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Une Suisse en mouvement
libre circulation: Pourquoi le système à points n’est pas la bonne réponse
L’économie n’a pas uniquement besoin des migrants hautement qualifiés
Johan Rochel
Les chiffres de la libre circulation sont disséqués, les effets soupesés, les avis disputés. Dans ce débat, on tendrait presque à oublier que nous ne voterons pas sur une critique de la libre circulation, mais sur la réintroduction de contingents. L’idée fondamentale est claire: l’Etat fixe au début de chaque année un certain nombre de permis qui seront ensuite attribués aux différents «immigrants». (…)
Un régime de contingents souffre d’un problème fondamental bien connu: l’Etat n’est pas en mesure de savoir d’avance combien et de quelle sorte de main-d’œuvre les entreprises auront besoin. Les fonctionnaires fédéraux avancent donc à l’aveugle. (…) Face à cette critique, l’ultime joker semble s’appeler système à points. Arguant à l’exemple du Canada ou de l’Australie, les promoteurs de l’initiative promettent un nouveau système de contingents, loin des absurdités bureaucratiques et des errements planificateurs.
L’idée paraît claire: seuls ceux qui accumuleront suffisamment de points (en fonction des compétences professionnelles, du niveau de formation, des connaissances linguistiques) pourront entrer en Helvétie. (…) Les points ne sont pas là pour déterminer le nombre de permis disponibles, mais pour les distribuer. (…) Ils ne résolvent donc pas le problème fondamental du régime de contingents: l’inadéquation entre les demandes de l’économie et le nombre et le genre de main-d’œuvre disponible. (…)
De plus, ce système souffre d’une difficulté propre en tendant à favoriser les personnes hautement qualifiées. C’est le syndrome du «chauffeur de taxi avec deux doctorats». Imaginons: les immigrants sont sélectionnés en fonction de leurs compétences. Plus ils sont formés, plus ils reçoivent de points (les deux doctorats). Mais comme le montrent les chiffres du travail au gris et au noir, l’économie a également besoin de main-d’œuvre moins qualifiée (un chauffeur de taxi). L’inadéquation est programmée! (…) Le système du contrat de travail actuellement en vigueur entre l’UE et la Suisse (une place de travail égale un permis) permet de répondre plus efficacement aux besoins de l’économie.
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Les non-dits de l’économie
Haro sur la marchandisation des travailleurs
Si l’initiative «Contre l’immigration de masse» est acceptée le 9 février, la Suisse devra repenser son régime de croissance économique
Sergio Rossi
(…) L’initiative «Contre l’immigration de masse» a le mérite de mettre en lumière un élément souvent ignoré dans le débat politique. Comme l’a fait remarquer l’ancien conseiller national socialiste Rudolf Strahm lors d’une interview dans la Schweiz am Sonntag, la mobilité géographique des travailleurs est considérée de la même manière que celle des marchandises: leur déplacement obéit à la «loi» de l’offre et de la demande (…).
Cette «marchandisation des travailleurs» est le résultat du paradigme dominant en «sciences économiques». Ce qui autrefois était la gestion du personnel (censée s’occuper de personnes) est devenu la gestion des ressources humaines (des ressources parmi d’autres, à exploiter pour la maximisation des profits des entreprises de tout genre). Au nom de la «compétitivité» de l’économie suisse, le «coût du travail» (entendez le salaire, mis à part celui des «top managers») doit dès lors être «minimisé», oubliant que, ce faisant, une partie non négligeable de travailleurs est amenée à restreindre ses dépenses et à faire appel à l’aide sociale pour arriver à la fin des mois.
L’économiste Michal Kalecki affirmait que «les travailleurs dépensent ce qu’ils gagnent et que les entreprises gagnent ce qu’elles dépensent». Il suffirait de le comprendre pour saisir le problème «systémique» que le paradigme dominant comporte pour l’ensemble de l’économie nationale.
Si l’initiative populaire «Contre l’immigration de masse» est acceptée le 9 février prochain, il faudra songer à élaborer un nouveau régime de croissance économique, intégrant les soucis de durabilité et de cohésion sociale pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les travailleurs étrangers.
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Le blog de Jacques Neirynck
La Suisse est une terre d’immigration
Faute de vraie politique familiale, notre pays doit compter sur les travailleurs étrangers
Jacques Neirynck
La Suisse est avec l’Australie le pays qui compte le plus d’immigrants, soit 25% de la population résidante. Compte tenu des obstacles faits à la naturalisation, 1 870 000 habitants gardent un passeport étranger, soit 22% de la population, sans compter 300 000 frontaliers qui ne résident pas dans le pays mais viennent y travailler (…). La différence entre l’Australie et la Suisse est la perception politique de cette caractéristique commune. Dans le premier pays, il suffit de quatre ans de résidence pour être naturalisé, en Suisse il en faut douze. Et encore! (…)
Il naît 80 000 enfants en Suisse par an, alors qu’il en faudrait 120 000. Cela signifie que le solde migratoire minimum doit se situer à 40 000 immigrants par an, pour maintenir la population, c’est-à-dire pour assurer le versement des pensions AVS (…). Il n’y a pas de choix: l’immigration dite de masse est une nécessité, sauf si une politique familiale dynamique augmentait le taux de fécondité. Or les jeunes femmes sont davantage formées qu’auparavant, elles désirent travailler et ne procréent que plus tard, lorsque leur carrière est bien lancée. (…) Et les places de crèche sont insuffisantes. Et les allocations familiales sont minimales. Et la fiscalité des couples mariés les désavantage par rapport aux concubins.
Et… on pourrait continuer à l’infini. Il n’y a pas de politique d’ensemble: l’immigration résulte de l’absence d’une politique familiale. (…) Alors le peuple prend le pouvoir et décide de la politique d’immigration par une initiative. Le hasard des urnes décidera.
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Blog dans le coin
Un enfant n’est pas un problème social
Il est temps de proposer des mesures concrètes pour soutenir et encadrer les jeunes parents
Vincent pellissier
L’initiative populaire «Financer l’avortement est une affaire privée» est encore un de ces textes dont l’intitulé frappe les esprits. Mais il rate sa cible sur le fond. Il s’agit là encore d’une initiative qui ne résout aucun des problèmes liés à l’avortement et empêche tout débat serein. Comme défenseur inconditionnel de la vie, je refuse la banalisation de l’avortement. Cependant, je ne souhaite pas le retour par la bande à une pénalisation déguisée. (…)
Aucune réponse à l’initiative n’est satisfaisante. Un refus donnerait un message catastrophique à la jeunesse. La culture du «tout gratuit» détruit les repères éthiques et le sens de la responsabilité. Une acceptation ne résoudrait pas non plus les situations de détresse. (…) Je reste convaincu que la proposition faite par le PDC lors de l’introduction du régime des délais en 2002, à savoir une consultation obligatoire chaque fois qu’un avortement est demandé, est une piste intéressante. (…)
De nombreuses institutions étatiques ou associations privées qui soutiennent les personnes confrontées au problème de l’avortement méritent également une aide plus appuyée du monde politique. De telles actions doivent permettre de soutenir les plus vulnérables, en particulier les jeunes (…).
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Blog de Pierre Chiffelle
Initiative populaire: gesticulations inopportunes
L’initiative populaire permet de thématiser de manière approfondie des sujets qui touchent de grands enjeux de société
Pierre Chiffelle
Ainsi, une quarantaine de parlementaires n’ont rien trouvé de mieux que cette période chargée en émotions politiques (…) pour dénoncer le recours excessif à l’initiative populaire en proposant de restreindre ce droit. (…)Beaucoup de thèmes traités dans le cénacle des responsables politiques sont complexes et tortueux, de telle sorte que la population a souvent tendance à baisser les bras. On ne saurait dès lors faire le reproche que l’on a entendu à l’égard de partis politiques de se servir de l’institution de l’initiative populaire comme levier politique. Au contraire, elle permet de thématiser d’une manière approfondie – certes pas toujours objective de la part des protagonistes – des sujets qui touchent souvent de grands enjeux de société (…).
Néanmoins, certains aménagements sont probablement souhaitables. S’il faut résolument jeter aux orties l’idée d’augmenter une nouvelle fois le nombre de signatures nécessaires pour ne pas risquer de favoriser uniquement les grandes organisations, un système de filtrage évitant des hiatus institutionnels, notamment en cas de contradictions entre le contenu d’une initiative et le droit supraconstitutionnel, est par contre envisageable.
Ainsi, si une censure préalable à la récolte de signatures ne peut permettre d’atteindre cet objectif sans provoquer des frustrations indésirables, on pourrait imaginer que le Conseil fédéral propose dans son message concernant une initiative problématique (…) qu’elle soit soumise préalablement à l’avis du Tribunal fédéral quant à sa compatibilité avec les exigences minimales du droit supranational. (…) Cela aurait le mérite d’éviter bien des désillusions et des frustrations qui n’ont pour seules conséquences que de faire le lit de populismes (…).