Nina Seddik
Reportage. Quatre jours pour composer une équipe de tournage et réaliser un court métrage. C’est le défi qu’ont relevé les participants du festival Kino Kabaret à Genève.
Montréal, 1999. Une bande de jeunes cinéastes en mal de financement et de moyens de diffusion décident de ne pas se laisser abattre. Ils se donnent alors pour objectif la réalisation d’un court métrage par mois, pendant un an. Leur initiative, couronnée de succès, débouche deux ans plus tard sur le festival Kino Kabaret.
Le concept? Permettre à des professionnels et à des amateurs de se rencontrer et de créer ensemble une série de films durant douze jours, répartis en trois sessions, et sans contraintes financières, puisque l’équipement leur est fourni. Le tout basé sur un principe d’entraide et non de compétition. L’engouement est tel qu’il existe aujourd’hui plus d’une centaine de cellules à travers le monde, dont une à Genève, qui a vu sa quatrième édition s’achever le 19 janvier.
Comment expliquer ce phénomène? «C’est un laboratoire de création incroyable qui permet à des réalisateurs, comédiens et techniciens avec plus ou moins d’expérience de monter un projet en très peu de temps et de vivre une aventure humaine absolument géniale», répondent Sandrane Ducimetière et Damien Molineaux, directeurs de la déclinaison genevoise du festival. Le Kino Kabaret, c’est Sandrane qui l’a ramené dans ses bagages après quelques mois passés à Montréal.
«J’ai complètement adhéré au concept lors de mon séjour et ai donc décidé de lui donner vie à mon retour en Suisse. Il y a énormément de réalisateurs qui ont de superbes projets en cours mais qui sont souvent bloqués par manque de moyens. Grâce aux différents partenariats et systèmes de financement participatif mis en place chaque année, nous sommes en mesure de leur fournir tout ce dont ils ont besoin pour leur tournage ainsi qu’un espace de diffusion. Et il y a «l’esprit Kino», si particulier.»
C’est-à-dire? «Cet espace permet de se rencontrer, de créer un réseau et de travailler différemment, dans un contexte très spontané et, surtout, main dans la main», précise Damien Molineaux, confortablement installé dans l’un des nombreux fauteuils dépareillés qui meublent la Fonderie Kugler, reconvertie en quartier général pour l’occasion.
Liberté d’expérimenter
Pauline Pello, jeune réalisatrice de 28 ans, venue de Marseille spécialement pour cette 4e édition, confirme. «Je participe pour la première fois à un Kino et ce qui se passe ici est unique. Sans la pression liée au financement, on est vraiment libre d’essayer des choses que l’on ne tenterait peut-être pas en temps normal. Tout le monde est en pleine effervescence, toujours prêt à aider sur un tournage. Il y a un sentiment de solidarité vraiment très fort parmi tous les réalisateurs, acteurs, figurants et techniciens. Devoir créer dans l’urgence, avec des gens qu’on ne connaît pas forcément, à qui on est obligé de faire confiance, je trouve cela superexcitant, très formateur», raconte cette jeune diplômée d’une école de cinéma, à quelques minutes de la séance de production qui précède chaque session. Un moment important pour les réalisateurs puisqu’il leur permet de solliciter le reste des participants afin de les aider à trouver les éléments qui pourraient encore leur manquer avant le tournage.
Un tournage qui, dans le cas de Pauline, débutera le lendemain matin dans les Transports publics genevois, dont elle a obtenu une autorisation très facilement, grâce à la structure du Kino Kabaret. Dans son équipe, une recrue particulièrement jeune: Gaëtan, tout juste 15 ans. Il est aux anges d’avoir la chance de pouvoir assister la réalisatrice. «Je sais que je veux travailler dans le cinéma, mais je n’ai pas encore choisi de spécialisation. C’est vraiment bien de pouvoir venir ici, tester différents domaines, accumuler de l’expérience.»