Il voulait partir et tenter une nouvelle aventure. J’étais en train de marcher dans les montagnes marocaines quand Mix & Remix m’a téléphoné. Un premier appel, un deuxième appel et enfin un troisième appel suivi d’un nouveau contrat. Après un dur marchandage, Mix avait fini par accepter de rester. Nous lui offrions un nouveau défi: publier chaque jour un dessin sur l’application mobile de L’Hebdo. Il tint le pari pendant plus de trois ans avant de signer sa dernière planche pour notre magazine: «Merci de m’avoir suivi… là je ne peux pas vous dire où je vais!»
Mix nous amenait ses dessins le mardi après-midi sans nous avoir annoncé ses sujets au préalable. Il les posait sur la table ou les envoyait par e-mail, il nous demandait de vérifier l’orthographe et il repartait. Il travaillait seul dans son coin. Je me suis souvent posé la question: pourquoi, en dix ans, n’ai-je jamais eu à refuser l’un de ses dessins, pas un seul?
Ses collègues dessinateurs parleront mieux que moi de son riche parcours artistique, de son trait, de son talent narratif. Si, comme rédacteur en chef, je n’ai jamais eu à le censurer, c’est qu’il offrait sur le monde un regard absolument libre. Sans la moindre trace de moralisme. Et Dieu sait si la presse souffre parfois de moralisme.
Une hésitation, une fois, cependant, à propos d’un dessin qui montrait un personnage coiffé d’un turban et qui disait: «Je mange halal, je baise anal.» Prendrais-je aujourd’hui la même décision? Siné, lui, l’avait refusé pour le journal qui portait son nom et auquel Mix collaborait.
Je me suis souvent interrogé sur les ressorts de la miraculeuse productivité de Mix. C’est vrai, son trait lui permettait une exécution rapide et efficace. Mais derrière chaque planche pour L’Hebdo, derrière tous les gags minutes brossés en direct pour l’émission Infrarouge, dans tous les travaux marketing auxquels il s’adonnait plus souvent qu’à son tour, il y avait une idée nourrie par une espèce de connaissance extralucide de la condition humaine.
Et c’est le secret qu’il emporte avec lui. Mix le punk, Mix le meilleur dessinateur de presse du monde. Mix que nous avons croisé il y a quelques jours au vernissage de l’exposition montée avec sa fille Louiza. Mix à qui nous avons acheté un petit dessin titré avec ironie: Picasso.
Un génie, comme lui.
Adieu Mix.
Voir aussi:
Le «no future» a rejoint Mix & Remix