercher en Ferrari.»
Mandy appartient à une cohorte grandissante de jeunes femmes qui ont fait le choix de devenir sugar babies. SeekingArrangement, créé en 2006 par Brandon Wade, un ingénieur du Nevada, compte 5,5 millions d’usagers. La majeure partie se trouve aux Etats-Unis, mais il y en a aussi en Europe, au Canada, en Australie et en Chine. Et même une poignée (15 123) en Suisse. Il existe aussi d’autres sites, à l’image de SugarDaddy-Meet, SugarDaddyForMe, SugarDaddie ou Sugardaddy-Switzerland.ch.
Qu’est-ce qui pousse ces jeunes femmes à choisir ce genre d’arrangement? «Elles ont 25 ans en moyenne et plus de la moitié sont des étudiantes», détaille Angela Jacob Bermudo, porte-parole de Seeking-Arrangement. Aux Etats-Unis, où la dette moyenne d’un universitaire atteint près de 30 000 dollars, la perspective de se faire beaucoup d’argent très vite a de quoi séduire. «Certaines bénéficient du réseau professionnel de leur sugar daddy pour trouver un emploi au sortir de l’université», précise-t-elle. D’autres obtiennent qu’il investisse dans leur start-up.
Des hommes suroccupés
«D’autres sont simplement à la recherche d’un bon parti, d’une situation financière stable», précise Steve Pasternack, fondateur de SugarDaddie. C’est le cas de Sylvia, une jeune femme de 31 ans qui travaille comme traductrice à Miami. «Je fréquente un sugar daddy dans la quarantaine qui travaille dans la finance depuis quatre mois, relate-t-elle. J’espère que nous allons rester ensemble, peut-être même nous marier.»
Du côté des sugar daddies, ce genre d’accommodement est prisé pour son côté pratique. «La plupart ont des horaires de travail très chargés et voyagent beaucoup, relève Angela Jacob Bermudo. Ils n’ont pas le temps d’entretenir une vraie relation amoureuse.» Il y a beaucoup de médecins, d’avocats, de banquiers et d’entrepreneurs. Sur Seeking-Arrangement, leur revenu moyen s’élève à 275 800 dollars.
Cultivée, disponible à toute heure et peu encline aux crises de jalousie, la sugar baby représente la solution idéale. Contrairement à une prostituée, ils peuvent l’emmener à un dîner d’affaires ou la présenter à leurs amis sans qu’elle commette de faux pas.
L’arrangement financier entre une sugar baby et son bienfaiteur est en général discuté à l’avance, et parfois même formalisé dans un contrat. Il peut prendre la forme d’une pension mensuelle, en général d’environ 3000 dollars, ou de petits «cadeaux» réguliers. «J’ai reçu une paire de chaussures Louboutin, une montre intelligente, des sacs à main, un séjour au Costa Rica et un cours de plongée», détaille Sylvia. Le prix moyen pour un premier rendez-vous avec une sugar baby s’élève à 500 dollars. Certaines se font jusqu’à 300 000 dollars.
L’accommodement n’est pas dépourvu de risques. Le sugar daddy met sa réputation en jeu en payant pour les faveurs d’une jeune femme qui pourrait le faire chanter. En choisissant une relation fondée sur l’argent, la sugar baby se met, quant à elle, à la merci d’un homme qui pourrait abuser de son pouvoir sur elle, voire se montrer violent. Parfois, il ne remplit pas sa part du contrat, promettant des cadeaux avant de se rétracter après avoir obtenu des faveurs sexuelles. On appelle cela un salt daddy.
* Prénom d’emprunt
