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Newt Gingrich: «Donald Trump se débarrassera très vite de l’héritage Obama»

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Jeudi, 19 Janvier, 2017 - 05:55

Propos recueillis par Gordon Repinski

Interview. Confident du nouveau président, le républicain Newt Gingrich évoque la voie qu’empruntera Donald Trump et les risques d’une course aux armements.

Dans l’interview qu’il a dernièrement donnée à des journaux allemand et britannique, Donald Trump a de nouveau manifesté une rupture majeure avec l’Union européenne et l’administration Obama, dans des domaines comme le commerce extérieur, la défense ou la diplomatie. Entretien avec le républicain Newt Gingrich sur la politique que mènera le nouveau président, investi dans ses fonctions le vendredi 20 janvier.

L'Hebdo: Que faut-il attendre des cent premiers jours du gouvernement Trump?

Newt Gingrich: Il se passera beaucoup de choses. Donald Trump est un homme d’action. Je crois que, dès les premières semaines, il abrogera bon nombre des décrets de Barack Obama et se débarrassera de son héritage. Cela se produira sur plusieurs fronts. Je m’attends à des semaines très animées.

- Beaucoup de gens redoutent, notamment en Europe, que votre pays ne change à partir du 20 janvier, qu’il ne devienne moins tolérant et plus autoritaire, un peu comme la Russie de Poutine.

C’est une peur irrationnelle, franchement pathologique. Comparer la nation la plus ouverte et la plus bigarrée de la planète à la Russie est complètement inimaginable. Etes-vous jamais allé à Moscou?

- Non.

- Alors demandez à vos collègues là-bas dans quelles conditions travaillent les journalistes, puis comparez avec ici. Les deux pays ne sont pas comparables. Je connais l’Europe, je connais les Européens, j’ai vécu à Stuttgart comme fils de soldat, j’ai aussi vécu en France et en Belgique. Et cela me navre que des Européens diffusent de telles sottises.

- Il y a aussi des Américains qui se font du souci pour leur pays, qui redoutent une nouvelle course aux armements. Trump a dit récemment qu’on pourrait en arriver là.

- Lorsqu’on voit à quel point les Russes ont continué de développer leur armement nucléaire ces dix dernières années, il faut admettre que la course aux armements est déjà en cours. La Russie modernise ses systèmes nucléaires, mise tant et plus sur des armes atomiques tactiques et sur des engins contre lesquels une défense antimissile ne peut rien. Les Russes investissent aussi dans des armes robotisées, y compris apparemment dans des chars-robots. Moscou se prépare et investit sans doute plus dans la fabrication d’armes innovantes que l’ensemble de l’Europe.

- Donald Trump modifiera-t-il les rapports entre les Etats-Unis et l’OTAN?

- Pas fondamentalement. Mais je suppose qu’il ne sera pas tendre avec ces pays qui ne dépensent même pas pour leur défense les 2% de leur PIB recommandés par l’OTAN. Il leur demandera pourquoi nous, les Américains, devrions tolérer des pique-assiettes.

- Est-ce à dire qu’il ne garantira une assistance militaire complète qu’aux Etats qui remplissent cette condition des 2%?

- Je pense qu’il ne le peut pas. Mais il se montrera peu diplomate avec les gouvernements qui paient moins. L’OTAN est une alliance, donc ses membres doivent être en mesure de payer leur écot.

- Les Européens craignent une alliance entre Trump et Poutine. Comment voyez-vous cela?

- Je crois que Trump ne se sent pas obligé d’entamer une guerre froide contre la Russie. Mais il est très prudent. Cela dit, je trouve la question schizophrénique: les gens craignent à la fois que Trump ne lance une course aux armements et qu’il ne les livre à Poutine. Quelle est leur plus grande peur?

- Le tweet de Trump qui a suscité le débat pouvait concerner aussi bien la Chine que la Russie.

- Je suppose que nous allons expliquer aux Chinois qu’avec nous ils ne pourront pas devenir une puissance navale hégémonique en mer de Chine méridionale.

- Revenons à la Russie: les services secrets américains ont conclu que les Russes avaient tenté d’influencer la campagne électorale américaine. Washington peut-il tolérer cela?

- Obama avait même mis la chancelière allemande sur écoute. Ma foi, les gouvernements font ce genre de chose. Et je ne sais rien d’une opération russe qui aurait effectivement influencé notre élection.

- Les sénateurs John McCain et Lindsey Graham, vos camarades de parti, voient les choses différemment et exigent une réaction forte des Etats-Unis.

- Je n’aime pas ces grands discours qui brassent de l’air. Il nous serait très difficile de donner une bonne leçon aux Russes. Nous ne pourrions que nous égosiller. Poutine s’est habitué aux sempiternelles rodomontades d’Obama et de son secrétaire d’Etat, John Kerry. Ce qui n’a pas l’air de l’impressionner.

- Trump mentionne souvent sa sympathie pour Poutine. Savez-vous ce qui le fascine tant chez le président russe?

- Pas vraiment. Je pense qu’il considère Poutine comme un homme fort et c’est ainsi qu’il se voit lui-même aussi. Mais je ne crois pas qu’il tienne le moins du monde le régime de Poutine pour un exemple.

- Il y a des Européens qui redoutent que Trump ne perde un jour ses nerfs et n’appuie sur le bouton rouge.

- Je crois que, question armes atomiques, il est très, très circonspect et se fait beaucoup de souci à ce sujet. C’est sûrement l’une des causes de son approche prudente de Poutine. Il sait de combien d’armes nucléaires ce dernier dispose. Il sait aussi que la doctrine militaire russe est plus ouverte que l’américaine à un recours au nucléaire.

- Circonspect face à la Russie, mais d’autant plus brutal avec d’autres pays, en particulier le Mexique… Croyez-vous qu’il va effectivement construire un mur le long
de la frontière? Et le faire payer aux Mexicains?

- Le mur sera construit et le Mexique paiera.

- Le président mexicain assure qu’il n’en fera rien.

- Il y a de multiples manières de l’y contraindre. Nous pourrions par exemple prélever des taxes sur tous les virements d’argent vers le Mexique. Ou sur toutes les voitures importées du Mexique. Ou confisquer les biens des cartels mexicains de la drogue aux Etats-Unis, ce qui suffirait pour construire le mur.

- Avec des taxes et des droits de douane, on lance une guerre commerciale qui, au bout du compte, nuira aux Etats-Unis.

- Non, les Etats-Unis sont le plus grand marché de la planète. Je ne crains rien de pays qui entendraient mener une guerre commerciale contre nous. Ils la perdraient.

- Vous disiez un jour que votre plus grande crainte était que l’équipe de Trump ne perde un jour son sang-froid. Que voulez-vous dire par-là?

- Il y a tant d’éléments qui peuvent freiner ou stopper l’équipe de Trump: la bureaucratie, les prescriptions, les lobbyistes, les journalistes… La capacité d’inertie de toutes ces forces qui visent à empêcher le changement est telle que, peut-être, le gouvernement Trump devra passer la vitesse inférieure et décider de se montrer raisonnable. Or, si lui et son équipe deviennent raisonnables, ils auront perdu.

- Pourquoi?

- Quiconque connaît Bruxelles sait de quoi je parle. On essaie d’inciter la bureaucratie de l’UE à se bouger mais, si on ne parvient pas à la casser, rien ne bouge: le monstre bureaucratique reste là à vous regarder. Chez nous, en Amérique, nous avons le même problème. La plupart des bureaucrates ont voté Hillary Clinton. Ils abominent ce que Trump veut réaliser. Ils croient pour la plupart qu’ils pourront jouer la montre parce qu’on ne peut pas les virer.

- Pendant la campagne électorale, vous avez étroitement travaillé avec Trump. A-t-il changé au fil de ces mois?

- Il a énormément appris. L’ampleur de sa responsabilité l’a rendu plus terre à terre. Je crois qu’il perçoit mieux désormais la mesure des défis qui l’attendent. Il s’est déjà entretenu avec au moins 75 dirigeants de la planète et son souci est de voir comment atteindre ses objectifs de manière responsable.

- Il lui a été beaucoup conseillé de se comporter en homme d’Etat. Cela n’a pas été le cas à ce jour.

- Trump est comme il est. Il n’arrêtera pas de tweeter. J’espère que les gens s’y habitueront. Chaque président a son propre style.

- Trump a-t-il une stratégie?

- Non, mais il a un but. Il entend rétablir l’autorité et la puissance de l’Amérique, relancer l’économie.

- Pendant la campagne électorale, avez-vous perçu qu’il allait bel et bien l’emporter?

- Oui, très tôt même. En août 2016, il y a eu une joute oratoire avec la modératrice Megyn Kelly et toute l’élite du pays a pensé qu’il s’était planté. Or de 60 à 70% des gens qui se sont exprimés sur les réseaux sociaux l’ont vu en vainqueur. Je me suis dit que si le gouffre entre les élites et les citoyens lambda était si profond, il se passait là quelque chose d’inhabituel. Le peuple en a plein le dos du politiquement correct et que l’on fasse passer la faiblesse pour de la sagesse.

- On vous voyait assez comme candidat à la vice-présidence ou à la tête d’un ministère. Pourquoi n’en êtes-vous pas?

- Je veux garder ma liberté jusqu’à la fin du mandat de Trump, sans doute en 2025, et je veux pouvoir exprimer mon opinion sans tenir compte de la ligne du parti. Car je crois que j’assisterai à la présidence la plus fascinante de ma vie. Elle peut être très bonne ou très décevante. Je ferai tout pour qu’elle soit excellente et, pour cela, je n’ai pas besoin d’une fonction. Les chances de succès de Trump sont grandes.

- D’où vous vient cet optimisme?

- Les Etats-Unis sont un immense pays avec des ressources gigantesques. Le génie américain a produit les frères Wright, Henry Ford, Bill Gates, Mark Zuckerberg. Si nous en mettons un coup, nous pouvons être grandioses. L’incompétence de l’administration finissante a été si énorme qu’un manager même à moitié bon pourrait gagner beaucoup de terrain. Or Trump est un très bon manager.

© DER SPIEGEL traduction et adaptation Dian Pozzy


Profil

Newton Leroy McPherson, dit Newt Gingrich après avoir été adopté, 73 ans, Géorgien, passe depuis longtemps pour un faucon au sein du Parti républicain. Il a été député au Congrès pendant vingt ans.

De 1995 à 1999, il a présidé la Chambre des représentants. Pendant la campagne électorale, on voyait en lui un possible candidat à la vice-présidence. Il a participé aux primaires républicaines pour l’élection présidentielle de 2012.

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