Responsabilité.Schumacher en France, avalanches en Suisse, accidents de ski, de snowboard: les remontées mécaniques sentent monter la pression des usagers et... de leurs assurances.
Un million de francs. C’est le montant qu’a exigé une skieuse à Jean-Marie Fournier, patron des remontées mécaniques de Veysonnaz. Maladroite, cette touriste américaine était tombée en empruntant un téléski. Jean-Marie Fournier précise: «Tout ça pour un bleu à la fesse. Heureusement, nous n’avons pas été condamnés.» Autre cas auquel il a dû faire face, celui, tragique, d’une adolescente romande qui a skié sur une piste fermée. «Elle était verglacée. La jeune fille a chuté, sa tête a heurté un arbre, elle est morte sur le coup. Cet événement s’est passé il y a deux ou trois ans. Poussée par les assurances, la famille a porté plainte, tentant de trouver une faille dans la sécurisation. Un filet barrait complètement le début de la piste. Il y a eu un non-lieu.»
Pas de doute: diriger une société de remontées mécaniques – également responsable de la sécurité des pistes en Suisse – n’est pas une sinécure. L’accident de ski de Michael Schumacher met en lumière les risques du métier. En France, la préparation des pistes est sous la responsabilité du maire de la commune. A lui de désigner des organismes, par exemple les exploitants des remontées mécaniques, pour exécuter les tâches.
Règles précises. Chef de la division droit et ressources aux Remontées mécaniques suisses, qui comptent 370 membres, le juriste Alexander Stüssi explique que les exploitants sont de plus en plus sous pression. «En Suisse, il n’y a pas de lois concernant la sécurité des domaines skiables. Ce sont nos règlements très détaillés qui font foi. Le Tribunal fédéral et les autres tribunaux se réfèrent à nos directives élaborées dans les années 70 et régulièrement mises à jour par des experts.» Des directives que l’on peut découvrir dans un document de 54 pages. Par exemple, en Suisse, skier à 3 mètres des piquets est considéré comme «hors piste». «Nous assistons à tout le développement de la jurisprudence. La conséquence? En matière de sécurité, chaque jour, nous devons faire face à un nouveau défi.»
Directeur général de Téléverbier, Eric Balet raconte les efforts de sa trentaine de patrouilleurs pour optimiser la sécurité des pistes. Leurs tâches vont de la protection des obstacles au déclenchement d’avalanches en passant par le contrôle de l’enneigement. «En Suisse, nous avons un blessé pour 18 000 à 20 000 montées. En France, ils ont un blessé pour 8000 montées. Beaucoup de Français ne skient qu’une semaine par année.»
Ce juriste de formation remarque que la notion de responsabilité a tendance à s’américaniser. Téléverbier a d’ailleurs dû indemniser un Belge qui, au moment d’emprunter un télésiège à trois places, s’est assis sur les bâtons de la seule autre passagère. «A 180 mètres du départ, pour se dégager, il a soulevé la barre de sécurité et il est tombé de 18 mètres. Nous avons dû lui verser un million de francs.» Désormais, tous les départs sont équipés de caméras de surveillance, pour éviter ce genre d’histoire belge.
Des risques non calculés. Outre la maladresse de certains usagers des pistes, l’attitude des skieurs a bien changé ces dernières années avec le développement du matériel. «Aujourd’hui, presque n’importe qui peut descendre n’importe quelle piste sur des carving achetés à moins de 200 francs, analyse Alexander Stüssi. Ce matériel autorise une plus grande prise de risques.» Des skieurs qui vont d’autant plus vite que les champs de bosses se sont transformés en boulevards où les uns et les autres se croisent, se frôlent et se télescopent.
Autre changement technique: un ski plus large permet d’évoluer plus facilement dans une neige profonde et difficile, donc sur des pentes vierges – hors piste –, tant vantées par la communication des stations et des fabricants de matériel. Jean-Marie Fournier: «Avec les conditions actuelles, sortir des pistes équivaut à prendre autant de risques que de traverser une autoroute. C’est tellement bête de mourir sous une avalanche!»