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«Crowdfunding»: à fond les fonds!

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Jeudi, 5 Janvier, 2017 - 05:56

Céline Bilardo

Eclairage. De la création d’un disque au lancement d’une marque horlogère, le financement participatif touche tous les secteurs. Comment fonctionnent ces recherches de fonds en ligne? Témoignages et conseils.

Le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur. Grâce à lui, l’artiste veveysanne Verveine a produit un premier album, une équipe lausannoise a ouvert le bar Ta Cave ou, plus récemment, des designers romands ont lancé la marque horlogère Code 41.

Quelques exemples de projets, parmi des milliers, qui manifestent de l’attractivité du crowdfunding, autant pour encourager l’entrepreneuriat que pour le soutenir. L’année dernière, donateurs et investisseurs ont été près de 90 000 en Suisse à s’associer à des campagnes de «financement participatif», en plaçant  leur argent dans des concepts créatifs, culturels ou entrepreneuriaux.

Né aux Etats-Unis, «le crowdfunding est apparu d’abord comme solution à la crise bancaire, explique Vincent Pignon, président de la Swiss Crowdfunding Association, basée à Carouge (GE). Il se présentait comme un système de financement alternatif aux banques, sans intermédiaire.» Si sa présence en Suisse restait encore balbutiante en 2008, son essor s’est accéléré en 2012 avec le lancement de la plateforme helvétique wemakeit.

Désormais, on compte près de 40 sites de crowdfunding disponibles en Suisse. La plupart sont accessibles à toute personne qui souhaite lancer un projet sans en avoir les moyens. Elles offrent ensuite au grand public la possibilité de financer l’idée ou le produit qui le séduit. Toujours plus spécialisées, ces plateformes se différencient maintenant en trois sous-catégories.

Le crowdsupporting, le plus connu, équivaut à un don effectué par des particuliers, qui reçoivent chacun une contrepartie variant selon le montant versé. Le crowd­investing entraîne, quant à lui, la prise de capital dans une société. Enfin, le crowdlending correspond à un prêt aux PME à un taux d’intérêt avantageux.

Certains sites se sont aussi spécialisés pour ne soutenir par exemple que des projets sportifs, scientifiques ou immobiliers (lire ci-après). La grande majorité fonctionne sur le principe du «tout ou rien»: la durée de la campagne et la somme à atteindre sont fixées au préalable et, si cet objectif n’est pas atteint au terme de celle-ci, les contributeurs sont entièrement remboursés.

Comment préparer un financement

Une campagne de crowdfunding doit se préparer minutieusement. Elle requiert réflexion, temps et énergie. «Le succès d’une campagne réside dans la simplification de son concept et sa vulgarisation pour que le grand public la comprenne sans peine», relève Vincent Pignon, par ailleurs cofondateur du site WeCan.Fund. L’engagement d’une communauté, soit d’un groupe de personnes informées de l’existence du projet et intriguées par celui-ci avant sa mise en ligne, est aussi un atout: elles deviendront les meilleurs ambassadeurs de la campagne quand elle sera lancée et permettront ainsi la diffusion dans différents cercles de donateurs potentiels.

L’expérience et la réussite de la marque de montres Code 41 illustrent l’importance de ce travail en amont. Claudio D’Amore, fondateur de l’atelier de design horloger Cosanova, a commencé à distiller des informations sur son projet dès mars 2016, soit huit mois avant le lancement de son crowdfunding en novembre dernier. «Nous avons préparé la communication de notre nouvelle marque en racontant son histoire chapitre après chapitre. Sur un site dédié, et anonymement, nous avons dévoilé tous les mois un peu plus de l’aventure et de ses acteurs.»

L’équipe lausannoise s’est distinguée sur le marché concurrentiel de l’horlogerie en faisant le pied de nez au label Swiss made et en misant sur une transparence totale concernant l’origine de ses fournisseurs. Provenance des composants, coût de revient et marge sur les ventes sont communiqués aux futurs acheteurs. «Durant ces mois de teasing, nous avons partagé nos informations sur le site mais aussi avec nos clients et les journalistes spécialisés.»

Résultat: avant le jour du lancement officiel de la campagne de financement, plus de 15 000 personnes avaient déjà montré de l’intérêt pour ce projet en s’inscrivant à leur newsletter. Le jour J, Code 41 a atteint son objectif de 80 000 francs en deux heures seulement, via la plateforme américaine Kickstarter. Au total, en trente jours, la marque a récolté plus de 540 000 francs auprès de 889 contributeurs.

«Pour toucher le plus grand nombre de personnes, j’ai composé des listes de contacts en pensant avec qui je pouvais partager mon projet dès le lancement de la campagne et par quel biais, que ce soit via les réseaux sociaux, par mail ou par téléphone», remarque Caroline Fourré, originaire d’Yverdon-les-Bains et porteuse de Local Colours.

Son idée: dépoussiérer l’image des teintures de textiles naturelles et se lancer dans une petite production de carrés de soie et de vêtements teintés à l’aide d’épluchures de fruits et de légumes. Ancienne étudiante d’art à Zurich et désormais consultante indépendante pour les candidats au crowdfunding sur wemakeit, la jeune femme a atteint son objectif de 5000 francs en six jours et doublé cette somme au terme de sa campagne.

Quand et comment se lancer

Le succès d’un projet de financement participatif tient aussi à sa date de lancement: selon la dernière étude de la Haute Ecole de Lucerne, Crowdfunding Monitoring 2016, les mois de janvier, février, mars, avril et juin enregistrent statistiquement les meilleurs résultats.

En se lançant en avril, Caroline Fourré a su choisir le bon moment. Elle a aussi bénéficié d’un coup de pouce de la marque Freitag, partenaire de wemakeit. La designer souligne l’importance d’être hyperréactif durant la campagne, de soigner sa diffusion en donnant régulièrement des nouvelles aux contributeurs sur leurs commandes et sur l’avancement du projet. Sans oublier de faciliter le travail de partage de son travail avec le public: ne pas hésiter à préparer des visuels et des textes facilement transférables, notamment sur les réseaux sociaux.

Se montrer permet aussi de créer un lien de proximité et de confiance: en tant que consultante, Caroline Fourré conseille aux instigateurs de projets qui la sollicitent de ne surtout pas faire l’impasse sur une vidéo de présentation. «Les visuels qui illustreront le projet sont essentiels pour capter les futurs contributeurs.»

Pour Elâ Borschberg, spécialiste en marketing numérique et cofondatrice du bar Ta Cave, financé en décembre 2014 grâce au crowdfunding, donner de sa personne est capital: «Il faut se mouiller! Montrer qui l’on est permet de personnaliser son petit film, de prendre ses responsabilités. Ça permet aussi de faire comprendre à son public, souvent fait d’inconnus, que vous n’êtes pas une arnaque ou une société écran qui cherche des sous.»

Quelles contreparties offrir pour séduire les investisseurs

«Les contreparties que l’on offre à ses contributeurs se doivent aussi d’être originales, appuie Elâ Borschberg. Si c’est un produit, proposez des préventes à un tarif préférentiel! Si c’est un service, qu’il soit exclusif! Il faut procurer  quelque chose qu’une personne lambda, qui ne participera pas à votre campagne, ne pourra pas obtenir par la suite.»

Pour attirer les consommateurs prêts à financer sa campagne en vue de l’extension lausannoise du restaurant fribourgeois Crazy Wolf, le jeune entrepreneur Alexandre Barakat a ainsi misé sur quatre offres de boissons et de plats, déclinées selon différents budgets, de 50 à 300 francs. «Nous avons accordé de gros rabais, allant parfois jusqu’à proposer des packs à 50% du prix que l’on allait proposer ensuite dans le restaurant.» Un effort qui a payé: en janvier 2015, le Crazy Wolf a ouvert grâce à la levée de 50 000 francs en ligne.

Fait original, la campagne du Crazy Wolf ne s’est pourtant pas déroulée sur une plateforme reconnue, qui facilite souvent la mise en œuvre du projet, mais sur un site personnel. «La première raison pour laquelle nous ne nous sommes pas tournés vers une plateforme comme Kickstarter ou wemakeit est que celles-ci prennent une commission sur la somme obtenue (5 et 6%, respectivement).

Ensuite, créer notre propre site nous donnait une plus grande liberté de ton, nous permettait de personnaliser notre campagne à notre guise, d’y montrer l’état d’esprit du restaurant que l’on voulait ouvrir et aussi de choisir la durée de notre crowdfunding.»

Quelle est la durée idéale d’une campagne

Certains sites laissent le choix aux instigateurs du projet, la fourchette variant entre quinze et huitante jours. «Je ne conseille pas de se lancer pour une campagne de deux semaines seulement, répond Caroline Fourré. Je privilégierais davantage trente à quarante-cinq jours, afin de se laisser assez de temps et d’énergie pour relancer le public jusqu’à la fin de son aventure.»

Pour Vincent Pignon, de la Swiss Crowdfunding Association, une idée qui séduit devrait obtenir son financement en moins de trente jours: «On observe que les temps de campagne se raccourcissent de plus en plus. L’effet d’annonce est capital, le résultat obtenu dans les trois premiers jours est souvent révélateur de la suite de la campagne.»

Un test pour une idée

Reste que tout n’est pas perdu si la campagne ne marche pas: en plus d’être un outil de financement, «le crowdfunding sert aussi à tester son produit sur le marché pour le développer autrement par la suite. Désormais, beaucoup d’indépendants ou de start-up se lancent simplement dans une campagne pour gagner en visibilité et communiquer sur leur produit et leur présence.» 


Les plateformes de «crowdfunding» les plus populaires en Suisse romande

Kickstarter

Origine: Etats-Unis Création: 2009

Types de projets:à privilégier pour les produits technologiques à portée internationale

Taux de réussite: 35,8%

Accompagnement: pas d’accompagnement personnalisé, guides disponibles sur le site

Commission: 5%

Wemakeit

Origine: Suisse Création: 2012

Types de projets: variés, de la culture aux sciences, start-up et cuisine

Taux de réussite: 65%

Accompagnement: très personnalisé, partenariats multiples

Commission: 6%

I believe in you

Origine: Suisse

Création: 2013

Types de projets: sportifs, pour athlètes, amateurs, manifestations et associations sportives

Taux de réussite: 84%

Accompagnement: très personnalisé, plusieurs partenariats (Postfinance et Helsana)

Commission: 12%

WeCan.Fund

Origine: Suisse

Création: 2015 Types de projets: tout projet de PME qui a au moins une année d’existence

Taux de réussite: quatre levées de fonds réalisées en 2016

Accompagnement: analyse de la demande faite par des spécialistes avant la mise en ligne

Commission: 5%

Swisslending

Origine: Suisse

Création: 2016 Types de projets: immobilier

Taux de réussite: trois levées de fonds réalisées en 2016

Accompagnement: l’entreprise se charge de trouver les investisseurs

Commission: 5%

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Claudine Garcia
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