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Molenbeek: A Bienne, la lente sortie de l’islamisme

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Jeudi, 22 Décembre, 2016 - 05:51

Antoine Menusier

Si la «ville de l’avenir», populaire et pauvre, championne de toutes les mixités, n’est pas Molenbeek, elle en a sans doute eu les caractéristiques dans un passé récent, qui la traumatise encore. La vigilance se veut désormais totale.

A vingt minutes à pied de la gare, au sud du canal de la Suze, voici Madretsch. Un quartier de Bienne. Cette «ville de toutes les addictions», observe avec un soupçon d’ironie un Biennois, fonctionnaire au canton de Berne. Il pense à la drogue, à l’alcool, des fléaux devenus motifs à blagues lourdes pour moquer la cité aux deux haches qui ornent le maillot du club de hockey sur glace local. Des problèmes lourds, surtout, traités avec le plus grand sérieux et une humanité toute chrétienne par les autorités municipales.

Mais ce fonctionnaire pense aussi à l’islam, ou plutôt à son dérivé politique et militant, l’islamisme. Comme tout ce qui fait souche et s’incarne, l’islamisme a son lieu, l’avait. Justement, c’est une de ces périodes d’entre deux états: ni tout à fait soûl, ni tout à fait sobre. Et face à cette addiction-ci, Bienne sait moins faire et tâtonne.

Ce lieu d’incarnation, c’est Madretsch. Un endroit particulièrement pauvre, cerné et couru par une rue principale où les façades font la gueule. La population immigrée y réside en nombre. Ici, des mosquées, en réalité des associations couplées à des salles de prière logées dans des bâtiments modestes, ont vu le jour dans les années 90. A la même période, l’idéologie islamiste, jouant des «injustices» comme autrefois le communisme révolutionnaire, a fait son nid. Bienne n’a pas échappé à ce fort courant. Elle sans doute moins que d’autres.

La recherche de sens commun

Pour l’heure, il faut sauver Madretsch. Le réhabiliter, le relancer. La Ville a élaboré un programme d’intégration, intitulé Vision Madretsch. La place de la Croix, le carrefour où tout le quartier se retrouve, sera réaménagée. Mais au-delà du bâti, c’est l’humain qui intéresse les pouvoirs publics. Il faut amener de la vie en commun et créer pour cela des activités qui rassemblent. Les politiques comptent énormément sur la participation des citoyens, musulmans et non musulmans.

Parviendront-ils à leurs fins? La mixité, la diversité désignent parfois l’inverse du sens vertueux qu’on leur prête. Il y a mixité mais il n’y a pas mélange, on loue la diversité mais l’altérité n’y est pas. L’islam, compris comme un code de vie traditionnel, ce qu’il a tendance à être chez les immigrés musulmans de la première génération, ne facilite pas nécessairement les échanges. Et, plus préoccupant, complique quelquefois l’intégration de la deuxième génération.

Des filles vont voilées à l’école communale de Madretsch? Société multiculturelle, répond-on. Mais est-on certain de la force et de la validité de l’argument? Si toute une population autochtone trouve son bonheur dans un exotisme à portée de main, qui se limite souvent à la fréquentation de la supérette turque et des nombreux kébabs pas chers, d’autres grognent. «Ils nous méprisent», dit un commerçant du coin à propos des «musulmans» qui se gareraient «n’importe comment».

L’homme, derrière son comptoir, ne paraît pas bien riche. Avec un taux de chômage de 5,5%, supérieur de 2,3 points à celui de la moyenne nationale, avec 12% de la population inscrite à l’aide sociale, une présence étrangère de 10% plus élevée qu’ailleurs, Bienne, 55 000 habitants, est sans doute aujourd’hui trop pauvre et trop populaire pour absorber sans secousses le choc migratoire et culturel que représente l’islam à l’âge médiatique de Daech et, plus largement, à l’heure d’un revival religieux musulman.

En 2009, rappelons-le, la ville-district approuvait à 56% l’initiative «Contre la construction de minarets», quand Berne, le chef-lieu cantonal plus huppé, la rejetait dans de mêmes proportions, à rebours de la majorité du peuple et des cantons.

Ces élus qui sortent de leur réserve

Exprimé dans le secret des urnes, ce refus de la présence symbolique de l’islam qu’est le minaret, dans une commune abritant 8 % de musulmans ou supposés tels, traduisait probablement une impatience grandissante face à l’activisme islamiste qui se donnait en spectacle depuis une dizaine d’années. Un jeune homme du cru jouait les mollahs.

C’est en effet à Bienne qu’est né, a grandi et mûri Nicolas Abdullah Blancho, le fondateur et président du Conseil central islamique suisse (CCIS), un think tank de l’agit-prop salafiste. L’Hebdo l’avait rencontré en octobre 2002. Il avait alors 19 ans et fréquentait la mosquée biennoise Ar-Rahman (le Miséricordieux), située non loin de la rue de Madretsch. Le jeune converti commentait une tribune parue dans le quotidien français Le Monde écrite par le Genevois Hani Ramadan, qui justifiait la lapidation de la femme adultère et le «châtiment» du sida pour les homosexuels.

Blancho nous avait déclaré sur un ton suprémaciste: «En s’exprimant de la sorte, le frère Ramadan a fait un bon travail. Il ne s’agit pas de cacher les choses, d’être gentil avec les gens d’Europe. Partout où il s’est imposé, l’islam a d’abord choqué, puis, quelques années plus tard, il a été adopté comme un bienfait.» Il y a quinze ans, l’islamisme ne faisait pas mystère de ses visées hégémoniques et s’attirait la sympathie d’une jeunesse en manque de «repères». Une frange d’entre elle penserait les trouver dans le «califat» de l’organisation Etat islamique.

En 2009, Nicolas Blancho et quelques autres créent le CCIS en réponse à l’initiative anti-minarets. Un an plus tard, la Muslimische Gemeinde Biel, l’association des musulmans de Bienne, pilotée par deux convertis et regroupant huit mosquées, vote à une majorité de cinq voix son adhésion au Conseil central islamique suisse. En avril 2010, le journal bernois Der Bund titre: «Les convertis biennois mettent en péril l’intégration [des musulmans].»

Coup de tonnerre en octobre: le quotidien local Bieler Tagblatt, citant anonymement un fonctionnaire fédéral, affirme que «Bienne est devenue en dix ans le centre islamiste de la Suisse». Une distinction qui fait mal à la réputation.

Entre-temps, les élus sont sortis de leur réserve. Le premier d’entre eux, le maire Hans Stöckli, un socialiste, une institution, menace: l’aménagement d’un carré musulman dans le cimetière de Madretsch (dossier en souffrance depuis sept ans) risque de ne pas se faire si l’alliance des mosquées avec les fondamentalistes convertis perdure, prévient-il.

En décembre, les édiles biennois accordent le carré. En 2011, le CCIS tient sa conférence annuelle dans la ville de son président Nicolas Blancho et réussit à rassembler entre 1500 et 2000 personnes. Un succès, constate la presse. Le CCIS poursuit son expansion en Suisse, ferrant les segundos, les enfants d’immigrés.

Prise de conscience

«Mon mari a sa famille et son travail, il ne veut plus entendre parler de cette période», réagit la femme du secrétaire de la Muslimische Gemeinde Biel, jointe par téléphone. Le président de cette association, qui n’existerait plus depuis trois ans, serait quant à lui toujours ami avec Blancho, selon une source. A posteriori, l’adhésion au CCIS des musulmans biennois ne peut qu’étonner, sachant qu’à l’époque déjà le tout jeune Conseil central islamique sent abondamment le soufre.

A l’inverse, ce ralliement peut ne pas surprendre: les musulmans de la première génération d’immigrés, des travailleurs et des réfugiés politiques, se sont peut-être dit qu’il y avait quelques avantages à tirer de jeunes Suisses convertis parlant le Schwyzerdütsch. Une communauté musulmane aux multiples origines – bosniaque, turque, albanaise, maghrébine, pakistanaise, etc. – voit le jour dans les années 1990 et 2000.

Une colonne vertébrale religieuse se forme, pour partie imprégnée d’islamisme sous l’influence de militants venus du Maghreb où ils sont persécutés. Au tournant de 2010, Bienne est dans un beau pétrin. Elle n’en est pas vraiment sortie encore. S’en donne-t-elle tous les moyens?

La ville aux «dix mosquées» (les lieux de prière officiellement recensés) a décidé, cette année, d’agir. Seulement cette année, est-on tenté de dire, alors que les choses auraient pu être commencées plus tôt, probablement.

Certes, les enquêtes ouvertes dernièrement par le Ministère public de la Confédération contre trois hauts membres du CCIS, dont Blancho, regroupés dans leur siège bernois, ainsi que la fermeture provisoire de la mosquée An’Nour de Winterthour et l’arrestation de son jeune imam éthiopien pour appel au meurtre des musulmans non pratiquants, ne font pas de Bienne la souche de l’islamisme radical Swiss made, le parfait Molenbeek qu’on fantasme.

Il n’empêche: ce n’est pas parce que les fédéraux montrent leurs muscles ailleurs en ce moment que Bienne est hors d’affaire. Elle a un passé djihadiste: les deux Biennois partis faire le djihad déclarés morts en Irak, Majd N. et Abou Saad, respectivement originaires de Jordanie et de Tunisie, fréquentaient la mosquée Ar-Rahman où Nicolas Blancho s’essayait au prêche. Et son présent, lui, exige une vigilance soutenue. D’autant plus que Daech continue à déstocker sa propagande sur les réseaux furtifs.

Un «groupe de travail» nommé «Extrémisme et radicalisation» existe depuis le mois d’avril. Placé sous l’autorité d’André Glauser, délégué à la sécurité, ce groupe a pour mission de faire remonter les informations pouvant indiquer chez des individus un risque de dérive, non exclusivement liée à l’islamisme, au demeurant, l’extrême droite et les antifascistes donnant aussi du fil à retordre.

Une hot-line sera créée pour recevoir les signalements. «On s’interroge encore sur la marche à suivre, confie Raymond Cossavella, chef adjoint de la police régionale pour le Seeland et le Jura bernois, membre du groupe en question. Qui aura accès à cette ligne? Un nombre limité de personnes, les assistants sociaux et les enseignants, par exemple, ou la population dans son entier?»

Ce numéro n’est pas censé inciter à la délation. «On peut envisager une médiation culturelle pour traiter les cas signalés», suggère Raymond Cossavella. La hot-line devrait être inaugurée en 2017.

La prise de conscience, la conviction qu’il fallait faire quelque chose remontent aux attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher en janvier 2015. Retentissent alors en ville des «Allahou akbar» (Dieu est le plus grand). Le phénomène prend dans des écoles. Des directeurs d’établissements s’en inquiètent, ne savent trop comment réagir. Après les attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis, une minute de silence est organisée dans les classes biennoises. Un élève musulman proteste:

«Pourquoi ne fait-on pas pareil pour les Syriens et les Palestiniens?» L’enseignante lui rétorque: «De toute façon, on ne compte pas sur toi», rapporte une personne qui a eu connaissance de cet échange où l’esprit d’exclusion a répondu à un mouvement de rébellion. Ailleurs, selon une autre source, un élève se serait vivement emporté contre un professeur en raison de l’homosexualité de ce dernier.

Vincent Beuret est animateur socioculturel à la Villa Ritter, un centre d’accueil pour des jeunes de 13 à 18 ans. Il se souvient des «Allahou akbar» proférés le jour des attaques contre Charlie. «On en avait entendu aussi à la Villa Ritter», relate-t-il. Prochainement, ce Jurassien de Saignelégier intégrera une formation à l’islam à l’Université de Fribourg, afin de mieux comprendre les ressorts de la radicalisation.

Il paraît déjà bien au fait du problème. «Les conflits de loyauté me semblent, chez beaucoup de jeunes originaires de pays musulmans, cause de leur colère, a-t-il constaté. En Suisse, à la maison, le jeune Maghrébin, Turc ou Kosovar a du pouvoir sur le père, mais le père, pour autant, ne se tait pas et dicte à son fils la conduite à adopter, qui n’est pas celle des copains suisses.»

Des doutes

Aux étages de la Villa Ritter, des salles de jeux, de rap, de batterie et de danse, notamment. R., 16 ans, est un habitué des lieux. Son père est Suisse, sa mère, Maghrébine. «L’islam, c’est ma religion, précise-t-il. Je me sens bien quand je vais prier à la mosquée. Il n’y a que Daech qui fait du mal à tout le monde.

Al-Qaida, c’est seulement aux Etats-Unis qu’ils font du mal. Les dessinateurs de Charlie Hebdo ne méritaient pas de mourir, mais au moins de se faire casser la gueule pour avoir insulté le prophète.» Tout cela est dit sur un mode égal, avant de passer à une occupation ludique.

Un autre monde: Qamichli, dans le Kurdistan syrien. A., 14 ans, en vient. Son père y a été tué par Daech. A. est arrivé en Suisse il y a deux ans par avion du Liban, avec sa mère, ses trois frères et ses trois sœurs. A la villa, il fait du rap. Il apprécie l’école, présente des dispositions pour les maths et le sport. Il aimerait devenir dentiste. En période de ramadan, il jeûne, enfin, «pas tout le mois».

Le vendredi, après l’école, il va prier à la mosquée Ar-Rahman. Elle a la cote auprès des jeunes, qui semblent se donner le mot. R., l’adolescent de 16 ans, s’y rend aussi. «L’imam est très bien, affirme le Syrien. Tous, là-bas, ne savent pas ce que j’ai vécu.» Depuis plusieurs années, les journalistes y sont indésirables. Un autocollant sur la porte leur demande de ne pas entrer. Pas de déclarations, pas de malentendus, pas d’ennuis.

Comme effrayés par leur audace, certains élus ou fonctionnaires se demandent si le dispositif d’alerte qu’ils ont prévu est bien nécessaire. Directeur de la formation, de la culture et du sport, le municipal socialiste Cédric Némitz, ancien pasteur, carrure de hockeyeur, comprend bien le sens de cette initiative supervisée par son collègue UDC Beat Feurer et mise en œuvre par André Glauser, mais elle l’énerve un peu. Elle instaure du rapport de force et du soupçon quand, lui, promeut une logique de terrain plus participative, moins stigmatisante, dirait-il sans doute.

Un policier se souvient de ses années de jeunesse, de toutes les «conneries» qu’il a pu faire. Il relativise les «Allahou akbar» lancés à la cantonade par de jeunes musulmans: à prendre en compte sans forcément dramatiser, comprend-on. Un spécialiste de la radicalisation rapporte un cas survenu dans un autre canton: un apprenti musulman a été signalé à la police par son centre de formation parce qu’il s’était absenté pour aller prier dans une mosquée. «Ça va parfois trop loin», commente-t-il.

Parmi nos interlocuteurs biennois, certains ne cachent pas leur embarras face au tournant sécuritaire en cours. Comme si Bienne n’assumait pas un dispositif en quelque sorte opposé à sa vocation de «ville d’avenir». Ce slogan, fleurant bon le muguet et la camaraderie des Trente Glorieuses, a fait sa réputation. Qui, à Zurich, à Lausanne ou à Genève, imaginait cependant aller vivre dans cette RDA seelandaise, laborieuse et populeuse?

Bienne, la protestante ouverte au monde entier, qui a fêté cette année les 50 ans de son Palais des congrès, ode au béton et belle «folie» architecturale, a aujourd’hui des airs d’Angela Merkel tenue d’en rabattre sur ses élans généreux. Mais Bienne, ancrée à gauche, n’entendait peut-être pas devenir non plus, pour le coup, le Molenbeek d’un socialisme à la belge, fier de sa diversité mais naïf et aveugle sur les pratiques d’une partie de ses administrés.

«Je n’avais pas d’arme à la maison»

C’est moche, mais une surveillance policière se révèle utile et des représentants de mosquées ne sont pas les derniers à en réclamer une. Amir (prénom modifié), la vingtaine, actuellement en formation professionnelle à Bienne, a été entendu il y a deux ans par la police qui nourrissait à son endroit des soupçons liés au terrorisme. Il avait été «beaucoup vu dans des mosquées» et notoirement à Ar-Rahman.

«J’ai reçu une lettre me convoquant au poste, raconte-t-il. J’ai dit que je ne soutenais pas Daech, que je n’avais pas d’arme à la maison, que j’étais pour la paix entre Israël et la Palestine et pas pour le terrorisme.» Il est ressorti libre après deux heures d’un interrogatoire qui semblait destiné à «faire connaissance».

Le «ménage» aurait été fait au sein d’Ar-Rahman, mais les pouvoirs publics ont cet établissement à l’œil. En 2003, dans le contexte de l’attentat de la synagogue de Djerba, en Tunisie, perpétré un an plus tôt, le MPC, sur demande de la France, y avait effectué une perquisition, conjointement à celle menée à la mosquée Madretsch, distante de quelques centaines de mètres. Cette double opération n’avait donné lieu à aucune interpellation ni ouverture d’enquête, précise aujourd’hui le service de communication du Ministère public fédéral.

En Tunisie, Boukthir Ben Amor était électronicien. A Bienne, il est chauffeur de taxi et occupe depuis une quinzaine d’années diverses fonctions à la mosquée Madretsch, connue aussi sous le nom de centre Salah (la droiture): lecteur du Coran, appel à la prière, prêcheur sont les tâches qu’il remplit. «Je chante sur de la musique orientale, parfois même dans des églises en certaines occasions», souligne-t-il, assis sur le tapis bordeaux de la salle de prière, située dans l’entresol d’une maison de trois étages.

Opposant du parti islamiste Ennahda au régime Ben Ali, il a été incarcéré et torturé dans son pays natal. Installé en Suisse depuis le début des années 2000, Boukthir Ben Amor, la cinquantaine, n’est pas partisan du port du niqab (le voile intégral à propos duquel les Suisses voteront peut-être), «qui n’est pas une valeur de l’islam ni une obligation pour la femme, contrairement au hidjab, le voile partiel», affirme-t-il, se référant à la charia.

Ce sera sa seule intransigeance doctrinale. Il insiste sur les efforts d’intégration, le nécessaire dialogue. Parle de son fils aîné (son cadet est étudiant en architecture à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne): ingénieur diplômé, depuis un an et demi au chômage, quand ses amis suisses officiant dans la même branche que lui ont trouvé un poste. «Les discriminations nourrissent les frustrations, qui sont propices aux manipulations de personnes mal intentionnées», observe le père. Pense-t-il à Nicolas Blancho et consorts?

Selon le journal bilingue Biel Bienne des 14 et 15 décembre, ceux-ci souhaitaient organiser un événement en mai prochain au Cargo, une salle de la ville. Les propriétaires de ce lieu biennois ont rejeté leur demande.

Dans un café-restaurant de Madretsch, des femmes jouent aux cartes et des hommes boivent des bières à la pression. Le lourd décor boisé, avec son présentoir à Kägi Fret et chips Zweifel, évoque le cinéma suisse des années 70. Pierre et Jean, appelons-les ainsi, sont comme Fernand Raynaud, qui n’aimait pas les étrangers dans l’un de ses sketchs: ils n’aiment pas les musulmans. Ils avaient 14 ans quand ils ont commencé à travailler, tour à tour commis, à leur compte, puis salariés.

La pension de l’un ne dépasse pas 2500 francs par mois, alors que son loyer s’élève à 800 francs. Les «musulmans» coûtent trop cher à leurs yeux, toutes les «aides» sont pour eux, soutiennent-ils. Pierre et Jean sont-ils UDC? Même pas. Ils sont PS, préfèrent Obama à Trump le «milliardaire», mais approuvent en Suisse le parti de Blocher lorsqu’il lance des référendums. Il leur semble que la considération des pouvoirs publics va tout entière aux migrants et qu’eux n’y ont pas droit. «Merci, ça m’a fait du bien de parler», glisse Pierre, la gorge nouée.

Transiger pour avoir la paix

Zahra, 15 ans, son père, sa mère et ses trois petits frères logent dans une chambre d’un centre biennois de requérants d’asile, saturée de lits superposés, bien trop exiguë pour une famille de six personnes. Se doutent-ils que, pour eux, Afghans de la minorité hazara persécutée mortellement par les talibans, la partie est loin d’être gagnée? S’ils obtiennent l’asile, ils devront encore affronter l’hostilité d’une partie des Suisses de plus ou moins vieille souche.

«Tu crois qu’au gymnase on te demandera d’ôter ton voile?» interroge la mère, en dari. «Si je ne peux pas le porter, je mettrai une perruque», répond sa fille Zahra dans la même langue. Elle ne sait pas qu’à Bienne les écolières et les gymnasiennes ont le droit d’aller en classe voilées. Et si le port du burkini à la piscine n’est pas encouragé, il n’est pas interdit non plus.

Les autorités municipales veulent avoir la paix et sont prêtes à transiger sur certains points ou principes, comme celui de la tenue de bain. Sur la poignée de main de l’élève à l’enseignant aussi? Cédric Némitz n’a pas connaissance de refus. Si un cas se présente, le municipal pourra invoquer la «jurisprudence Sommaruga», du nom de la conseillère fédérale prenant position en avril dans l’affaire de Therwil.

Pour la ministre (socialiste) de la Justice et de la Police, cette coutume scolaire suisse est non négociable. Bienne, qui sort lentement de l’islamisme, n’est pas à l’abri de rechutes. 

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David Wagnières
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