Eclairage. La photographe lausannoise Anne Voeffray unit une pratique personnelle à, désormais, l’enseignement de la «photothérapie».
Que la pratique de la photographie puisse être une thérapie personnelle n’étonnera personne. Surtout à l’époque du selfie érigé en langage de communication universelle. L’autoportrait ludique ou compulsif, smartphone tendu devant son visage, ne repose-t-il pas aussi sur la quête d’une meilleure estime de soi? Sur la tentative de superposer une image subjective – celle que l’on se fait de soi-même – avec l’image objective que nous renvoie l’écran?
La photocatharsis est bien l’une des propriétés du médium. Elle figure désormais parmi les techniques de l’art-thérapie, à côté du dessin ou de la sculpture. Mais l’art-thérapie sépare le geste créateur du diagnostic posé par les thérapeutes. D’un côté le patient, de l’autre le professionnel de la santé.
Des photographes vont actuellement plus loin en liant leur propre pratique à l’enseignement de la «photothérapie». C’est le cas de l’artiste espagnole Cristina Nuñez. Elle a mis au point sa propre méthode de «l’expérience de l’autoportrait» et organise des ateliers collectifs, par exemple dans des prisons. A Bruxelles, Emilie Danchin travaille dans le même sens. Mais sa formation s’adresse à des artistes, des photographes ou des professionnels de la santé mentale. Elle l’enseigne en Belgique, ainsi qu’au centre Créavie à Colombier (VD).
Photographe, infirmière et sociologue, la Lausannoise Anne Voeffray a suivi cette formation, tant à Bruxelles qu’à Colombier. Elle la met depuis quelques mois en pratique avec des individus ou des groupes, tirant parti des propriétés émotionnelles de la photographie pour chercher un apaisement, une confiance ou l’exploration de sa personnalité. Pas question ici de remplacer une psychothérapie, mais de proposer un complément, par l’image.
Celle-ci peut être amenée à l’atelier, réalisée sur place ou figurer parmi d’autres photographies soumises à une personne qui cherche de l’aide. L’idée est toujours d’utiliser la médiation de la photo pour mieux se relier à soi-même, aux autres, au monde.
Images voilées
Anne Voeffray a d’abord exercé cette thérapie sur elle-même, sans s’en rendre compte. Il y a une demi-douzaine d’années, à la suite d’une importante casse psychique, elle a commencé à se photographier elle-même. Des images allusives, voilées, craquelées, saturniennes, bientôt complétées par des paysages de la même eau trouble. Vite repérées, les photos ont été exposées dans des galeries ou utilisées pour des couvertures de livres, par exemple les romans noirs de l’éditeur lausannois BSN Press.
Puis des visiteurs ou lecteurs, frappés par ces images intenses, ont pris contact avec Anne Voeffray pour qu’elle les prenne en photo. Clic-déclic: ces demandes inattendues ont conduit la Lausannoise à l’exercice de la photothérapie.
Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre sa recherche existentielle à l’aide de son appareil. Anne Voeffray publie en cette fin d’année son premier livre. Le titre, Magma, évoque l’espace bouillonnant, sous pression, qui s’agite sous la surface des choses et des êtres. Les autoportraits alternent avec les paysages, le noir avec le blanc, l’angoisse avec le calme, l’informe avec la mise en forme. Et c’est BSN, l’éditeur de romans noirs, qui publie Magma, comme de juste. Et Anne Voeffray, dans la vie, est une personne lumineuse. Comme de juste aussi.
«Magma». D’Anne Voeffray. BSN Press.